Entrepreneure engagée et féministe aguerrie, Céline Orjubin a co-fondé My Little Paris en 2009, un média qui diffuse les bonnes adresses mode, beauté, food et autres bons plans de Paris à 5 millions de lectrices, sous forme de newsletters. Le site, enrichi de podcast et autres villes à connaître est devenu une marque incontournable qui fonctionne aussi avec l’e-commerce (GambettesBox notamment). On fait le point sur ce succès, après 14 ans d’existence.

HEC Stories : Que vouliez-vous faire quand vous étiez enfant ?

Céline Orjubin : Je voulais être romancière, autrice. J’en suis quand même bien loin aujourd’hui (rires). Au début, My Little Paris était une association de loi 1901 (à but non lucratif, NDLR), nous nous retrouvions le lundi soir pour rédiger les news et j’écrivais. C’était génial de garder ce hobby, de pouvoir écrire… mais j’ai vite été rattrapée par le business.

HEC Stories : Après Montréal, Hong Kong et Dakar, vous vous êtes installée à Londres où vous avez vécu une première expérience chez Morgan Stanley ?

Céline Orjubin : J’avais choisi Londres pour rejoindre mon compagnon mais je n’étais pas faite pour travailler dans cette entreprise. J’ai compris l’énergie que ça demande de ne pas se sentir à sa place. J’ai fait beaucoup de théâtre, notamment à HEC et j’avais l’impression de mettre un costume chaque matin. À l’époque, j’avais aussi un côté bon élève. Je pensais :  » à force de vouloir bien faire les choses, je vais me réveiller un jour et ma vie sera passée ». J’ai eu la très grande chance de me faire virer pendant la crise en 2008.

HEC Stories : Comment est née l’idée de MyLittleParis ?

Céline Orjubin : Une amie m’a présentée Fany Péchiodat qui était en train de monter My Little Paris. Elle avait pour idée de partager les bonnes adresses parisiennes. Nos premiers bureaux étaient dans une pépinière du 20ème arrondissement. On avait en tête le modèle de DailyCandy, une e-newsletter présente à New-York et à Londres. Au début, j’écrivais et je dénichais les bonnes adresses puis je me suis assez rapidement penchée sur le business model. En 2009, il y avait très peu d’espaces annonceur sur le digital.  Le goût des mots, des histoires et un sens esthétique, notamment avec les aquarelles de Kanako nous a progressivement amené vers des échanges. Malgré un intérêt certain, nous avons dû essuyer plusieurs refus avant de signer notre première campagne avec Dior pour 5000 € ! C’est ainsi que nous avons inventé ce qui maintenant est très commun : le brand content.

HEC Stories : Vous parlez de native advertising, quel est votre business model ?

Céline Orjubin : L’idée est de ne surtout pas calquer le modèle qui existe en print ou dans la rue avec des ventes de bannières. Le digital est un espace unique où l’on peut créer un niveau de confiance et d’intimité unique, c’était le cas avec notre newsletter qui nous a permis d’intégrer des marques différemment. Il y a bien sûr des conditions et notre contrat de lecture est très clair : nous sélectionnons les marques avec lesquelles nous travaillons et nous cherchons à chaque fois un bénéfice pour nos lectrices. J’ai dit non à Dior quelques années plus tard justement parce qu’ils ne proposaient aucun bénéfice. Tout cela m’amène à me questionner sur le rôle de la publicité dans notre société et je pense qu’elle doit être beaucoup plus utile que ce qu’elle n’est aujourd’hui.

HEC Stories : Vous considérez-vous comme une militante écolo ?

Céline Orjubin : L’écologie est de plus en plus présente dans ma vie. Je me suis formée à l’écologie profonde au sein du Schumacher College en Angleterre en 2017. Il s’agit d’une école d’écologie créée par Satish Kumar qui est lui-même militant. Je rêve de créer un endroit comme celui-ci en France car j’estime qu’il y a là un véritable enjeu de formation. Je ne sais pas si HEC tente aujourd’hui d’implémenter ces sujets au sein de ses programmes, mais ce n’était pas du tout le cas à mon époque. Ce que j’ai beaucoup apprécié au Schumacher College, c’est qu’il s’agit d’une éducation qui mêle à la fois tête, cœur et corps avec des cours de Sciences mais aussi de la méditation et la Deep Time Walk, une marche sur 4km qui retrace les étapes de la vie sur Terre qui permet de réaliser ce que représente réellement l’ère industrielle à cette échelle : quelques centimètres à la fin de la randonnée.

HEC Stories : Cette appétence pour l’écologie est-elle transposée dans MyLittleParis ?

Céline Orjubin : Oui. Nous avons lancé le Greenletter Club, un podcast sur l’écologie qui vient de dépasser les 500 000 écoutes. Nous avons reçu Cyril Dion, Lamya Essemlali, Mathilde Imer. C’est un format long, d’une heure environ, ce qui me semble indispensable sur ce sujet. Nous sommes lus par plus de 5 millions de lectrices dans le monde donc nous avons évidemment un immense rôle de prescription et d’influence et une chance de faire bouger les lignes. Depuis le tout début, notre objectif ultime et de faire en sorte que les lecteurs lâchent leurs   ordinateurs et leurs téléphones pour partir à la découverte de la ville où ils habitent. Nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir mettre en lumière des endroits différents qui nourrissent le lien et le goût de vivre ensemble à Paris. D’une certaine façon, c’est comme si nous avions la possibilité de participer, à notre modeste échelle, à la construction d’une ville différente.

