Le mot de Pierre Sidem (MBA.93)
Dans le monde actuel, où l’information circule parfois trop vite, s’installe une certaine confusion des genres, où médias, communication et greenwashing se différencient à peine. Pour tisser un réel lien de confiance avec son lecteur, un média se doit d’employer des journalistes professionnels, publier sa charte déontologique, mentionner son agrément par la Commission paritaire des agences et publication de presse (CPAPP) mais aussi rendre public la composition de son actionnariat (en particulier lorsqu’il est gratuit) et préciser quelle part de son chiffre d’affaires provient d’activités hors média comme le publi-rédactionnel, la communication ou l’organisation de conférences. Les métiers de l’information sont encadrés par la loi. Les éditeurs de presse ne font donc que leur métier en informant clairement leurs lecteurs de « qui ils sont ».
Pourtant, certains supports choisissent d’opérer en dehors de ce cadre tout en revendiquant la qualité de « média ». Est-il normal qu’un support sur la responsabilité sociétale des entreprises revendique être un média professionnel tout en étant détenu et édité par une agence-conseil en communication ? Qu’un autre, qui traite de finance durable, soit une filiale à 100 % d’une grande institution financière ? Qu’un troisième, spécialisé sur la transition énergétique, ait pour actionnaire significatif un investisseur au cœur du financement de cette même transition ? Poser ces questions revient à y répondre…
Dans le paysage médiatique actuel d’« info-obésité », bousculé par les réseaux sociaux, les frontières sont parfois bien confuses entre communication, publi-rédactionnel et « brand-content », lobbying et interpellations, voire polémiques et fake news… Il est de plus en plus difficile de qualifier la nature et la qualité de ses sources d’information : un travail journalistique de qualité, dûment vérifié et hiérarchisé pour trier l’essentiel du dispensable et édité professionnellement en toute indépendance devient, plus que jamais, une boussole nécessaire.
Mais comment s’y retrouver ? Votre média préféré (presse imprimée ou site web) démontre-t-il son intégrité ? D’abord en respectant la loi en indiquant dans ses mentions légales qui sont ses actionnaires (Loi n° 86-897 du 1er août 1986), en précisant qui sont le directeur de la publication et le responsable de la rédaction ? Affiche-t-il un numéro d’agrément par la CPPAP, qui garantit entre autres que « la publication n’est pas l’instrument de publicité ou de communication d’entreprises commerciales, industrielles, bancaires, d’assurances » et que « le traitement journalistique suppose un apport rédactionnel significatif » ? Ce qui l’oblige à une vérification des faits, au respect du contradictoire et à des « commentaires et analyses des faits et événements relatés » ? S’il est gratuit, d’où proviennent ses recettes ? Enfin, les articles sont-ils bien datés et signés ?Un véritable média n’a aucune raison de ne pas afficher ces informations. Surtout en matière de responsabilité sociétale des organisations, à laquelle la presse doit, elle aussi, veiller pour son propre compte. Un lecteur averti…
Published by Marielle Chabry