Jean-Paul Agon (H.78) rencontre les étudiants HEC
Le passage de flambeau est historique pour le géant des cosmétiques. Cinquième PDG de l’histoire de L’Oréal, Jean-Paul Agon (H.78) s’apprête à céder son poste de directeur général à son adjoint, Nicolas Hieronimus. Une étape importante pour lui, qui a fait toute sa carrière chez le champion des crèmes et des parfums, et conservera la fonction de président du conseil. Il part avec les honneurs. Le cours de Bourse de L’Oréal est au sommet malgré la pandémie : le groupe a su préserver sa rentabilité en dépit de la chute des ventes de maquillage. Pour ce grand patron au profil très classique, passé par la prépa Sainte-Croix de Neuilly et HEC Paris, la beauté est « l’art suprême » du marketing, une combinaison « de création, d’intuition, d’émotion ».
HEC de l’année en 2005, cet amateur d’art contemporain est devenu à 24 ans patron de la filiale grecque, qu’il a redressée en trois ans. Il a également lancé Studio Line, relancé Elsève, sauvé Biotherm. Surtout, il a créé la division Asie, devenu moteur de la croissance du groupe. La décennie passée sous sa direction a été celle de deux défis : la digitalisation et le développement durable. L’Oréal compte atteindre la neutralité carbone sur ses sites d’ici quatre ans. La direction a récemment annoncé l’arrêt des pinceaux de maquillage à base de poils d’animaux. Le groupe, leader mondial de son secteur, détient une part de marché de 12,5 %. « Il reste donc 87,5 % du marché à conquérir », affirmait Jean-Paul Agon au magazine LSA. Nos trois étudiantes n’ont eu aucun complexe face à ce patron rodé aux interviews. Elles l’ont questionné sur le greenwashing, les emballages en plastique, le manque de femmes au Comex et la culture de travail de L’Oréal.
Le secteur de la beauté face à la crise
Kristy Asseily : Vous êtes DG de L’Oréal depuis 2006, et PDG depuis 2011. Vous vous apprêtez à passer la mainà Nicolas Hieronimus comme directeur général. Quel est votre bilan, votre sentiment sur ces quinze dernières années ? Feriez-vous certains choix différemment ?
Jean-Paul Agon : D’abord je suis très heureux de passer le relais à Nicolas Hieronimus même si, comme vous le savez, Nicolas a fait l’Essec [rires]. Nous avons bien anticipé la transmission, je ne suis pas inquiet. Ce que j’aurais fait différemment… Écoutez, non, je dois dire que je n’ai pas de regrets. On aurait pu faire un peu mieux certaines choses, mais dans le fond, j’ai accompli les grands objectifs que je m’étais fixés. Quand j’ai repris la direction du groupe en 2006, j’ai voulu continuer à développer la croissance, la rentabilité, et la position de leader de L’Oréal, mais aussi son excellence en matière d’environnement, d’éthique et d’inclusion. Aujourd’hui, les ONG reconnaissent la performance extra-financière du groupe. Nous sommes la seule entreprise à s’être vu décerner cinq ans de suite par le Carbon Disclosure Project (CDP) un « A » sur chacune des trois thématiques évaluées par l’association : la lutte contre le changement climatique, la préservation des forêts et la gestion durable de l’eau. En parallèle, la capitalisation boursière a quadruplé en quinze ans.
Kristy : Vous n’avez donc aucun regret sur votre carrière ?
J.-P. A. : J’ai vécu une aventure formidable chez L’Oréal. Il n’y a rien que j’aurais voulu faire et que je n’ai pas fait.
Kristy : Vous n’avez fait aucune erreur en quinze ans ?
J.-P. A. : Si, bien sûr… À l’international, L’Oréal s’est développé magnifiquement dans certains pays comme la Chine, dont j’ai créé la filiale en 1997. Nous étions alors dix collaborateurs dans un appartement à Shanghai. Aujourd’hui, nous sommes leader en Chine et c’est notre deuxième marché au niveau mondial. D’autres filiales en Asie n’ont pas connu le même destin. Je pense aux Philippines, par exemple. Si je devais avoir un seul regret ce serait l’Afrique. C’est la prochaine frontière de L’Oréal.
Céleste Lévy : Vous êtes arrivé en Grèce quand la filiale était en faillite, en Allemagne juste après la chute du mur de Berlin, à New York trois jours avant le 11 septembre…
J.-P. A. : … Et en Asie trois mois avant la crise asiatique ! C’est mon destin : quand j’arrive quelque part, une crise se déclenche ! Mais vous connaissez cet idéogramme chinois qui veut dire à la fois « crise » et « opportunité ». L’Oréal a connu ses dix meilleures années après la crise financière de 2008-2009…
Céleste : La crise actuelle est-elle la plus redoutable ? Comment avez-vous réagi ?
