Philosophe, romancier, auteur d’essais qui cartonnent dans le monde entier… mais également professeur, chroniqueur et conférencier, notamment en entreprise : Charles Pépin (H.97) transmet son amour de la sagesse tous azimuts. Rencontre. 

 

Bio : 

1994 :Diplômé de Sciences Po Paris 

1997 : Diplômé d’HEC 

1998 : Agrégation de philosophie 

1999 : Premier roman : Descente (Flammarion) 

2010 : Début des « Lundis philo de Charles Pépin » au cinéma MK2 Odéon 

2011 : Bande dessinée : La planète des sages, Tomes 1, avec Jul (Dargaud) 

2015 : Troisième roman, La Joie (Allary Éditions) 

2016 : Essai : Les Vertus de l’échec (Allary Éditions) 

2018 : Essai : La confiance en soi (Allary Éditions) 

2020 : Lancement du podcast « Charles Pépin : une philosophie pratique » 

2021 : Essai : La Rencontre, une philosophie (Allary Éditions) 

 

Il est le chantre d’une philosophe pratique, active et positive. Son essai Quand la Beauté nous sauve a rappelé combien le plaisir esthétique était essentiel à nos vies. Le best-seller Les Vertus de l’échec nous a réconcilié avec nos revers pour mieux apprendre à oser. Son dernier ouvrage en date La Rencontre, une philosophie, plaide en faveur de la (re)découverte de l’autre, du monde et, in fine, de soi : une invite bienvenue après ces temps de distanciation sociale. 

 

Années de formation 

Au lycée, c’est précisément une rencontre, avec Bernard Clerté, son professeur de philosophie de Terminale, qui lui donne des ailes. Jusqu’alors élève mordu de littérature mais dilettante, Charles Pépin (H.97) prend goût à la philosophie et aux défis intellectuels. « Avec un sentiment assez immature de toute puissance, j’ai voulu me prouver que je pouvais me frotter aux concours élitistes : Sciences Po, HEC… Tout semblait possible. Sauf la PREP’ENA, qui m’a vite arrêté ! » sourit-il. A Jouy-en-Josas, Charles apprécie l’économie et l’entrepreneuriat, mais pas le contrôle de gestion, ni la compta – tant pis pour la Majeure Entrepreneur. Il continue à étudier en parallèle la philosophie, à la fac. Le campus lui plaît, bien qu’il s’y sente décalé : plus âgé que les étudiants issus de prépa, il est rétif à la logique de rationalisation des trajectoires professionnelles tracées d’avance. Embauché à la Société Générale, la perspective de badger chaque matin le fait reculer : « Je l’aurais vécu comme une aliénation de ma liberté… J’ai fui ! » Des années plus tard, il rappellera avec malice dans Platon la Gaffe – Survivre au travail avec les philosophes, BD réalisée avec Jul, que le mot « travail » vient du latin « tripalium », qui désigne « un instrument de torture à trois pieux, capable d’infliger aux esclaves rebelles le plus atroce et le plus lent des supplices. » Ajoutant qu’aux yeux des philosophes grecs Platon et Aristote, le travailleur moderne s’apparenterait « à un lapin Duracell sur un vélo d’appartement ».  

 

Le temps des succès 

Ayant éloigné ce spectre, Charles passe l’agrégation de philosophie et devient prof à Cambrai. Par amour de l’enseignement, mais aussi pour consacrer du temps à l’écriture : il collabore à Technikart, l’Événement du Jeudi et publie un premier roman… qui ne rencontre pas son public. Petite blessure : « Écrivain, c’est mon rêve d’adolescence. J’aurais aimé obtenir davantage de reconnaissance en littérature. Mais j’ai compris que c’était au niveau de la philosophie que je pouvais apporter quelque chose. » Dès lors, Charles creuse son sillon d’auteur-essayiste, explorant avec humour et brio les multiples facettes de la philosophe, qu’il sait rendre accessible : Les Philosophes sur le divan – Quand Freud rencontre Platon, Kant et Sartre, Ceci n’est pas un manuel de philosophie, La Planète des sages, 50 Nuances de Grecs… Autant de titres joyeux, qui dépoussièrent de manière salutaire une praxis vieille de plus de deux millénaires. Le succès, rapidement au rendez-vous, ne reste pas circonscrit à ses productions littéraires. Car Charles a aussi le goût de transmission orale : il tient des chroniques de philosophie à la télévision (sur France 3 et Canal +), à la radio (Sous le soleil de Platon), met en place ses Lundis philo au MK2 Odéon… Bien entendu, il continue à enseigner, à ses lycéens cambrésiens (jusqu’en 2019), mais aussi à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur ou à Sciences Po. Avec, toujours, l’écriture comme fil rouge : « Tous mes activités se nourrissent des idées développées dans mes livres. » 