HEC Stories : Après MyLittleParis, My Little Wedding, My Little Kid et Little Book Club, vous avez lancé Mona en 2017. Un autre combat pour l’égalité des chances et des droits de femmes ?

Céline Orjubin :  Oui, c’est un point de ralliement dédié aux femmes et à leurs projets comme il en existe peu dans le monde. Il y a plusieurs espaces. Un café (les cookies sont dingues), un espace dédié aux talks (Lauren Bastide, Perla Servan-Schreiber, Ayo ou Roxanne Varza font partie des invitées venues prendre la parole, NDLR), le tout au sein de la Cité Audacieuse, à deux pas du Jardin du Luxembourg…

HEC Stories : Quels sont vos projets pour l’année prochaine :

Céline Orjubin : Nous venons de nous déployer sur 4 nouveaux marchés en Europe avec Gambettes Box ces derniers mois. Donc l’année prochaine, nous allons déjà pérenniser ces lancements, et installer la marque Gambettes box sur ces nouveaux marchés qui portent notre croissance dans les années à venir. Côté media, nous lançons l’année prochaine le ‘Small Business Awards’, pour Noël 2023 qui soutiendra les commerces locaux et responsables. Quand on parle d’un restaurant, son agenda de réservations explose et quand on parle d’une boutique c’est la même chose. My Little joue depuis 14 ans un rôle immense dans le soutien des commerces, galeries, associations locales.

HEC Stories : MyLittleParis aujourd’hui et en chiffres ça donne quoi ?

Céline Orjubin : Nous existons depuis 14 ans. 5 millions de femmes nous lisent sur nos réseaux sociaux et notre newsletter. Nous sommes présents en France, en Allemagne, au Japon, aux Pays-Bas, en Italie et en Belgique. Nous faisons actuellement plus de 30% de notre chiffre à l’international. Nous faisons plusieurs dizaines de millions d’euros de chiffres d’affaires et sommes rentables depuis le premier jour.

HEC Stories : Quels sont projets pour la fin d’année ?

Céline Orjubin : Nous vendons depuis 3 ans notre calendrier de l’avent. Mettre Paris dans sa poche, c’est notre idée depuis le début et la box concrétise cette envie associée à l’amour de la surprise. La surprise est un levier très important de nos vies, c’est une vraie culture d’entreprise à la fois en interne et pour nos lectrices.

Céline Orjubin

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HEC Stories : Pouvez-vous nous parler du rachat de TF1 ?

Céline Orjubin : Celui-ci s’inscrit dans une histoire plus longue. Nous avons cédé la majorité de nos actions MyLittleParis à Au.Féminin.com en 2013 parce que nous sentions le besoin d’être accompagnées notamment sur les sujets internationaux. C’est pour cela que nous avons choisi le groupe média Axel Springer, qui est leader en Allemagne. Avec du recul, cette acquisition n’a pas vraiment aidé notre déploiement à l’international mais elle nous a permis de rencontrer Marie-Laure Sauty de Chalon et Agnes Alazard qui dirigeaient Au.Féminin.com. : deux femmes très fortes sur le digital. Leur expertise dans ce domaine nous a été très utile. TF1 n’est rentré en jeu qu’en 2017 quand Axel Springer a vendu la totalité d’AuFéminin, MyLittleParis compris, ce qui a provoqué un changement de gouvernance. Deux de nos associés sont partis.

HEC Stories : Comment se passe votre relation avec TF1 ?

Céline Orjubin : C’est une véritable reconfiguration. J’ai réinventé un duo avec Anne-Flore Brunet Chapellier, nous sommes associées depuis 14 ans, elle est devenue ma « work wife ». C’est très important pour moi, je ne voulais pas entreprendre seule. Pour TF1 nous sommes comme un petit satellite. Je tiens à préserver notre culture d’entreprise qui se traduit par l’expérience dans nos bureaux et nos ateliers créatifs. Ma rencontre avec Gilles Pélisson m’a vraiment rassurée à ce sujet, il a tout de suite compris et respecté notre univers.

HEC Stories : Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Céline Orjubin : Nous testons actuellement Traverses, notre école de créativité en ligne dont l’objectif est de passer d’une économie de la consommation à une économie de l’éducation. Nous estimons que nous avons un impact sur l’éducation de nos lectrices. Nous proposons en ce moment une semaine spéciale « West Coast » ou des intervenants américains partagent leurs méthodes de créativité. Nous avons reçu Isabelle Carré jeudi dernier qui a parlé de ses techniques pour nourrir sa créativité en écriture. Sur l’écriture musicale et littéraire nous avons également reçu Gael Faye… Ce projet met en commun nos deux expertises : le contenu et le e-commerce. Nous ne pensions pas faire du BtoB sur ce projet, mais Google est venu toquer à notre porte et nous accompagnons désormais leurs équipes marketing en termes de créativité.

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