J.-P. A. : D’abord en protégeant la santé de nos collaborateurs – et par bonheur nous y sommes parvenus. Ensuite en maintenant l’emploi en France. On n’a pas fait appel au chômage partiel, de façon à créer un climat de sérénité chez l’ensemble des collaborateurs et à ne pas peser sur les finances publiques qui étaient déjà très sollicitées. On s’est aussi mobilisé pour notre écosystème. À ma connaissance, nous sommes les seuls dans notre secteur à avoir gelé les créances de nos petits clients (nous travaillons avec des centaines de milliers de coiffeurs et de parfumeries). Nous avons, à l’inverse, payé comptant près de 10 000 fournisseurs pour soulager leur trésorerie. Cela représente un effort de plusieurs centaines de millions d’euros, qui les a aidés à passer la crise. Six à neuf mois plus tard, ils nous ont tous remboursés.
Céleste : Vous avez aussi fabriqué des lotions pour produire du gel hydroalcoolique…
J.-P. A. : Oui, nous avons produit et offert près de 15 millions d’unités à des personnels de santé dans le monde entier.
Kenza Daoudi : Quand on travaille chez soi, que les coiffeurs sont fermés et qu’on sort moins, il paraît logique de consommer moins de produits de beauté…
J.-P. A. : Effectivement, les ventes de certains produits diminuent, comme c’est le cas pour le maquillage, par exemple. Mais fondamentalement, ce n’est pas une crise de demande, c’est une crise de l’offre. La consommation repartira de plus belle lorsque la population sera immunisée. Avec la montée en régime de la vaccination, je suis confiant. Nous sommes convaincus chez L’Oréal, et nous l’avons expliqué aux analystes financiers la semaine dernière (lors de la présentation des résultats annuels, NDLR) que la sortie de la crise allait ressembler aux années 1920. C’est une coïncidence intéressante : il y a un siècle exactement, l’humanité sortait de la grippe espagnole. On a appelé cette période les Années folles – les Roaring Twenties en anglais – parce qu’il y avait un tel sentiment de libération, de retour à la normale, une telle joie de vivre que cela s’est traduit dans les comportements. Et en particulier dans les habitudes de consommation. Dans quelques mois, les gens auront envie de produits festifs comme le maquillage et le parfum. Nicolas Hieronimus aura la chance de vivre la sortie de crise. De très belles années s’annoncent pour L’Oréal.
Kenza : Vous passez la main à Nicolas Hieronimus comme DG. Que pouvez-vous nous dire de lui ?
J.-P. A. : Nicolas travaille depuis 33 ans chez L’Oréal. Il travaille à mes côtés depuis cinq ans, en tant que directeur général adjoint. Je le connais bien et c’était le meilleur candidat pour ce poste.
Kenza : Un conseil pour lui ?
J.-P. A. : Sois toi-même, et reste à l’affût des nouvelles tendances.
Céleste : De plus en plus de jeunes marques se placent sur le créneau de la beauté holistique. L’Oréal va-t-il se mettre aux compléments alimentaires, aux spas, voire aux cours de sport ?
J.-P. A. : Nous avons créé avec Nestlé la marque Innéov, des compléments alimentaires qui ont des effets positifs sur le cheveu et la peau. Ces produits bénéficiaient de la recherche pointue de nos deux maisons. Mais le problème, c’est qu’il faut les utiliser très longtemps avant d’en voir les premiers effets. Nous avons donc mis un terme à la joint-venture au bout de quinze ans, parce que le succès n’était pas au rendez-vous. La recherche est dans notre ADN depuis la naissance de L’Oréal. C’est elle qui nous permettra de continuer à révolutionner la beauté, sur un marché qui dispose d’un immense potentiel.
La stratégie de L’Oréal
Céleste : Je suis en master Entrepreneurs. Dans leur majorité, les étudiants veulent créer leur boîte ou rejoindre une start-up. Les grands groupes ne les font pas rêver. Comment L’Oréal parvient-elle encore à recruter des talents malgré sa grande taille et la lourdeur qui va avec ?