 

La philo en entreprise 

Avec sa société Kairos Conseil, dédiée à son activité d’animation de conférences et de formations, Charles, qui croit en l’utilité sociale de la philosophie en entreprise, a également un pied dans le monde corporate. Mais que fait donc un existentialiste en open space ? Il exerce sa liberté de parole et son esprit critique ! « Mon métier et ma parole restent les mêmes, quel que soit mon public : mes élèves lycéens, mon auditoire des Lundis Philo, des managers de PME ou des patrons du CAC 40 » explique-t-il. Dans les entreprises, Charles s’applique à interroger les éléments de langage de la novlangue managériale : « Mon job est de déconstruire les discours stéréotypés, de remettre en question les valeurs et raisons d’être ‘tartes à la crème’, trop consensuelles, qui se ressemblent toutes. Les directions et le management sont parfaitement prêts à entendre ce point de vue. Nos entreprises sont remplies de gens brillants mais sous-employés – ‘sous-exploités’ si on veut utiliser un vocabulaire marxiste – qui aspirent à faire meilleur usage de leur intelligence. La philosophie y est très bien accueillie, car elle ouvre un espace de réflexion. » Elle aide aussi à pointer les contradictions individuelles et collectives. « Je suis souvent interrogé par des salariés pris dans des conflits de valeurs vis-à-vis de leur employeur ; les concepts philosophiques peuvent éclairer leurs dilemmes. Je souligne aussi, à l’occasion, les incohérences organisationnelles dont je suis témoin. Parfois cela se joue à de petits riens, dont les protagonistes n’ont pas conscience, comme ce séminaire sur l’intelligence collective auquel je participais… qui se tenait dans une salle aveugle, en sous-sol. Curieux choix de lieu symboliquement ! Mon travail, c’est d’être expert de ces petits rien qui disent beaucoup. » 

 

A l’ère post-Covid 

Avec la crise sanitaire les interrogations des entreprises et des collaborateurs se sont modifiées. « La remise en question de certaines contraintes, le temps passé dans les transports par exemple, a des côtés positifs. Mais le retour au travail hybride soulève de nouvelles problématiques. Les équipes réunies en présentiel seulement deux ou trois jours par semaine doivent réinventer leur manière d’être ensemble. Pour partager du temps de qualité sur de courtes durées, il est nécessaire de ralentir le rythme et d’arrêter de rationaliser la moindre action. » Ce qui ne va absolument pas de soi : « Les organisations ont tendance à saturer le temps de leurs salariés, alors qu’il faudrait au contraire valoriser les moments improductifs, non « rentables », afin de recréer du lien. Tant de choses peuvent advenir dès qu’on cesse de tout planifier… » Ce constat dépasse le monde de l’entreprise : « Le phénomène est d’ordre civilisationnel. Notre monde est devenu une ‘To do list’ géante, dont nous cherchons à cocher toutes les cases. » Et les nouvelles technologies amplifient le mouvement. Défenseur d’une philosophie de la juste mesure, Charles ne les rejette pas en bloc : « Elles sont utiles, à condition d’être des instruments à notre service et non des maîtres qui nous asservissent. Elles peuvent nous aider à dégager du temps pour lire, parler, aimer, contempler… En un mot, pour nous recentrer sur l’essentiel, ce qui nous rend humain. » Elles l’inquiètent en revanche quand elles deviennent aliénantes, créent de faux besoins, poussent à l’accélération perpétuelle et contribuent à désenchanter le monde : « Soit votre GPS facilite votre balade, vous laissant libre de flâner sur de jolies routes, soit vous lui obéissez au doigt et à l’oeil et devenez obsédé par l’horaire d’arrivée annoncé. » La hantise de la badgeuse n’est pas loin… « En effet, c’est mon blocage personnel ! » admet-il en riant. Charles travaille actuellement à une BD sur la méditation, Y a-t-il du Pilates dans l’avion ?, et à son prochain essai philosophique, qui traitera de la mémoire et du rapport au passé. Manières de questionner, avec drôlerie et pédagogie, cette féroce injonction contemporaine du contrôle du temps ? Affaire à suivre… 

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