Les Grands Fauves, de Christophe Labarde – Club Medias & Entertainment
Le 4 mai 2021 à 9 h 30, le Club Medias & Entertainment recevait en visio Christophe Labarde, interviewé par notre talentueuse camarade journaliste Christine Kerdellant, pour son livre évènement Les Grands Fauves qui vient de sortir chez Plon (qu’Hedwige Chevrillon sur BFM a déjà qualifié de « bible du capitalisme français »)…
Près d’une soixantaine d’inscrits pour ce rendez-vous à ne pas manquer à plus d’un titre…
D’abord parce que Christophe Labarde n’est pas n’importe qui, et qu’il a écumé depuis sa sortie d’HEC en 1984 tout ce qui compte dans l’économie et la politique française, au cours d’une carrière aussi riche que prolixe, de grand reporter au Figaro à conseiller spécial de François Bayrou, avant de diriger pendant près de dix ans l’Association des diplômés HEC Alumni – ce qui le rend tellement proche de nous –, et de prendre la direction générale en France de la French-American Fondation.
La rencontre avec le « parrain »
Des années que Christophe mûrissait son projet d’interviewer Claude Bébéar, homme secret et difficile d’accès, qui avait toujours refusé de s’exprimer publiquement, mais dont il savait qu’il était le vrai « parrain » du capitalisme français, depuis le début des années 1980, sans se douter quand même à quel point…Christophe, l’auteur d’un premier best-seller Je dis oui à mon projet de vie n’était pas homme à se laisser décourager. Il finira par obtenir contre toute attente plusieurs entretiens de ce « grand fauve » de 84 ans, qui le renifla d’abord longtemps lors des premiers entretiens, avant de lui confier pour la première fois ses « mémoires », une histoire en réalité assez extraordinaire et peu connue des non-initiés.
Celle d’une petite association appelée Entreprise et Cité, sans logo ni locaux, se réunissant à raison d’une fois par mois (portables interdits…) chez les uns, chez les autres, autour d’une bonne table (souvent chez Guy Savoy) et souvent à l’occasion d’un match de rugby ou de la réception d’un invité inédit, que cet originaire du Sud-Ouest devait créer afin de réunir une poignée d’entrepreneurs pour la plupart inconnus à l’époque, tous provinciaux, et déterminés à ce que l’économie française se tourne plus vers l’international.
L’avant-garde d’un capitalisme moderne
Pendant près de vingt-cinq ans, ils vont chasser en meute… Leurs noms ? Claude Bébéar, Vincent Bolloré, Bernard Arnault, David de Rothschild, Serge Kampf, Michel Pébereau, Henri Lachmann, Didier Pineau Valencienne, Jean-René Fourtou, Thierry Breton, Pierre Belong…
« Une fascinante enquête dans les coulisses du capitalisme français »
Leur point commun ? Ils sont tous bien décidés à renouveler un capitalisme français sur lequel régnait jusqu’alors un autre « parrain », Ambroise Roux, le grand patron de la CGE, plus pompidolien, franchouillard, et emmêlé il faut le dire dans des relations consanguines avec l’État. Parmi cette trentaine de capitaines d’industrie, sous l’impulsion de Claude Bébéar, avec une approche plus directe et simple, faite d’amitié et de fidélité, d’esprit d’équipe aussi, plus d’une quinzaine ont ainsi pu devenir aujourd’hui des champions du monde !
« Tontons flingueurs » pour les uns, « Chevaliers de la Table ronde » pour les autres… Bien sûr ces grands fauves finiront par tout dévorer sur leur passage, et parfois par se dévorer entre eux, mais Claude Bébéar y mettra de l’ordre, et s’imposera vite comme le grand inspirateur et le grand ordonnateur des changements et chamboulements de l’économie française.
Saga en sous-main
C’est ainsi au sein d’« Entreprise et Cité » que se façonnera de façon informelle l’avenir des plus grands groupes français. C’est par exemple sous l’impulsion de Claude Bébéar que Michel Pébereau lancera une contre-OPA aboutissant à la création de BNP Paribas. C’est encore « le parrain » qui décidera de la chute de Jean-Marie Messier pour venir au secours du groupe Vivendi.
Il avait lui-même tracé la voie. En sortant de l’X, Claude Bébéar ne cherche pas en effet à rentrer dans les grands corps d’État, mais il choisit de partir à Rouen pour développer une société familiale, les Anciennes Mutuelles d’assurances, sur les fondements de laquelle il bâtira plus tard le groupe Axa, qui deviendra ensuite avec le rachat de l’UAP le premier groupe français d’assurance, puis l’un des tout premiers mondiaux.
C’est en lisant « les Grands Fauves » que l’on comprendra mieux les tribulations de l’économie et des médias d’aujourd’hui, et comment par exemple Vincent Bolloré et Bernard Arnault viennent aujourd’hui chasser ensemble sur les terres du groupe Lagardère.
C’est aussi en le lisant ce livre que l’on verra comment, en parallèle, Claude Bébéar a imposé l’Institut Montaigne parmi les « think tanks » incontournables et influencé en profondeur la société française en lançant, parmi les premiers, le débat sur l’accès à l’emploi ou l’intégration des jeunes issus de la diversité ; et enfin comment une vraie « bande de copains » à l’appétit insatiable, avec ses éclats de rire, ses coups de gueule et ses coups de cœur, a-t-elle ainsi secoué le capitalisme de la vieille France jusqu’à bousculer le pouvoir établi.
La relève ?
Les questions ont fusé au cours de ces quatre-vingt-dix minutes. Et Christophe n’a évidemment pas levé ous les mystères… On aurait pu l’interroger des jours entiers, pour connaître tous les secrets enfouis dans les quelque 500 pages de l’ouvrage… Celles qui nous tenaillaient le plus, c’était de savoir quelle relève allait maintenant nous permettre de sortir de la crise liée à la pandémie, dans une France où le seul fait de gagner de l’argent est encore considéré souvent avec jalousie, le remarque Christophe, alors que les grands entrepreneurs américains sont toujours applaudis dans leur pays.
Les héritiers des Bolloré et des Arnault sauront-ils relever le gant ? Claude Bébéar n’a aujourd’hui pas d’héritier familial, il a confié le groupe Axa à Henri de Castrie. Riche, il l’est devenu assurément, mais pas au point des autres « grands fauves » qu’il a propulsés, car la sauvegarde et le développement dans l’ombre de notre économie semblent avoir été toujours sa plus grande préoccupation.
Cette histoire est une saga, elle était secrète, elle ne l’est plus. Précipitez-vous en librairie !
Jérôme Wagner (H.85), président Club HEC Medias & Entertainment
Published by La rédaction