J.-P. A. : Lourdeur, non. L’Oréal n’est pas un gros paquebot, plutôt une flottille de bateaux. Nous avons une trentaine de marques : L’Oréal, Garnier, Maybelline, Lancôme, Yves Saint Laurent, Armani, La Roche Posay, Kérastase, Vichy, etc. Ce sont autant de sociétés de plus ou moins grande taille. Bien sûr, L’Oréal Paris est déjà un gros bateau, la plus grande marque de beauté mondiale. Mais nous avons aussi de plus petites entités. Et puis, L’Oréal est une grande entreprise avec un esprit de start-up, un leader avec un esprit de challenger. Nos collaborateurs n’ont donc pas l’impression de travailler dans une grosse machine. Nous parvenons d’ailleurs très bien à attirer des talents. Nous recevons plus d’un million de candidatures spontanées par an dans le monde. Vous évoquez vos camarades de promo qui veulent créer leur entreprise. Moi-même, j’ai commencé par l’option Entrepreneurs et j’ai monté une société pendant que j’étais à HEC, dans les années 1970. C’est très bon signe que l’entrepreneuriat ait la cote chez les jeunes. Nous recrutons beaucoup de professionnels qui ont monté puis revendu leur boîte et qui veulent passer à autre chose. Inversement, certains collaborateurs nous quittent pour se lancer dans leur aventure. Et, parfois, reviennent quelques années plus tard.
Kenza : Vous parliez d’inclusivité, mais la diversité est quasi inexistante au sein du comité exécutif de L’Oréal : seulement un tiers de femmes et une personne non blanche. Pourquoi ?
J.-P. A. : Quand je suis devenu DG, il y avait une seule femme au comité exécutif. Elles sont six aujourd’hui (pour 14 hommes, NDLR). Par ailleurs, les femmes représentent 54 % de nos 1 300 postes-clés, c’est-à-dire les postes les plus stratégiques. Elles sont aussi majoritaires parmi les patrons de marque. Pour être franc, sur certaines marques, il n’y a plus beaucoup d’hommes [rires].
Kristy : J’ai été marquée par un article du Financial Times de décembre, « L’Oréal has a culture that’s not to everyone’s liking ». Cette culture est parfois décrite comme toxique, très française, avec de la rigidité et une préférence pour les grandes écoles. Qu’en pensez-vous ?
J.-P. A. : La culture de L’Oréal n’est pas élitiste. C’est une méritocratie. Tout le monde part avec les mêmes chances, sans distinction de genre, d’origine ou de milieu social. Certains salariés préfèrent des environnements plus confortables ou tranquilles. Mais notre culture n’est pas toxique, c’est une culture de l’excellence. Nous cherchons toujours à nous dépasser. Chacun trouve en soi de nouvelles ressources, et c’est ça qui est passionnant. Le groupe attire beaucoup du monde. La preuve : nous sommes la seule société européenne à figurer dans le top 10 du classement Universum – qui mesure la désirabilité des entreprises parmi les étudiants (L’Oréal est dixième, NDLR).
« Il faut être sainement inquiet de ce que font les concurrents »
Kenza : Vous affirmez dans l’article du Financial Timesque les managers doivent cultiver une « saine inquiétude, au sein de leurs équipes, afin de voir qui est à la hauteur ». Ce n’est pas un peu old school, de promouvoir une culture d’entreprise basée sur la peur des têtes qui tombent ?
J.-P. A. : Il ne s’agit pas du tout de cela. Je parlais de « saine inquiétude » par rapport à la concurrence. Le secteur de la beauté est très compétitif. Nous avons beau être leader, nous n’avons que 13 % de parts de marché. Il faut en permanence être « sainement inquiet » de ce que font les concurrents : innovent-ils plus que nous ? Lancent-ils de meilleurs produits ? Ont-ils des idées que nous n’avons pas eues ? Comme un sportif qui prépare les Jeux olympiques : il se demande sans cesse s’il peut améliorer ses temps, si un concurrent est plus rapide que lui.
Céleste : Vous disiez que la recherche était dans l’ADN de L’Oréal. Mais vous n’avez toujours pas trouvé de solution écologique aux emballages plastiques. Peut-on libérer les cosmétiques du plastique ?
J.-P. A. : Nous avons pris des engagements très forts : d’ici à 2030, 100 % de nos emballages plastiques seront d’origine recyclée ou biosourcée. Nous aurons déjà atteint 50 % en 2025. Nous achetons nos emballages, nous ne les fabriquons pas. Nos chercheurs travaillent sur les cosmétiques, pas sur le plastique. Cela dit, nous encourageons les initiatives sur le sujet. Nous avons pris une participation au capital de la société française Carbios, qui a inventé un procédé révolutionnaire de recyclage du plastique PET. Dans le cadre d’un partenariat avec Total et Lanzatech, nous avons réussi à produire le premier emballage durable à partir d’émissions de carbone captées et recyclées. Nous avons lancé il y a quelques mois nos premiers shampoings solides, vendus dans un emballage en carton 100 % recyclable, ce qui permet d’éliminer tout déchet plastique. Je suis confiant : dans les cinq à dix ans qui viennent, l’intelligence et la créativité humaines vont trouver des solutions à ce problème de plastique.
