Il faut réagir tant que l’entreprise dispose encore de trésorerie
Anne-Sophie Noury (H.04) et Jean-Dominique Daudier de Cassini (MBA.82) codirigent ledépartement restructuring du cabinet d’avocats WEIL, GOTSHAL & MANGES à Paris. Acteurde premier plan sur des dossiers emblématiques cette année, dont Novares, Rallye,Orchestra, Alès, Technicolor ou encore Conforama, le cabinet accompagne les entreprisesen difficulté dans cette période marquée par une incertitude persistante. Explications.
Quelle est votre vision de la situation des entreprises au regard de la crise actuelle ?
Les entreprises, même les plus fragiles,avaient plus ou moins surmonté jusqu’à présent la crise sanitaire grâceà des apports massifs de financement(prêt garanti par l’État, prêt direct del’État via le FDES, report des charges fiscales et sociales et des fournisseurs,consommation des stocks…) et à des dispositions législatives particulières.Il avait toutefois été annoncé que2021 serait l’année de tous les dangers,les entreprises devant faire face au refinancement de l’activité et aux premiers remboursements des dettes accumulées. La situation sanitaire actuelle vient ajouter à ces difficultés l’imprévisibilité pour les prochaines années rendant très délicate la construction de prévisionnels d’exploitation.Il est maintenant certain qu’au-delà même des secteurs difficiles (tourisme et voyages, événementiel, retail…), les entreprises les plus fragiles ou celles qui n’ont pas eu accès aux financements mis en place par l’État ne pourront éviter un traitement judiciaire de leurs difficultés. Le recours aux procédures amiables (mandat ad hoc et conciliation) ne sura pas pour les plus touchées et il faudra recourir à des procédures collectives (sauvegarde ou redressement judiciaire). Toutefois, même dans ce cas, il est à craindre que les dettes accumulées et le manque de visibilité rendront diffcile la présentation de plans intégrant le remboursement du passif (à défaut d’une restructuration drastique de la dette) et les obligent à rechercher des solutions visant à la seule reprise del ’activité sans avoir à en supporter le passif antérieur (plan de cession). Nous nous attendons donc à des renégociations de dettes pour structurer l’endettement,restructurations qui intégreront des abandons très significatifs et/ou des conversions en capital favorisé est très probablement par l’adaptation de la directive européenne sur le traitement des difficultés au cours du second semestre 2021. À défaut, les investisseurs se tourneront vers des reprises en plan de cession.Dans ce cadre, la dérogation offerte aux dirigeants et actionnaires des sociétés de pouvoir présenter une offre de reprise en plan de cession, même si elle a fait beaucoup d’encre sur son aspect moral, est probablement une solution efficace pour sauver des entreprises pour lesquelles aucune solution satisfaisante ne pourrait être trouvée.En tout état de cause, la mise enœuvre d’une solution nécessite dutemps et il est impératif de réagir tant que l’entreprise dispose encore de liquidités suffisantes pour engager des discussions avec ses créanciers ou trouver des solutions de reprise dans des conditions aussi sereines
que possible. C’est un principe de base pour le traitement des entreprises en difficultés. Le manque cruel de visibilité rend ce principe d’autant plus vital dans la situation actuelle.
Pouvez-vous nous rappeler le positionnement de votre cabinet dans le paysage du retournement et du redressement des entreprises ?
Nous sommes un cabinet reconnu de la place sur les opérations de restructuration avec une équipe dédiée d’une vingtaine de personnes. Nous intervenons pour le compte des entreprises, de leurs actionnaires, des investisseurs ou des repreneurs. Nous intervenons également aux côtés des créanciers quand ils ont vocation à reprendre l’entreprise ou une partie significative de son capital. Ce positionnement nous a permis d’acquérir une très forte expérience sur le terrain, une connaissance fine du fonctionnement des entreprises dans cette période de crise et une excellente maîtrise de la loi dans ce domaine. Le restructuring est une matière très transversale qui nécessite l’intervention coordonnée de tout un écosystème : administrateur judiciaire, managers de transition, auditeurs, banquiers… Pour appréhender ces sujets transversaux, notre équipe est constituée d’avocats qui ont une compétence alliant les domaines économiques et financiers et les domaines juridiques. En parallèle, nous faisons aussi intervenir les experts du cabinet sur les matières complémentaires indispensables à la bonne réalisation d’une opération de restructurations : M&A, financement, fiscalité et concurrence (concentrations et aides d’État)…
“Nous sommes un cabinet reconnu de la place sur les opérations de restructuration avec une équipe dédiée d’une vingtaine de personnes.”
