À la tête de la société Mitsio Motu, Louis Vérin-Kieffer (H.16) et son équipe répertorient les infrastructures africaines pour aider les décisionnaires publics et privés à fournir un accès aux services de base, mettant la data aux services des populations. 

 

Ses aïeux lui ont transmis la passion du territoire. Louis Vérin-Kieffer a grandi dans une famille d’archéologues spécialistes de l’océan Indien, et ce Parisien de naissance a passé son enfance à faire des allers-retours entre les continents. C’est en Afrique qu’il a choisi de s’installer une fois ses diplômes en poche.

Après une classe préparatoire à Saint-Jean-de-Douai, il intègre HEC « sans connaître le milieu des écoles de commerce ni celui de la finance ». C’est finalement lors d’un master Alternative sociale et Développement durable (aujourd’hui rebaptisé master Sustainability and Social Innovation) qu’il trouve l’inspiration. Dans le cadre d’un stage en 2015, il participe à l’électrification des villages pour une entreprise sénégalaise, à l’est du pays, dans la région de Tambacounda et Kedougou. Le manque d’indications topographiques, démographiques et autres l’empêchent de travailler correctement. « On ne savait pas où déployer les lignes ou les kits solaires. »

 

Installé au Nigeria une fois ses études terminées, il se lance dans la collecte de données afin de « répondre aux enjeux d’accès aux services », et conseille les instances aussi bien publiques que privées. Nous voulions aider les pays à mieux définir leurs politiques et leurs programmes à destination des populations les plus vulnérables. », explique Louis. En 2018, Louis Vérin-Kieffer fonde l’entreprise Mitsio Motu, domiciliée en France avec une filiale à Lagos, au Nigeria et une petite équipe se forme à l’arrivée de son associé Guillaume Haegel  puis de Ghislain Desfossés (H.16), un ami de prépa et camarade de promo à HEC.

Collecte de terrain à grande échelle

Énergie, eau, éducation… L’équipe sillonne le pays à moto, traversant parfois des zones sensibles, comme la région du Borno, pour noter les coordonnées GPS des écoles ou des installations électriques. « On faisait un peu les casse-cous au nord du Nigeria. On aimait bien repousser nos limites. Maintenant, on fait attention à la sécurité, avec des horaires spécifiques. Après, c’est toujours très agréable de se lever le matin, de prendre une moto, de voir le lever de soleil dans la brousse », confie-t-il.

Mitsio Motu a étendu ses activités en zones urbaines pendant la période du Covid. Louis remarque que la population de Lagos, tenaillée par la faim, est contrainte de piller les supermarchés faute d’approvisionnement. « Il n’y avait plus rien à manger. Nous avons donc cartographié les réseaux de distribution de nourriture pour aider à déployer des petits stands de ravitaillement au bon endroit. »

 

Il y a une différence entre lire un rapport et voir la réalité des inégalités dans votre pays en zoomant ou en dézoomant sur une carte.

 

Grâce à une réputation acquise par le bouche-à-oreille, la petite entreprise est  contactée en 2021 par le gouvernement togolais. Les trois partenaires se lancent alors dans un grand projet de recensement des infrastructures sociales et économiques du Togo. Une récolte de données à grande échelle, pour laquelle une équipe de plus de 700 personnes et recrutée. « On bossait à peu près six jours sur sept, à un rythme soutenu, se souvient-il. Tous les matins, l’équipe opérationnelle que Guillaume gérait partait à 700 en moto avec des smartphones et des formulaires pour couvrir le territoire. »

 

 

Ratio profs-élèves dans les écoles, hôpitaux, état des routes… Dans toutes les régions du Togo, 150 types d’infrastructures sont répertoriés et renseignés. Jusqu’au moindre détail. « Ça va du matériau de toit de l’école au nombre d’élèves par classe », explique Ghislain Desfossés (H.16), en charge des technologies chez Mitsio Motu. Il intègre ces données à des cartes interactives, consultables via Internet. « Un de nos des enjeux est de nettoyer, trier cette donnée, faire en sorte qu’elle soit propre. Ces portails en ligne permettent de localiser tous les réseaux d’infrastructures du pays et de mettre en évidence les disparités territoriales, explique-t-il. Panneaux solaires, accès à l’eau, sanitaires dans les écoles, centre de soins à moins de 20 km… Il s’agit de répondre à ces besoins de base. »

 

 

Cartographier la culture 

Mitsio Motu fourni ses services dans seize pays, de la Tanzanie à la République Démocratique du Congo. La start-up a conservé des liens forts avec des entreprises françaises et travaille par exemple avec l’entreprise bordelaise Sunna Design pour l’installation de 50 000 lampadaires solaires en zone rurale.

Aujourd’hui, Louis réside au Togo. « C’est notre base principale. C’est un pays plus calme que le Nigeria. À côté, Lagos est une méga-city. Ici, c’est un autre état d’esprit : on peut se concentrer et penser long terme plus facilement. » La boîte possède une succursale à Lomé, et en Guinée.

 

 

Mitsio Motu compte également jouer son rôle dans de nouveaux secteurs et notamment sur l’émulation culturelle qui agite les capitales africaines. « Il y a un vrai bouillonnement, de Lagos jusqu’à Abidjan. Vous entendez de la musique nigériane, comme Davido par exemple, dans tous les taxis parisiens, explique Louis. On essaie de pousser de nouvelles solutions qui permettent de rendre visibles les résidences d’artistes, les galeries, les réseaux culturels, et qui permettent de les connecter. »

À l’avenir, l’équipe souhaiterait apporter son aide à la transmission de savoir et de compétences vers la jeunesse africaine afin de lui donner accès à de nouvelles opportunités, un très « gros enjeux » à l’échelle du continent. La start-up cherche également à assister à l’établissement de nouvelles relations entre le continent africain et l’Europe.

 

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