« L’Oréal m’a confié très vite des responsabilités »
Kristy : Le discours L’Oréal sur la RSE me paraît « too much ». À force de communiquer sur ce sujet, vous ne craignez pas un retour de bâton ? On parle beaucoup de greenwashing en ce moment…
J.-P. A. : Ce n’est pas du greenwashing : regardez notre classement CDP. Votre perception provient sans doute du fait que vous étudiez le sujet dans le cadre de votre Master en développement durable. À vrai dire, j’aimerais bien que les gens pensent qu’on en fait trop en termes de RSE ! Car la réalité, c’est que peu de gens sont au courant de ce que nous faisons. La communication sur nos performances en matière d’environnement doit représenter un millième de la communication sur nos marques et produits. Nous le faisons car c’est notre responsabilité d’entreprise citoyenne. Pas pour se faire de la pub.
Un vétéran de la beauté
Kenza : Vous avez été recruté alors que vous étiez encore étudiant à HEC. Et à 24 ans seulement, vous étiez déjà promu à la tête de L’Oréal en Grèce…
J.-P. A. : Ce qui m’a plu chez L’Oréal, c’était sa présence internationale. Dans ma chambre d’enfant, j’avais des cartes du monde sur les murs. Je rêvais d’aller en Asie, en Amérique latine, en Chine. J’ai rencontré L’Oréal sur le campus et j’ai tout de suite été séduit par cette entreprise, car elle me permettait d’accomplir mes deux rêves : faire du marketing et voyager. Je voulais découvrir des cultures différentes, m’adapter à d’autres environnements. À ce titre, ma carrière a été absolument formidable. Vous avez raison, L’Oréal m’a confié très vite des responsabilités élevées. Vous savez, quand le DRH m’a appelé pour devenir patron de la filiale grecque à 24 ans, j’étais super fier, j’ai accepté tout de suite. Une fois arrivé à Athènes, je me suis rendu compte que ce job avait été proposé à 20 personnes avant moi et que personne ne l’avait accepté parce que l’affaire était dans un état épouvantable ! C’était tout petit, aucun intérêt stratégique… C’était presque une mission suicide. J’ai pris le poste dont personne ne voulait. Parfois, les carrières se font de manière inattendue.
Kenza : Aujourd’hui il faut un bac +5 pour espérer décrocher un simple stage chez L’Oréal… Pourquoi les grands groupes ne laissent pas leur chance aux jeunes ?
J.-P. A. : Je suis d’accord avec vous que la longueur des études ne doit pas être le critère numéro 1 pour rejoindre une entreprise comme la nôtre. Par ailleurs, nous recrutons aussi près de mille jeunes en apprentissage chaque année en France. Mais je vais me renseigner sur ce que vous me dites et si c’est vrai, je vais voir ce que je peux faire.
Kenza : Je vais maintenant, si vous le voulez bien, vous poser des questions comme un recruteur de L’Oréal…
J.-P. A. : D’accord…
Kenza : En une phrase, quel est le succès dont vous êtes le plus fier et pourquoi ?
J.-P. A. : La révolution digitale. Nous avons été pionniers sur le plan du numérique et du e-commerce. J’ajouterai deux choses si vous permettez : notre excellence, aussi bien financière qu’extra-financière, et notre réussite en Chine.
Kenza : Quel poste avez-vous le plus apprécié ?
J.-P. A. : Patron de l’Asie. C’était fabuleux. Le job cochait toutes les cases. J’ai découvert un continent extraordinaire, d’une variété infinie. La Chine, le Japon, la Corée, l’Indonésie, les Philippines, la Malaisie… À chaque fois, j’ai été fasciné par des cultures riches et passionnantes. C’était aussi un job entrepreneurial, mais à grande échelle. Pour l’anecdote : quand j’avais 38 ans, j’avais dit à mon prédécesseur Lindsay Owen-Jones : « Il faut qu’on aille construire l’Asie car nous sommes en retard et c’est le continent du XXIe siècle ». Sur ce, il m’a nommé patron de l’Allemagne [rires]. Bon, c’est comme ça, on n’a pas toujours ce qu’on veut. Mais deux ans après, il s’est dit que ce n’était pas une si mauvaise idée. Il m’a envoyé en Asie. Il m’a laissé me débrouiller. J’ai créé de zéro les filiales en Chine, en Corée, etc. C’était formidable de partir d’une feuille blanche. On se posait les questions de base : « Que fait-on ? Avec quelles marques, dans quels pays ? » En plus, on était en plein milieu de la crise asiatique de 1997.
