Le mot de Philippe Bernard de Raymond (H.67)
Le 11 juillet 1964, le Général de Gaulle inaugure les nouveaux locaux de l’École des hautes études commerciales à Jouy-en-Josas, alors département de la Seine-et- Oise, à une vingtaine de kilomètres de Paris. Pensé et réalisé par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, ce campus décentralisé répond à sa volonté de moderniser l’enseignement du management des entreprises pour les dirigeants et cadres supérieurs. Le projet pédagogiquea été longuement élaboré au sein de la chambre depuis 1957 : il s’agit de passer de la formation du cadre commercial initiée en 1881, relativement peu modifiée depuis, à celle des « administrateurs du changement » des années 1960, « fers de lance de l’économie libérale », pour reprendre les termes de Guy Lhérault, directeur de l’École, leader du projet d’aggiornamento de la CCIP. Pour l’État français, ce projet s’inscrit dans la volonté d’accompagner le développement des entreprises françaises dans le contexte économique des Trente glorieuses, marqué parune croissance annuelle à 5 %, fin de l’époque coloniale et un rôle accru de la France dans la construction européenne. L’État français affirme dans ces années une politique économique et monétaire, une politique industrielle, une politique d’aménagement du territoire et adopte une planification indicative à cinq ans.Les futurs élèves de l’école ne recevront les résultats du concours d’entrée que le lendemain de l’inauguration ; pour eux, l’installation à Jouy se fait le dimanche 27 septembre et la séance inaugurale se tient en amphi le lendemain 28 septembre 1964 à 8h40.Pour ces jeunes gens, généralement bien nés, commence alors le moment si longtemps désiré des années de formation dans une grande école réputée, dans un environnement exceptionnel. Ils n’ont pas même vingt ans, ce temps est pour eux celui de la levée progressive des indéterminations de l’adolescence : celle des études vient de se produire (du moins pour le plus grand nombre), il reste celle de l’avenir professionnel, celle de l’avenir sentimental (principalement conjugal pour la France des années 1960), qui détermineront leurs trajectoires sociales.
Revenant aux origines de l’École, l’ouvrage collectif Avoir vingt ans à Jouy-en-Josas, HEC 1964-67questionne la rencontre entre le projet de la Chambre de commerce (rénovation de l’enseignement, installation de l’école sur un campus à l’américaine), et le parcours individuel et collectif de ces 276 jeunes gens, dans les conditions bien particulières de ce nouveau campus, isolé de toutet entièrement masculin. Cela ne se fera pas sans de nécessaires ajustements – en particulier sur le règlement intérieur, qui interdisait l’accès des pavillons aux visiteuses. Ce fut aussi le temps de l’apprentissage du travail en groupe et du débat, celui de l’action collective et le moment où se sont nouées tant de solides amitiés.Ce travail, que j’ai animé avec Alain Fouquet, et d’autres, comporte trois regards croisés sur cette promotion Pâquerette (1967) : un ensemble d’une vingtaine de textes que j’ai élaborés et illustrés, et constitue la première partie, « Un regard singulier » sur cette période de nos vies ; viennent ensuite une vingtaine de contributions abordant les principaux aspects de notre passage à Jouy (Enseignement, résidence, etc.), « Un regard collectif » ; et pour finir vingt-deux entretiens sur leur parcours ultérieur d’élèves de la promo dans leur diversité, entretiens conduits par Léo Michel, étudiant en Mastère 2 d’histoire, dont la synthèse finale constitue « Un regard extérieur ». Le cahier central regroupe des photos d’époque inédites. Travail de mémoire bien sûr, mais aussi travail d’historien qui s’efforce d’aller au-delà des simples mémoires, s’appuyant sur divers documents d’époque (publications des élèves – principalement notre revue Mercure –, fonds de la CCIP et de l’École…), qui m’a permis de constituer un corpus numérisé de quelque 3 000 vues.
L’ouvrage est consultable à la bibliothèque de l’École à Jouy ; les lecteurs qui souhaiteraient l’acquérir peuvent en faire la demande par mail à l’adresse : deraymond@wanadoo.fr
Published by La rédaction