Henri Poupart-Lafarge PDG d’Alstom : Une croissance sur les rails
Métamorphose. Le mot n’est pas trop fort pour évoquer la transformation qu’a connue Alstom en une décennie. En 2014, le groupe semble aux abois. Il paie une amende record de 772 millions de dollars aux États-Unis pour des faits de corruption, et cède son activité énergie à GE. Cinq ans plus tard, la tentative de mariage avec l’Allemand Siemens, en vue de créer un champion européen pour affronter le géant chinois CRRC, est retoquée par la Commission européenne. L’UE craint une baisse de la concurrence néfaste à ses clients, les compagnies ferroviaires.
Sous la houlette d’Henri Poupart-Lafarge, PDG depuis 2016, l’industriel français a rebondi. L’acquisition de Bombardier il y a deux ans a doublé la taille du groupe, désormais numéro 2 mondial derrière CRRC. Le chiffre d’affaires avoisine les 15,5 milliards d’euros et le carnet de commandes tutoie les 86 milliards – un record historique. Le secteur est porté par la transition énergétique. Les projets de trains et tramways se multiplient des deux côtés de l’Atlantique, mais aussi en Australie ou en Arabie saoudite. L’été record de la SNCF témoigne du regain d’intérêt des voyageurs pour le rail.
Quelques jours après avoir fêté ses vingt-cinq ans chez Alstom, Henri Poupart-Lafarge a rencontré trois étudiants de HEC Paris au siège de Saint-Ouen. Pendant une heure, le patron de 53 ans a livré sa vision du secteur et défendu les mérites du groupe tricolore, dont le nouveau TGV M consommera 20 % d’électricité en moins. Convivial et franc, le dirigeant a aussi affiché son scepticisme sur les projets disruptifs de train à lévitation magnétique à la Hyperloop. Réputé pour sa discrétion, celui qui fut pressenti pour remplacer Jean-Bernard Lévy à la tête d’EDF a partagé sa conception du leadership. Inspirant.
Shailja : Je m’appelle Shailja et je suis actuellement en MBA à HEC Paris. Je fais une spécialisation en stratégie. Avant cela, j’ai travaillé chez Alstom.
Henri Poupart-Lafarge : Ça alors ! Où travailliez-vous ?
Shailja : En Inde. J’ai travaillé comme ingénieure de validation pour le métro de Sydney. Puis j’ai déménagé à Bangalore où j’ai participé à des appels d’offres de matériel roulant, dans des fonctions de validation. J’ai également participé à la mise en place d’un laboratoire de tests virtuels pour un métro autonome.
H.P.-L. : Excellent. Vous avez déjà un CV très riche. Heureux de vous revoir chez Alstom !
Shailja : C’est un vrai plaisir de retrouver l’entreprise. Je suis nostalgique de cette époque. J’ai débuté ma carrière chez Alstom. Des recruteurs étaient venus sur le campus de mon école d’ingénieur, dans le cadre du graduate program Yeg. Dans ma promotion MBA, je suis la seule étudiante ayant travaillé dans l’industrie ferroviaire. Je me souviens, la dernière fois que je vous ai vu, c’était en 2018, dans les bureaux de Bangalore.
H.P.-L. : Nous avons aujourd’hui près de 10 000 salariés en Inde, presque autant qu’en France. C’est là que se trouve notre plus grand centre d’ingénierie au monde, avec énormément de talents. Revenez chez Alstom !
Shailja : Chiche ! Je reviendrai après mon MBA, avec des compétences en plus !
Le ferroviaire au service de la transition écologique
Paul : Nous vous avons préparé quelques questions. Je commencerai par la vision « macro ». Avec la montée des préoccupations environnementales et le vaste plan d’investissements de Joe Biden pour le climat, le secteur ferroviaire est-il entré dans un nouvel âge d’or ?
