Intéressé par les sciences sociales et les mathématiques, Louis Fidel (H.23) intègre HEC en 2019. Guidé par sa sensibilité aux enjeux écologiques, celui qui se définit comme un éco-furieux s’investit et ne loupe pas une occasion pour planter sa graine. Rencontre.

HEC Stories : Comment se traduit ton engagement écologique ?

Louis Fidel : D’abord par un besoin de militer, d’essayer de changer les choses. L’École est une bulle, même si les gens font beaucoup de choses, la réflexion n’est pas partout. C’est la raison pour laquelle, une fois à HEC, j’ai rejoint l’association Esp’R [association étudiante écologiste d’HEC Paris, NDLR]. Au début, on était très tournés vers des petites actions sur le campus. On cherchait par exemple, à avoir un campus plus vert. Mais il fallait aller plus loin, et essayer de changer les choses plus structurellement. Aussi, il m’a semblé que nos cours n’intégraient pas suffisamment la réalité de la question écologique, ce qui créait un véritable hiatus. Après avoir discuté avec les professeurs et l’administration, on s’est rendu compte qu’il était possible de faire bouger les choses. À la fin de mes deux années sur le campus (L3 et M1), j’avais un goût d’inachevé. On ne pouvait s’arrêter là après toutes ces rencontres avec des personnes impliquées. On a alors créé le club HEC Transition pour continuer sur notre lancée et intégrer les enjeux sociaux et écologiques partout au sein de la communauté HEC. Antoine Rabain (H.06) a décidé de nous apporter son aide et nous avons fusionné avec le club Économie Verte qu’il dirigeait alors.

HEC Stories : Lorsque tu as rédigé, avec tes acolytes Adam Melki (H.21) et Valentine Japiot (H.23), une lettre ouverte « pour un Dean engagé », quelles étaient vos attentes ?

Louis Fidel : En décembre 2020, lors du changement du directeur général de l’École [avant la nomination d’Éloïc Peyrache, NDLR], on a décidé que c’était le moment de nous faire entendre, on a écrit cette lettre ouverte, qui a été signée par 2000 alumni et étudiants, dans laquelle on demandait que le futur Dean inclue dans ses priorités la question de la transition de l’École.

HEC Stories : Lors du 9e sommet de l’économie de Challenges, réunissant des grands dirigeants, tu as tenu un discours qui a beaucoup fait de bruit. Quel était le message ?

Louis Fidel : Ce 1er décembre 2022, avec Valentine Japiot (H.23) et Zoë Bantignies Le Bars (H.23), on tient un discours d’une quinzaine de minutes sur le thème le thème des « Bifurcation.s ». C’était intéressant d’avoir l’opportunité de rompre les habitudes des sommets précédents en invitant des étudiants pour donner leur avis, devant les grand.es patron.nes invité.es. On a donc travaillé ce discours pour tenir une ligne claire et montrer que notre positionnement était radical et précis. Le but était d’emmener les gens, sans les braquer, en montrant que la génération de demain est déjà là. On voit ce qu’il se passe et on veut que les choses bougent, parce qu’on n’a pas le temps d’attendre trente ans, de faire carrière et d’être à leur place pour enfin faire changer les choses. C’est un appel à ne pas se reposer que sur les générations futures. C’était un discours alarmiste dans le sens où l’on voulait leur faire comprendre que c’est immédiatement qu’il faut agir. On a eu beaucoup de réactions dans la salle, des hochements de têtes, quelques moues dubitatives. Ce n’est qu’une première graine que l’on a plantée dans leur tête, mais on n’hésitera pas à revenir année après année pour refaire passer nos messages si besoin.

HEC Stories : Un projet est mené par l’Académie française et HEC pour trouver la bonne traduction française du mot « sustainability ». Tu fais partie de ce comité, comment ça se passe ?

Louis Fidel : L’Académie française a contacté HEC, qui a proposé au club Transition de contribuer à cette recherche. C’est une étape importante qui nécessite plusieurs échanges et rencontres, pour trouver une possible traduction du mot « sustainability » en français. C’est une chance énorme de pouvoir participer à ce genre de moment, c’est un privilège et c’est un projet toujours en lien avec mes engagements, donc c’est tout naturellement que j’ai accepté d’y participer.

HEC Stories : As-tu mis ton année de césure au profit de ton engagement écologique ?

Louis Fidel : J’ai travaillé à la Caisse des dépôts et consignation, plus précisément à la Banque des Territoires (le financeur des collectivités territoriales), ce qui me correspondait plutôt bien, car elle réunit le secteur financier et le secteur public autour de questions liées à la transition. Puis j’ai réalisé deux autres stages sur les problématiques d’intégration du climat dans la réglementation financière, d’abord auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), puis au sein du think-tank français I4CE [Institute for Climate Economics, NDLR], un institut voué à la recherche sur l’économie du climat assez influent. J’ai notamment travaillé sur l’intégration du climat dans les banques.

HEC Stories : Quel projet te tient le plus à cœur parmi tous ceux pour lesquels tu t’engages ?

Louis Fidel : Ce serait celui de la transformation des enseignements. On voit du changement dans certains programmes de l’École, mais qui butent encore sur certains principes difficiles à dépasser, notamment ceux qui ont trait à la liberté des professeurs de publier et de faire leur cours comme ils l’entendent. C’est justifié, mais cela bloque parfois la possibilité de transformer les enseignements sans une remise en question de leur part. Nous organisons donc des rencontres avec certains professeurs qui nous expliquent qu’eux-mêmes sont tenus par des contraintes liées aux publications : ils sont par exemple tenus de publier des articles universitaires dans les revues académiques les plus en vue qui ne traitent que très marginalement de la question écologique. Donc le professeur, malgré sa bonne volonté, n’est pas incité à travailler sur ces problématiques, ce qui fait qu’elles n’irriguent pas, ou peu, ses enseignements. De l’autre côté, HEC Paris, pour maintenir son classement, a besoin de recruter et d’inciter des professeurs à publier dans ces revues universitaires. Pour moi, c’est cette boucle infernale (revue, classement, recrutement) qu’il s’agit désormais de remettre en question.

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