Bhavna Suresh (MBA.16) est une figure émergente de l’écosystème des start-ups en Inde, un pays où moins de 20 % de ces structures sont dirigées par des femmes. Cette entrepreneure de Bangalore vient de remporter un prix HEC Mercure pour sa vision. De l’ingénierie mécanique à HEC, elle nous parle de son parcours.

 

Quand et pourquoi avez-vous commencé votre aventure entrepreneuriale ?

Je n’ai pas grandi entourée de gens du milieu des affaires, mais dans une famille où tout le monde avait des emplois stables. Je suis ingénieure mécanique. J’ai été la première femme embauchée en tant qu’ingénieure pour effectuer des opérations de terrain dans une entreprise automobile indienne. Je devais me déplacement à différents endroits et tout mettre en place en partant de zéro. Je n’appelais pas ça de l’entrepreneuriat car je recevais un salaire à la fin de chaque mois, mais j’ai réalisé que j’aimais ça.

Au début de l’année 2013, je suis tombée malade. J’allais à l’hôpital régulièrement et j’ai dû subir une intervention médicale. C’était l’un de ces moments décisifs où on a l’impression d’avoir une deuxième chance. Je voulais partir, je voulais tout recommencer et faire quelque chose de nouveau.

 

« Je parlais obsessivement de la même idée »

 

Je me suis retrouvée à une réunion HEC à Bangalore. J’ai vraiment aimé l’idée que ce n’était pas une école de commerce traditionnelle, que les gens venaient de tous horizons et que tous n’étaient pas consultants ou banquiers d’investissement. Trois semaines plus tard, j’ai passé le GMAT et j’ai fait ma demande. Au bout de quelques mois, je savais que j’allais retourner à l’école.

Mon aventure entrepreneuriale a vraiment commencé à HEC. Dans chaque cours, je parlais obsessivement de la même idée : louer plutôt qu’acheter. Mon professeur m’a dit : « Es-tu sûr de ne pas vouloir en faire quelque chose ? » Trois mois après le début de l’école de commerce, j’ai commencé à travailler sur ma première startup, une entreprise de location de vêtements pour femmes en ligne. Parce que j’étais à Paris et que je ne pouvais pas me payer la moitié des vêtements en boutique.

 

Avez-vous identifié une demande pour ce service ?

Pas du tout. J’ai construit ma première startup avec beaucoup d’amour, mais j’ai échoué. Ça n’a tout simplement pas pris l’ampleur espérée. Je le construisais pour moi-même et je n’écoutais personne d’autre. Pour la deuxième [Ndlr; Lamudi, une platforme immobilière en ligne aux Philippines], j’ai eu l’occasion de déménager en Asie du Sud-Est. Je ne connaissais rien aux Philippines. Je ne connaissais rien à l’immobilier. C’était comme partir de rien.

C’est intéressant parce que vous apprenez très rapidement à écouter les autres, à ne pas vous attacher à une idée pour continuellement l’ajuster. Je pense que c’est ça, l’entrepreneuriat : obsession et persévérance. Nous avons vendu Lamudi et j’ai également pu voir à quoi ressemble une acquisition. Ensuite, j’ai rencontré quelqu’un qui m’a fait une offre d’un million de dollars sans que j’aie la moindre idée de ce que je voulais faire ensuite.

 

« Les femmes montent à vitesse grand V »

 

Et maintenant, avec 10club, vous devenez un acteur du commerce en ligne pour la maison et la cuisine. Pourquoi ce segment en particulier ?

De nombreuses entreprises ont essayé de développer un e-commerce orienté maison et cuisine en Inde, mais elles ont toutes échoué. Il n’y a vraiment plus personne. Alors, je me suis demandé pourquoi tant de gens avaient échoué. Est-ce que je peux faire quelque chose de différent pour que ça marche ?

 

En tant que figure émergente dans votre pays, vous avez pris position publiquement sur le leadership par les femmes. Pouvez-vous nous dire comment les choses se passent en Inde ?

Je pense qu’il y des inégalités de genre partout dans le monde, l’Inde ne fait pas exception. Je pense que l’Inde est certainement un pays émergent où les femmes entrepreneures constituent un phénomène très, très récent. Le capital, en fin de compte, est encore entre les mains des hommes. C’est un système défectueux, mais je pense aussi que c’est en train de changer. Les femmes montent à vitesse grand V. Mais il faut garder en tête que l’Inde a toujours été un pays d’entreprises traditionnelles. L’argent du capital-risque n’est arrivé dans le pays que depuis environ 12 ans. J’ai réussi à lever le plus gros tour d’amorçage (seed), pas en tant qu’entrepreneure femme, mais de tout l’écosystème start-up indien en général.

 

« Vous devez être follement optimiste »

 

Vous avez même fait les gros titres…

Pour 40 millions de dollars, oui, mais une partie a été levé en dettes, à hauteur de 32 millions. J’ai été très prudente dans les dépenses car en fin de compte, je suis toujours sur un marché émergent. Ma théorie était que le secteur des produits pour la maison et la cuisine, c’est le dernier segment inexploité en Inde.

Je pense que cela demande beaucoup de persévérance. C’est la chose la plus importante parce qu’il y a des bons jours et des mauvais jours, ainsi vont les choses n’est-ce pas ? C’est comme faire du surf, vous tomberez et vous continuerez de tomber, mais vous devez vous relever et y retourner. Tout le monde se lance dans le business en pensant qu’ils vont réussir, donc vous devez être follement optimiste.

Published by