H.P.-L. : Clairement, notre secteur est porté par la transition écologique. Les transports représentent 27 % des émissions mondiales de CO2, un ratio qui pourrait augmenter jusqu’à 40 %. Ce n’est que depuis récemment que le secteur des transports est vraiment considéré comme ayant un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique. Je me souviens que lors de la conférence des Nations unies sur le climat à Paris, en 2015, il n’était question que de l’énergie. Pas un mot sur les transports ! Et de fait, depuis plusieurs décennies, le marché ferroviaire est porté par la croissance économique, la démographie et l’urbanisation – notamment en Asie où de nouvelles villes ont vu le jour. L’Inde est un bon exemple : on y dénombre 42 métropoles ayant des projets de métro. Comme vous le savez, les États-Unis et l’Europe ont lancé des programmes d’infrastructures de grande ampleur pour décarboner la mobilité. Ils se déclinent en deux volets : changer de modèle en remplaçant l’avion et la voiture par le train ; et rendre les trains plus économes en énergie.
Paul : Comment procédez-vous sur ce second volet ?
H.P.-L. : La plupart de nos efforts portent sur les trains électriques, qui représentent 95 % de notre offre. Notre nouvelle génération de trains à grande vitesse, par exemple, consomme 20 % d’énergie en moins et offre 20 % de sièges en plus que la génération précédente. Cela représente une diminution d’un tiers de la consommation d’énergie par siège. Les 5 % restants sont des trains diesel. Pour ceux-là, nous devons trouver des solutions alternatives. Nous avons développé des trains à batterie et avons été les pionniers dans la mise au point de trains à hydrogène, commercialisés en Allemagne. Nous avons signé des contrats avec des compagnies ferroviaires en France, en Italie et dans d’autres pays. Cette technologie est extrêmement prometteuse.
Shailja : Lors de la pandémie de Covid-19, les compagnies ferroviaires ont dû bouleverser l’occupation des trains, introduire des mesures d’hygiène, le paiement sans contact, etc. Est-ce que votre vision du train du futur a changé à la suite de la crise sanitaire ?
H.P.-L. : C’est une bonne question. La pandémie a accéléré certaines évolutions en matière d’hygiène dans les transports en commun. Nos équipes d’innovation ont développé des solutions Healthier Mobility pour une mobilité plus saine dans les métros et les trains. Par exemple, des technologies de traitement de l’air, des tissus antiviraux pour les sièges, des commandes de porte infrarouges (sans contact) ou encore des dispositifs innovants qui évitent aux passagers le contact direct avec les barres de maintien.
Shailja : J’imagine que le télétravail a un impact important sur le marché ferroviaire…
H.P.-L. : Absolument. Les habitudes de déplacement ont changé avec le télétravail. Par exemple, le pic de trafic a diminué dans les métros car davantage de salariés vont au travail en horaires décalés [NDLR : par exemple, un cadre travaille à son domicile le matin et prend le métro pour se rendre au bureau à 13 h 30 au lieu de 9 h]. Mais l’impact varie beaucoup en fonction des régions du monde. En Asie, le travail sur site est revenu à son niveau prépandémie. En Europe, nous sommes à 80-85 %. Les États-Unis en sont encore loin, et notamment la Californie qui, à l’extrême, se situe à un niveau d’environ 30 %.
Shailja : Cela dépend aussi du type d’emploi qu’occupent les voyageurs. Ceux qui n’ont pas la possibilité de travailler à distance sont revenus tout de suite dans les métros et les trains.
H.P.-L. : Aujourd’hui, les salariés peuvent choisir leur lieu d’habitation en prenant en compte la fréquence à laquelle ils doivent se rendre au bureau. En France, par exemple, certains cadres qui travaillent à Paris ne doivent aller à leur bureau que deux fois par semaine. Une partie d’entre eux peut ainsi décider de résider à Bordeaux, à deux heures de train de Paris. Avant la pandémie, ils devaient s’installer dans des communes plus proches de la capitale, car ils devaient se rendre presque tous les jours au bureau. L’impact du télétravail s’observe aussi dans les métros et RER. À cet égard, il est intéressant de noter qu’à Paris, les trains de banlieue qui se rendent dans des zones tertiaires comme La Défense sont moins fréquentés qu’avant. Le constat est moins flagrant sur les lignes qui amènent les voyageurs dans des zones industrielles, où le travail à distance est moins répandu.