Le cabinet est un acteur leader dans le LBO et le droit des sociétés cotées et notre compétence sur ces domaines nous amènent à être régulièrement sollicités dans ces dossiers. Concrètement, nous allons couvrir l’ensemble du prisme du restructuring : renégociation en amont d’une crise de “Nous sommes un cabinet reconnu de la place sur les opérations de restructuration avec une équipe dédiée d’une vingtaine de personnes.”liquidité ; mise en place de mesures préventives du type conciliation ou mandat ad hoc ; procédure collective et redressement judiciaire… en déployant tous les outils et mesures à notre disposition pour permettre le sauvetage des entreprises en fonction de leur situation. Enfin, nous sommes aussi un cabinet international avec des bureaux historiques aux États-Unis et des implantations en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Asie. Aux États-Unis, nous sommes le 1er cabinet spécialisé en restructuring. Cet ADN nous permet d’intervenir sur des dossiers qui ont une dimension internationale comme le dossier CGG en 2018. Cette année, notre cabinet est intervenu notamment sur les dossiers Rallye, maison mère de Casino, Conforama, Orchestra, Novares ou encore Europacorp.
Et pour conclure ?
Le traitement des difficultés nécessite anticipation et expérience. Il est toujours difficile pour un dirigeant d’anticiper le pire, ce n’est pas dans sa nature. De même, l’environnement juridique et économique d’une entreprise en difficulté est complexe à maîtriser et le dirigeant n’a souvent pas connaissance de la palette d’outils à sa disposition pour traiter des difficultés de son entreprise. Notre conseil est simple : plus que jamais, les dirigeants doivent anticiper leurs difficultés et se tourner vers des spécialistes et experts de ces situations le plus tôt possible. Cela leur permettra de mettre en place des solutions plus adaptées et moins traumatisantes pour l’entreprise.Enfin, la transposition au droit français de la directive européenne sur le traitement des difficultés va recalibrer l’environnement juridique dès le second semestre 2021. Dans ce cadre, la protection de l’actionnaire et de son patrimoine sera significativement réduite au profit d’un rôle plus actif des créanciers. Au vu de la crise sans précédent que nous traversons, les actionnaires qui n’ont pu que la subir sans avoir démérité pour autant et qui ont soutenu souvent leurs entreprises pendant cette période risquent de voir leurs efforts ruinés. Seule une démarche proactive et anticipée leur permettra de garder leur rôle, essentiel dans ces périodes de crises.
Anne-Sophie Noury (H.04) codirige le département Paris Restructuring au sein du bureau parisien de Weil Gotshal & Manges,qu’elle a rejoint le cabinet en tant qu’associée enmai 2019 après avoir dirigé le département restructuration d’un cabinet de niche pendant trois ans.Elle incarne l’ascension d’une nouvelle génération d’avocats de premier plan. Legal 500 l’a qualifiée comme étant « l’une des meilleures avocates de sa génération ». Elle est membre de l’Association du Retournement des Entreprises (ARE) et d’Insol Europe, elle est également devenue membre de l’International Insolvency Institute (III) en février2018 et du réseau Women in Restructuring (WiR).
Jean-Dominique Daudier de Cassini (H.82) codirige le département Paris Restructuring au sein du bureau parisien de Weil Gotshal & Manges. Il est classé comme la référence parmi les professionnels juridiques du restructuring en France (Chambers,Legal 500…). Diplômé de l’École des Hautes Études Industrielles (école d’ingénieurs), de l’Institut Supérieur des Affaires (MBA), il est membre du Barreau de Paris. Il est membre de l’Association pour le Retournement des Entreprises (ARE), dont il a été président en 2016 et 2017. Il enseigne la restructuration d’entreprises à HEC-ISA et dispense également un cours sur la restructuration financière à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
WEIL, GOTSHAL & MANGES fondé en 1931 aux États-Unis et établi depuis 2003 en France, Weil Gotshal & Manges LLP est un cabinet de premier plan comprenant 1 100 avocats répartis dans des bureaux sur trois continents. Les avocats de Weil conseillent des clients dans le monde entier sur leurs affaires les plus complexes en ma-tière de fusions-acquisitions/Private Equity/corporate, restructurations d’entreprises, financement, contentieux et fiscalité. Ces pratiques et les associés qui les mènent sont régulièrement reconnus comme leaders dans leurs domaines.
Published by La rédaction