Le mot d’Enée Bussac (H.06)
L’innovation est un facteur fondamental de compétitivité pour les entreprises. Elle passe notamment par l’appropriation et l’utilisation de nouvelles techniques et outils. Et elle oblige souvent à repenser la manière de travailler, aussi bien en interne qu’avec les clients et les partenaires. Chaque décennie voit l’émergence d’une grande innovation : internet dans les années 1990, le web 2.0 dans les années 2000, l’ubérisation dans les années 2010.J’ai compris que les cryptomonnaies et la blockchain seraient la technologie disruptive des années 2020 dès que j’ai découvert leur existence, au détour d’un voyage en Géorgie en 2016. En effet, la décentralisation et la transparence induites par la blockchain remettent en question notre façon d’appréhender la monnaie et la gestion de la valeur. Pour la première fois depuis bien longtemps, la confiance qui confère sa valeur à la monnaie ne provient plus nécessairement d’une banque centrale, mais d’individus ou d’organisations, et quiconque peut créer sa monnaie numérique. La blockchain permet à des entités qui ne se connaissent pas et ne se font pas confiance a priori de travailler, d’échanger, de prendre des décisions ensemble sans avoir besoin de révéler leur identité.
De nouveaux usages émergent, permettant aux entreprises de gagner en efficacité et en transparence. Potentiellement, des pans entiers de notre économie pourraient ainsi se passer d’intermédiaires, comme le montre le développement actuel de la finance décentralisée.Après une année passée à étudier les rouages de la blockchain et le marché, j’ai publié un ouvrage sur le sujet chez Dunod en septembre 2018, puis chez un éditeur allemand en février 2019. J’enseigne actuellement les registres et monnaies numériques à l’ESCP Europe à Berlin dans le cadre du Bachelor Program. J’ai également participé au Wirecard Innovation Challenge, où j’ai présenté le Tailored Contribution System. Ce système vise à utiliser les monnaies et registres numériques étatiques pour faire de la TVA une taxe perçue instantanément par ingrédient ou composant d’un produit en fonction de son empreinte écologique. Ce modèle, très complexe à réaliser avec l’euro tel que nous le connaissons aujourd’hui, serait relativement simple à mettre en place avec un euro et des monnaies étatiques numériques. Je pense que la décennie qui vient de débuter verra la multiplication de monnaies numériques dédiées, étatiques dans un premier temps puis émanant d’autres organisations comme des entreprises.
Le 13 décembre dernier, le jury a retenu mon idée, parmi les 60 projets en lice, pour participer à la finale. L’équipe de Wirecard Labs nous a soutenus, moi-même et les deux autres finalistes, pendant des semaines, y compris pendant les vacances de Noël, pour améliorer notre présentation et nous préparer pour la finale qui s’est tenue le 20 janvier dernier dans le cadre du DLD à Munich. C’est ce jour-là que j’ai été désigné vainqueur de ce concours ! Cette victoire n’est pour moi pas seulement la consécration de mon travail, mais aussi un encouragement à poursuivre ma réflexion dans ce domaine. Je suis convaincu que les monnaies et registres numériques sont un outil fantastique pour lutter contre le changement climatique en agissant sur les prix et en rendant nos économies plus justes, transparentes et efficaces. C’est pour cela que je m’intéresse tout particulièrement à l’utilisation de ces outils dans le domaine fiscal. Cette victoire est également pour moi une pierre supplémentaire de ce chemin personnel et professionnel que j’ai commencé à tracer il y a trois ans et qui me permettra, je l’espère, de contribuer à inventer les usages de ces nouveaux outils et modèles qui changeront l’économie.
Published by Marielle Chabry