H.P.-L. : Je ne me focalise pas sur un concurrent plutôt qu’un autre. Alstom se distingue dans le secteur comme le seul acteur véritablement mondial. Ce qui compte à nos yeux, c’est de continuer à être disruptif et de garder notre avance en termes d’innovation. À l’échelle mondiale, notre activité se répartit quasiment à parts égales entre le matériel roulant et nos autres activités, en particulier les activités digitales. Nous pouvons nous targuer d’une présence unique, de l’Australie à l’Amérique du Nord en passant par l’Europe et l’Asie du Sud-Est. Sur tous ces marchés, nous affrontons des concurrents locaux.
Paul : J’ai lu que le CRRC préparait un train à sustentation magnétique (Maglev) capable de rouler à 600 km/h…
H.P.-L. : Si vous voulez parler de l’avenir de l’industrie, cela vous surprendra peut-être, mais je suis intimement convaincu que l’essentiel des trains de demain seront similaires aux modèles actuels. À la différence majeure qu’ils seront beaucoup plus économes en énergie, plus connectés, et que l’expérience voyageurs sera considérablement améliorée.
Paul : Vous ne vous intéressez pas aux trains Maglev ?
H.P.-L. : Nous regardons toujours avec beaucoup d’intérêt les innovations sur le marché. Mais je pense que ces trains resteront un marché de niche. Cette technologie est excessivement complexe à mettre en œuvre. Il faut soulever le train au-dessus d’un sol parfaitement plat, ce qui requiert énormément d’énergie et des infrastructures adaptées.
Shailja : Votre groupe promeut-il la diversité et l’inclusion dans ses équipes afin que ses trains répondent aux attentes de tous les passagers ?
H.P.-L. : La diversité et l’inclusion sont d’une importance capitale pour Alstom. D’abord en interne, en tant qu’entreprise mondiale, afin que chacun puisse collaborer avec ses collègues partout dans le monde et que chacun se sente intégré, en sécurité et épanoui dans son travail quotidien. La plupart des initiatives viennent du niveau local. Par exemple, nos équipes ont mis en place des actions dans des zones sensibles pour s’assurer que nos collègues femmes puissent rentrer chez elles le soir en toute sécurité. Ensuite, nos solutions de mobilité doivent également être inclusives, notamment pour les passagers en situation de handicap ou les personnes à mobilité réduite. À titre d’exemple, nos équipes travaillent avec des associations sur des solutions permettant aux personnes malvoyantes d’être orientées dans les trains ou aux personnes malentendantes de connaître l’heure d’arrivée du train.
Le nouvel Alstom : un groupe au carnet de commandes record
Eliott : Alstom a connu des années difficiles, avec un plan de sauvetage en 2003, la vente de la branche énergie à GE en 2014, la fusion ratée avec Siemens en 2019… Pensez-vous que le groupe a réussi à redorer son blason ?
H.P.-L. : Lorsque j’ai rejoint Alstom il y a vingt-cinq ans, l’entreprise était organisée en six divisions dont les chantiers navals de Saint-Nazaire, les transformateurs, les engrenages, les centrales électriques… Aujourd’hui, nous sommes devenus un leader mondial du transport ferroviaire, avec à peu près le même niveau de chiffre d’affaires [NDLR : 15,5 milliards d’euros sur le dernier exercice annuel]. Je suis convaincu que notre décision de nous concentrer sur le transport était la bonne. Elle nous promet un bel avenir, nous l’avons vu, et nous allons développer beaucoup d’innovations dans les années qui viennent.
Paul : Comment avez-vous vécu l’échec de la fusion avec Siemens ? Et avec le recul, que pensez-vous du veto des autorités de la concurrence ?
H.P.-L. : Les autorités européennes ont estimé que les deux entreprises se trouveraient en position dominante. Cet épisode est derrière nous et nous avons depuis réalisé l’acquisition de la société canadienne Bombardier Transport. Cette opération, dont je suis fier, nous a permis d’atteindre une vraie dimension mondiale.
