Économiste spécialisé dans le secteur sportif, Luc Arrondel participe au développement de l’enseignement du business sportif au sein d’HEC. Il présente le contenu pédagogique du cours électif « Sport et businnes » et partage sa vision d’un secteur d’activité dyna­mique, notamment à travers l’économie du football.

 

Vous participez cette année à une initiative pour développer l’enseignement du business sportif d’HEC. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans ce projet ?

Luc Arrondel : Sur l’économie du sport en général et l’économie du football en particulier, on lit beaucoup de choses dans les médias qui manquent souvent de profondeur. Ma première motivation est donc d’aider les étudiants à mieux « décrypter » l’économie du football. Ensuite, d’un point de vue académique, je pense que l’économie du sport est sous-représentée. J’ai envie de montrer que le football – puisque c’est mon domaine de prédilection – peut être utile à l’économie. Il y a toute une lecture du football qui peut se faire à travers le prisme de certaines hypothèses économiques : la prise de décision au moment du penalty, la théorie des « grands hommes » appliquée aux entraîneurs, etc. C’est cette approche que je veux partager avec les étudiants d’HEC. Ce qui m’intéresse aussi, c’est de découvrir comment les jeunes générations perçoivent le sport aujourd’hui – et je suis sûr que leur vision est différente de la mienne, puisque je suis d’une génération plus ancienne…

 

Des programmes d’enseignement axés sur le business du sport devraient être prochainement déployés à l’Essec, Centrale Supélec et Sciences Po. Est-ce le signe d’un rapprochement entre le domaine du sport et le monde du commerce ?

L.A. : Oui, je pense que cela correspond à l’évolution que le sport en général et le football en particulier ont connue au cours des trente dernières années. Ce que mon collègue Richard Duhautois et moi appelons les « Trente Glorieuses du foot ». Depuis les années 1990, le football a connu une croissance économique à deux chiffres, impulsée par le fameux arrêt Bosman, l’inflation des droits TV, l’arrivée des milliardaires comme investisseurs et la création de la Premier League en Angleterre. Mais la force du secteur sportif se mesure au-delà de son économie, à travers sa portée sociale. Quand la France a gagné la Coupe du monde en 2018, il y avait un million de personnes sur les Champs-Élysées. Et les JO sont retransmis sur les chaînes de télévision du monde entier, souvent en direct. Peu de secteurs économiques mobilisent autant les foules.

 

Pensez-vous que les échanges avec les étudiants d’HEC pourront nourrir votre réflexion et votre recherche ?

L.A. : Mon premier objectif, c’est de tordre le cou aux idées reçues. Par exemple, on entend dans les médias qu’il y a trop d’argent dans le foot, que les footballeurs sont trop payés, etc. Mais le poids économique du football est en réalité très relatif : en Europe, les cinq ligues majeures, le Big Five, totalisent 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ce n’est pas grand-chose comparé aux 100 milliards de chiffre d’affaires de la plus grosse entreprise française.

Mais comme le disait l’économiste Daniel Cohen dans Le Nouvel Observateur, le monde du football est l’un des seuls secteurs d’activité particulier où l’argent va aux « travailleurs » des clubs plus qu’à ceux qui les président. Les clubs de football redistribuent l’essentiel de leurs bénéfices aux joueurs, souvent issus de milieux défavorisés. C’est un modèle méritocratique et hyper élitiste : très peu de footballeurs gagnent des millions. Finalement, je dirais qu’il y a une éthique dans l’économie du foot, même si certains se focalisent sur les salaires des footballeurs les plus célèbres.

 

À l’issue de votre cours électif sport et business, les étudiants présentent en fin d’année un projet pour le développement d’une structure sportive professionnelle. Qu’attendez-vous comme retour de leur part ?

L.A. : Le plus intéressant sera de découvrir les idées qu’ils ont eues pour innover, notamment leurs réflexions sur de nouvelles formes d’implication des supporters dans les clubs : actionnariat populaire, crypto actifs (fan tokens)… Ou bien la façon d’aller au stade et d’y consommer. La durabilité du modèle, l’environnement, le développement du football féminin… je suis impatient de voir l’avenir à travers les yeux de cette nouvelle génération.

 

Dans le cadre de ce cours, HEC Paris collabore avec un grand club français : le Racing Club de Lens. C’est important pour vous, d’appliquer la théorie à la pratique ?

L.A. : C’est fondamental et c’est tout l’intérêt de ce partenariat. Appliquer une analyse générale sur l’économie du football à un club en particulier, permet de se faire une idée de ce que peut devenir ce « business ».

Le RC Lens appartient aujourd’hui à un fonds d’inves­tissement, ce qui correspond à une tendance actuelle dans le football européen et français en particulier. Ce club fait aujourd’hui partie des cinq plus gros budgets en France, ce n’est donc pas un « petit club » d’un point de vue économique. Les étudiants d’HEC vont donc avoir un aperçu assez unique de ces deux réalités du « football business ».

 

Propos recueillis par Daniel Brown

Virtus

Créée en 2022 par des étudiants d’HEC, l’association Virtus a pour objectif d’accompagner les étudiants des grandes écoles au cours de leur insertion professionnelle dans le secteur du sport. Avec un média de sensibilisation aux enjeux durables du secteur et l’organisation de nombreux événements sportifs, Virtus enchaîne, malgré son jeune âge, les collaborations avec un grand nombre de partenaires, y compris les JO de Paris !

HEC Paris sportif

En marge de l’électif business et sports, l’École propose deux programmes spécifiques consacrés à l’économie du sport. Un bootcamp sur le sport à impact, organisé en juin dernier sur le vélodrome de Saint-Quantin en Yvelines, a permis aux étudiants de participer à u n jeu de piste géant et de présenter des idées d’entrepreneuriat à impact devant un panel de startupeurs du secteur. En juillet, c’est un Youth Program de trois jours qui sera organisé sous la direction de Luc Arrondel sur le thème de « L’Argent du football ». Ce programme est ouvert aux étudiants post-bac. Last but not least, HEC Paris a le projet de créer un certificat intitulé Future of Sport de 6 semaines et 100 heures de cours, ouvert aux étudiants de M2. Encore en cours de conception, ce parcours pédagogique pourrait inclure des séjours auprès de clubs de football anglais, ainsi que des instances sportives internationales basées en Suisse. HEC est actuellement en quête d’un sponsor pour financer le programme.

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