En avril 2020, HEC Stories a proposé aux alumni de partager leur expérience du confinement. Voici le témoignage envoyé par Françoise.

L’année 2020 avait fort bien commencé à Montréal avec, dimanche 5 janvier, la fête du centenaire d’Annie Tard, alias Annette Remondière (HECJF 1941).Annie avait accueilli le jeune couple que nous étions en 1969, grâce aux réseaux conjugués HEC-HECJF. Je quittais le Service des carrières HECJF et Annie était une amie de la responsable du service-frère HEC. Ce fut pour nous la découverte d’une étonnante personnalité. Mère de six enfants, elle était professeur au lycée français de Montréal (le Collège Marie de France) et trouvait le temps de venir chaque semaine garder notre bébé (relayée par sa fille de 17 ans). Diplômée HECJF à Paris en pleine guerre, Annie travaille dans un organisme qui lui permet (subrepticement) de participer à la Résistance. Après la guerre, déjà mère de quatre enfants, elle accompagne à Montréal son mari, journaliste et correspondant de l’AFP. C’était provisoire. Elle y est depuis soixante-dix ans, alternant corrections littéraires, gestion d’une famille nombreuse, implications parmi les réseaux français de Montréal, puis enseignement.

Pour la fête de son centenaire, l’organisatrice (l’ancienne jeune fille de 17 ans) avait non seulement réuni, comme il se doit, enfants, conjoint(e)s, petits-enfants, arrière-petits-enfants, mais aussi des représentantes des différentes phases de sa vie si bien remplie.Survient le coronavirus. Depuis quelques mois, Annie vit au « Château Westmount », nom élégant d’un remarquable CHSLD (acronyme québécois des EPHAD). Ses jambes l’ont lâchée, mais pas sa tête. Elle est habitée par celui qu’elle nomme son « copain » l’Esprit. Personne ne peut lui rendre visite, mais elle fait partie de celles et ceux qui téléphonent dans la forêt où nous sommes confinés pour demander des nouvelles.Par chance, nous vivons le confinement en pleine nature. Mon mari travaille le matin dans son bureau.

L’après-midi, il fait le jardinier-bûcheron quand il fait beau, c’est-à-dire presque tous les jours, jusqu’ici. Quant à moi, j’écris de petits articles et essaie de nouvelles recettes avec mon « ami » Thermomix. Dernier essai réussi : galantine de porc et confit d’oignons. Notre aîné, son épouse et leurs trois grandes filles sont confinés dans leur maison, chacun en télétravail. Le second travaille aussi chez lui et s’occupe de ses filles (de 8 et 9 ans) qui ont très hâte de retourner à l’école. Son épouse doit aller au bureau, où ses horaires de médecin en santé publique sont incroyablement exigeants.Le printemps est très en retard sur la France. Les tulipes luttent la nuit contre le gel. Les jonquilles se découvrent. L’ail des bois foisonne. En ce 1er mai, le muguet est loin d’être arrivé. Les castors mangent les branches des arbustes du voisin, près de la rivière. Marmottes et merlettes font leur nid. Nous assistons au spectacle. Le printemps, lui, n’est pas annulé.

 

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