Paul : Comment se passe l’intégration de Bombardier ? Deux ans après, quel bilan tirez-vous de l’acquisition ?
H.P.-L. : Au moment de l’acquisition, j’avais annoncé que l’intégration prendrait trois à quatre ans. Nous sommes en ligne avec cette trajectoire. Nous avions un plan clair en trois phases. Première étape : nous avons passé deux années à stabiliser le portefeuille de projets de l’ancien Bombardier et à rétablir de bonnes relations avec les clients. C’est maintenant chose faite. La phase actuelle se concentre sur l’efficacité et le contrôle de la qualité, car certains projets se heurtaient à des problèmes d’exécution. Une fois cette deuxième étape achevée, nous pourrons tirer pleinement parti de notre envergure mondiale et nous concentrer sur l’innovation. C’est notre objectif le plus important.
Paul : En quoi la fusion permettrait d’innover davantage ?
H.P.-L. : Parce que nous allons tirer parti de notre présence mondiale, ce qui est extrêmement bénéfique pour l’innovation. Nous pouvons recouper les besoins de nos clients en Australie, en Inde, aux États-Unis, en Europe… Des idées et des solutions émergent sur chaque marché, elles peuvent ensuite être dupliquées ailleurs. Notre présence en Allemagne, par exemple, nous a permis de construire le premier train à hydrogène pour le transport de voyageurs.
Eliott : Quels sont les principaux leviers pour aligner Alstom sur une trajectoire de +1,5 °C ?
H.P.-L. : Nous faisons beaucoup d’efforts pour rendre nos solutions plus efficaces sur le plan environnemental. Nous travaillons également sur les scopes 1 et 2 [NDLR : les émissions directes de CO2 par l’entreprise et celles liées à sa consommation énergétique]. Par exemple, nous produisons notre propre énergie sur certains sites grâce à des panneaux solaires. Nous nous sommes fixé pour objectif de consommer 100 % d’électricité renouvelable, dont 15 à 25 % produite dans nos installations. De plus, avec la récente flambée des prix de l’énergie, nous avons mené des actions pour limiter la consommation énergétique de nos usines. Alstom vise de réduire de 40 % ses émissions de CO2 d’ici à 2030. Nous analysons toutes les initiatives locales permettant d’optimiser notre performance et tous nos investissements en tenant compte des économies de CO2.
Eliott : Quid du scope 3, c’est-à-dire des émissions indirectes ?
H.P.-L. : Comme je vous l’ai dit, le transport va jouer un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique. La plupart des émissions de CO2 de nos solutions proviennent des locomotives. Il faut bien reconnaître que dans certains pays, où l’électricité ne provient pas de sources renouvelables mais de charbon ou de pétrole, il y a donc encore du chemin à parcourir – même si ces trains remplacent des camions, ce qui est déjà une bonne chose. Cela dit, nos locomotives ont une durée de vie d’environ 40 ans. Or nous pouvons raisonnablement penser que les énergies renouvelables vont fortement se développer dans les vingt prochaines années. Le solaire et l’éolien vont progressivement remplacer les énergies fossiles dans la production d’électricité.
Shailja : Comment Alstom évalue-t-il l’impact potentiel d’une taxe carbone sur son activité et sa performance financière ?
H.P.-L. : Je suis convaincu que la tarification du carbone pourrait être un levier essentiel pour pousser les gens à prendre le train plutôt que l’avion. Nous avons besoin d’un prix du carbone très élevé. L’Europe a mis en place le système communautaire d’échange de quotas d’émission (EU ETS), mais le prix actuel du carbone est trop bas. Nous pouvons en outre nous interroger sur l’approche consistant à prendre pour acquis le niveau des émissions et à demander des efforts pour les réduire. Par exemple, les compagnies aériennes disposent d’un volume décroissant de crédits carbone, ce qui les incite à réduire leur empreinte carbone. Mais il faudrait plutôt faire payer aux voyageurs le prix réel de leurs émissions de carbone afin de les inciter à prendre le train plutôt que l’avion. C’est ce que l’Union européenne appelle « l’internalisation des coûts externes ». Mais cette piste ne progresse que très lentement. Si vous prenez par exemple l’exonération fiscale sur le kérosène, il faut l’unanimité des 27 États membres pour la supprimer. Vous comprenez qu’elle n’ait pas vu le jour. Concernant le volet réglementaire, Alstom s’est positionné sur la question de la taxonomie européenne. Cette liste d’activités économiques considérées comme durables est assez stricte. Une part importante de notre activité est éligible. Cela montre la contribution que peut apporter Alstom dans le développement d’une mobilité durable.