Kenza : Et quel job avez-vous le moins apprécié ?
J.-P. A. : Sans doute un emploi au siège, parce que je voyageais moins. Dès que j’en avais l’occasion, je m’expatriais ! Ce que j’aime, c’est découvrir les pays, les peuples, les cultures. Il y a une dimension sociologique à ce métier.
Kenza : Quel job auriez-vous aimé tester ?
J.-P. A. : Chez L’Oréal ? Je les ai tous faits ! [rires]
Kenza : Même data scientist ?
J.-P. A. : Ah non, pas data scientist. Mais bon, l’avantage quand on est directeur général, c’est qu’on fait tous les jobs par procuration. Pour faire avancer les projets, il faut s’impliquer avec les collaborateurs. J’ai mené la révolution digitale avec Lubomira Rochet [Chief Digital Officer, NDLR], la révolution environnementale avec Alexandra Palt [Chief Corporate Responsibility Officer, NDLR], j’ai continué à codévelopper la Chine avec son nouveau patron… J’aime ça : plancher sur tout un tas de sujets avec les personnes qui en ont la responsabilité.
Kristy : Vous adorez la Grèce, envisagez-vous d’y passer votre retraite ?
J.-P. A. : J’ai une maison sur une île des Cyclades. Je suis un amoureux de la Grèce. Je parle grec, j’y passe tous mes étés pour faire du bateau à voile. C’est pour moi le paradis sur Terre. Je suis pratiquement allé dans tous les pays du monde. À chaque fois, je me dis : « Ah, je vais peut-être trouver un pays plus beau que la Grèce. » Je n’ai pas encore trouvé.
« J’ai été reçu à HEC parmi les dix derniers »
Céleste : Vous êtes amateur d’art contemporain. Je vois derrière vous de jolis tableaux sur les murs de votre bureau…
J.-P. A. : Oui, il y a derrière moi un tableau qu’Alekos Fassianos, un peintre grec, a fait pour moi. Tout ce qui est dans mon bureau m’a été offert par des collaborateurs. Par exemple, cette peinture chinoise qui représente Gong Li. Et là, l’emballage du Reichstag par Christo et Jeanne-Claude. En matière d’art contemporain, ce que je préfère, c’est l’école allemande récente : Anselm Kiefer, Georg Baselitz, Gerhard Richter, Albert Oehlen…
Céleste : Quelle est la dernière œuvre qui vous ait touché dans un musée ?
J.-P. A. : Cela fait longtemps que je ne suis pas allé dans un musée. Cela me manque. D’autant que ma femme est galeriste.
Kristy : Quel est votre pire souvenir à HEC ?
J.-P. A. : Je n’arrive pas à mémoriser les souvenirs déplaisants. Je ne me souviens que des bons moments.
Kristy : Même le RU, le restaurant universitaire du campus ?
J.-P. A. : Effectivement. Les repas n’étaient pas fameux.
Kristy : Et votre meilleur souvenir ?
J.-P. A. : Quand j’ai appris que j’étais admis. Quand j’ai été pris pour les oraux, j’ai bossé comme un âne, mais sans y croire. Le jour où j’ai vu mon nom sur la liste, j’étais aux anges. J’étais dans les dix derniers !
Céleste : Vous étiez engagé dans des associations ?
J.-P. A. : J’étais externe… J’ai commencé interne et au bout de quelques semaines, comme je m’ennuyais un peu, j’ai travaillé à mi-temps à Paris. Je pouvais grouper les cours le matin. Je roulais très tôt de Paris à Jouy-en-Josas avec ma petite Fiat 127. Je repartais vers 13 h 30, et je travaillais l’après-midi dans une agence de publicité. Parfois, je me dis que j’aurais dû profiter davantage de la vie de campus…
Kristy : Vous pouvez toujours passer nous voir et avoir la « campus life » que vous n’avez pas eu…
J.-P. A. : Oui [rires], c’est gentil. En fait, je vais à Jouy de temps en temps. J’ai monté une fondation pour aider des étudiants d’HEC à financer leurs études. Je n’ai pas pu rencontrer les élèves boursiers cette année à cause de l’épidémie, mais j’espère que j’aurai l’occasion de le refaire bientôt.
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Published by Thomas Lestavel