Pour permettre le dépistage précoce de cancers, la start-up Mursla, créée par Pierre Arsène (H.08), a développé  une technologie innovante de biopsie liquide. Une avancée dans le domaine des biotechnologies et dans la lutte contre la maladie. Décryptage.

HEC Stories : Comment êtes-vous passé d’HEC à la recherche dans la santé ?

Pierre Arsène : J’ai toujours eu envie de mener une aventure entrepreneuriale dans les industries de pointe, notamment dans le secteur de la biotechnologie [ensemble de méthodes et techniques qui utilisent ou modifient les organismes vivants, NDLR]. J’ai travaillé en fusion-acquisition chez JP Morgan, ils m’ont envoyé au Japon. Là, j’ai rencontré un chercheur en nanotechnologie avec lequel j’ai fondé la société Mursla. Et j’ai repris des études en biophysique à l’université de Cambridge.

HEC Stories : Mursla opère plus précisément dans la techbio, quelle est la différence avec la biotech ?

Pierre Arsène : La techbio est née de la convergence entre la numérisation croissante de la biologie, grâce aux techniques de séquençages de plus en plus sophistiquées, et de notre faculté à manipuler des données extrêmement complexes avec l’intelligence artificielle. Cela débouche sur de nouvelles aptitudes à lire, écrire, programmer et délivrer la biologie. Chez Mursla, nous lisons plus exactement les vésicules extracellulaires, ces bulles sécrétées par toutes les cellules de notre corps. Celles-ci sont intéressantes puisque qu’elles façonnent la communication entre cellules. C’est leur WhatsApp, en quelque sorte ! Grâce à notre technologie, on peut ouvrir le contenu des messages, les lire, comprendre qui les a envoyés et pour quoi faire. Ainsi, on va récupérer les messages de cellules cancérigènes en circulation dans le corps s’ils existent. Cela passe par une prise de sang. On parle ainsi de biopsie liquide, par opposition à la biopsie de tissus qui implique une connaissance préalable de la zone à risque et une opération souvent lourde. Grâce à Mursla, on peut poser un diagnostic de manière non invasive et spécifique.

HEC Stories : Qu’en est-il des trois autres aptitudes : écrire, programmer et délivrer ?

Pierre Arsène : La faculté d’écrire et programmer est essentielle. En effet, la biologie permet de créer des systèmes biologiques artificiels tels que de la viande cultivée en laboratoire, du biocarburant ou encore la création de produits chimiques renouvelables. Cela peut nécessiter la modification du code génétique d’une cellule grâce à la méthode coupé-collé CRISPR-Cas9. Cette méthode a été initialement développée par des bactéries pour se défendre contre les virus qui les avaient attaquées dans le passé en coupant leurs codes pour ne pas se répliquer. Enfin, délivrer la biologie est l’action de pouvoir envoyer un cargo génétique à des cellules spécifiques dans le corps sans affecter les autres sur son chemin. C’est-à-dire avoir une thérapie garantissant d’être efficace et sans effets secondaires. Ce à quoi les virus ou les vésicules extracellulaires reprogrammés peuvent être très utiles.

HEC Stories : Concrètement comment et avec qui travaille Mursla aujourd’hui ?

Pierre Arsène : On utilise le premier produit de Mursla comme un nouvel outil de diagnostic du cancer. Nous menons actuellement une étude pilote et nous travaillons avec quatre hôpitaux entre Londres, le Portugal et l’Italie. Cette étude est centrée sur des patients atteints d’une cirrhose (maladie du foie irréversible qui endommage l’organe et peut se transformer en cancer). On peut leur dire si le cancer est en train de se développer ou non grâce à une biopsie liquide.

HEC Stories : Quel est le modèle économique de Mursla ?

Pierre Arsène : Un traitement contre le cancer du foie coûte environ 100 000 euros par an ! Avec Mursla, on peut détecter le cancer au stade 1. Une petite chirurgie suffit à le soigner la plupart du temps. Notre technologie va donc faire économiser beaucoup d’argent au domaine de la santé. Nous avons déjà levé 5 millions de livres sterling auprès de fonds privés et collaborons avec plusieurs leaders mondiaux tels que Roche ou PerkinElmer. Après le foie, nous aimerions utiliser Mursla pour lutter contre le cancer du poumon.

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