L’Entrepreneur de la semaine : Maxime Balsat (M.16) milite pour des CSE plus verts
Avec son agence Représente.org, Maxime Balsat apporte sa pierre à la transition écologique en incitant les comités d’entreprise à proposer aux salariés des activités vertueuses et des vacances moins polluantes qu’un séjour à l’autre bout du monde.
11 milliards. C’est le chiffre mis en avant par Représente.org, la société créée par Maxime Balsat il y a trois ans. Issue d’une étude de Gilles Caire, chercheur en économie à l’université de Poitiers, la somme représente l’argent qui transite annuellement par les comités sociaux et économiques (CSE) des entreprises. Composées d’élus du personnel, ces structures proposent voyages à prix réduit, cartes cadeaux et autres avantages aux salariés. La gestion de leur budget est une niche que l’entrepreneur s’est décidé à verdir.
Sa boîte, il l’appelle « l’agence de l’écologie joyeuse pour les CSE ». Optimiste, technique, Maxime, 32 ans, est natif de Saint-Étienne. Fils d’un dirigeant d’une usine de cuivre, il se passionne d’abord pour le made in France. Après un stage à l’Agence française pour les investissements internationaux alors qu’il étudie à Sciences Po, cet amateur de rugby contribue à la création de la Fédération indépendante du made in France (FIMIF) en 2015. « J’étais associé avec des vrais entrepreneurs qui voulaient se fédérer pour créer un lobby du made in France, explique-t-il. Le côté investissement m’avait beaucoup plu et j’ai voulu creuser dans la finance. »
D’investisseur à entrepreneur
Après un master Managerial & Financial Economics à HEC, il devient investisseur en private equity pour un fonds d’investissement spécialisé dans les PME industrielles françaises. « Un job très intéressant, hyper stimulant intellectuellement, rémunérateur et intense, commente-t-il. Je comprends pourquoi il attire autant. » À cette occasion, il acquiert une connaissance pointue d’industries très spécifiques telles que… la production d’attaches rapides pour pelles hydrauliques. « Il y a trois entreprises au monde qui en fabrique, précise-t-il. Une véritable sous-niche. »
Il découvre également le fonctionnement interne d’une entreprise, l’engagement des entrepreneurs pour leur projet… et les CSE. Ces élus du personnel « qui se battent aussi pour défendre leurs collègues, notamment dans des situations de rachat ». Au même moment, il se prend « trois petites claques » sur l’écologie. Notamment la grande conférence inaugurale de Jean-Marc Jancovici à Science Po, nommée « CO2 ou PIB, Il faut choisir ». Alors que des camarades du lobby pour le made in France rejoignent les rangs d’Extinction Rébellion, Maxime découvre les travaux de l’économiste Timothée Parrique et du vulgarisateur Pablo Servigne.
« La logique des fonds d’investissement ne me convenait plus trop, dit-il. Une croissance qui ne tiendrait pas compte toutes les externalités n’a pas vraiment de sens. La seule recherche de rendement ou de chiffre d’affaires amène à des décisions discutables. » Alors que s’amorce chez lui une prise de conscience, les discours ESG fleurissent au sein des entreprises. En façade, tout du moins.
Remplacer les Maldives par une cabane dans les bois
L’idée de Représente.org lui vient en discutant avec une connaissance élue au CSE d’une grosse boîte de logiciels. « L’entreprise donne beaucoup d’argent pour offrir des choses à ses collègues, un argent principalement utilisé pour des cartes cadeaux ou des voyages au Club Med dans l’archipel des Maldives. »
Si avoir un CSE généreux peut être un argument utilisé par les RH pour attirer de nouvelles recrues, c’est aussi une manne financière de 11 milliards d’euros par an, une somme colossale « fléchée chaque année vers des choses qui ne sont pas du tout durables. » D’autant plus que, depuis la loi Climat et Résilience adoptée en août 2021, le CSE a un droit de regard sur l’impact environnemental des activités de l’entreprise. Ces structures auraient donc plutôt intérêt à se mettre au diapason.
Pour convaincre, il faut garder cette notion d’enthousiasme et de joie.
« Il y a également une demande pour faire des choses qui créent du lien entre collègues, des choses qui ont un sens écologique », ajoute Maxime, qui rappelle que le temps des élus est limité. Avec un système d’abonnement mensuel, il propose ainsi de faire un travail de recherche pour trouver des « alternatives crédibles et aller négocier directement des devis. On va se brancher sur le budget fonctionnement d’un CSE et gérer pour son compte des enveloppes de budget ASC (activités sociales et culturelles). »
Trouver des offres aussi alléchantes que possible est un défi de taille face à des salariés habitués à une offre de haut standing. « Ces avantages sont reçus comme un plaisir, donc on essaie de rester dans cette logique-là, explique l’entrepreneur. Pour convaincre, il faut garder cette notion d’enthousiasme et de joie. Mais notre but est que les offres soient crédibles d’un point de vue environnemental, en prenant en compte l’impact du bâti sur le foncier ou l’impact sur la biodiversité, par exemple. »
Les ateliers de réparation de vélo entre collègues, un best-seller
Ses alternatives ? Des séjours dans des cabanes au milieu des bois, des randonnées sportives le long d’un glacier, des week-ends en famille dans une ferme de permaculture, ou encore des rencontres avec un astronome dans le Vercors ou des lynx dans le Jura.
« Les week-ends mystères avec Slowbreak [un de leurs prestataires, ndlr] marchent bien aussi. Le tout est éminemment écolo, mais sans faire de l’écologie l’argument principal du voyage, précise-t-il. Notre best-seller reste quand même les ateliers de réparation de vélo entre collègues. »
Pour changer l’image du CSE « qui peut être vu comme un peu ringard », il mise aussi sur l’organisation de conférences avec des youtubeurs spécialisés dans les questions climatiques ou des scientifiques comme la glaciologue Lydie Lescarmontier. Des commandes groupées de vélos ou des cartes Éthi’kdo (qui permettent d’acheter de la seconde main ou de faire des dons à des associations) sont quelques-unes des alternatives proposées par l’agence. « Certains CSE font aussi appel à nous pour établir un bilan carbone de leur organisation. »
Réjouissant. Mais le fondateur de Représente.org pense-t-il vraiment avoir un impact en s’attaquant aux offres d’un comité d’entreprise ? « Je pense que oui, mais à une échelle encore trop petite, répond Maxime Balsat, prudent. Nous avons tout de même dépassé le million d’euros redirigé en 2023. Autant d’argent qui n’a pas été mis dans l’achat d’électronique bas de gamme ou dans des voyages en avion. Et lorsqu’on organise une opération de ramassage de déchets dans une boîte de 3000 salariés, on considère qu’on a un impact. »
Avec neuf employés installés chez Wacano, dans le 20e arrondissement de Paris, Maxime Balsat compte une trentaine de clients, de Salesforce à la Bred et travaille aussi avec des filiales d’Engie et de Coca-Cola. Il a fait le choix de donner à son entreprise le statut de SCOP (société coopérative et participative), dans lequel les salariés sont associés majoritaires et la gouvernance démocratique. Il a fait le choix, aussi, de viser une croissance raisonnée.
Photos : ©Estel Plagué/HECStories ©Représente.org
Published by Estel Plagué