Shailja : J’ai travaillé environ cinq ans chez Alstom avant mon MBA. J’ai observé que les cadres gravissant les échelons étaient performants techniquement mais que les qualités humaines n’étaient pas forcément prises en compte dans les promotions. Comment remédier à ce manque ?
H.P.-L. : Je vois ce que vous voulez dire. C’est sûr que c’est plus facile, sur un site comme Bangalore où travaillent 4 000 ingénieurs, de mettre en place une matrice qui analyse les compétences techniques plutôt que d’évaluer les compétences non techniques (soft skills). Mais ces dernières sont extrêmement importantes pour nous car nous travaillons sur des projets complexes qui peuvent impliquer une dizaine de sites. Les chefs de projet ne doivent pas seulement gérer des salariés et des fournisseurs situés dans différents pays. Ils doivent aussi faire preuve de qualités humaines pour faire adhérer tous les participants au projet. Nous savons pertinemment qu’il y a d’excellents managers en puissance dans notre vivier d’ingénieurs. Il nous arrive de confier des fonctions de management à un spécialiste des achats ou du design, et cela fonctionne très bien. Je me souviens d’un jeune VIE [NDLR : volontaire international en entreprise] que j’avais rencontré en Équateur. Il dirigeait une petite équipe isolée, constituée d’une dizaine de personnes, qui devait livrer notre tramway Citadis dans la ville de Cuenca. Les salariés venaient de dix pays différents. C’était l’occasion rêvée de tester les qualités managériales du VIE. Il s’est avéré très doué pour travailler en groupe et pour motiver les équipes. Nous avons repéré un vrai manager.
Un patron emblématique et discret
Paul : Avant de vous quitter, nous allons parler un peu de vous.
H.P.-L. : (faisant mine de se lever pour partir) Nous n’avons plus le temps, désolé… (rires)
Paul : Pour vous, quelle est la mission principale d’un chef d’entreprise ?
H.P.-L. : Un PDG a deux objectifs principaux. Le premier est de fixer le cap : où voulons-nous aller, quelle stratégie adopter, comment la mettre en musique ? Un exemple. Il y a dix ans, nous avions 500 ou 1 000 salariés en Inde. Aujourd’hui, ils sont 10 000. Devenir une entreprise avec une envergure mondiale ne s’est pas fait du jour au lendemain. Nous avons donné une direction et mis en place toutes les actions nécessaires pour atteindre cet objectif. Le deuxième objectif est de promouvoir et d’incarner les valeurs de l’entreprise. Cela s’obtient par les talents, par les processus et par la façon de manager. Les valeurs d’Alstom sont l’inclusion, la responsabilité et l’agilité. Inclusion car nous travaillons ensemble pour mener à bien nos projets – l’esprit d’équipe prime sur le reste. Ensuite, nos collaborateurs sont responsables dans la manière dont ils travaillent, en particulier avec nos clients. Enfin, nous devons être agiles parce que nous travaillons sur des projets complexes et que nous sommes constamment en train de résoudre des problèmes.
Shailja : Vous avez rejoint le groupe Alstom en 1998…
H.P.-L. : Oui, cela fait vingt-cinq ans. C’était le 1er février, pour être précis [NDLR : l’interview a eu lieu le 23 février].
Shailja : Joyeux anniversaire professionnel, comme on dit sur LinkedIn !
H.P.-L. : Merci.
Shailja : J’en viens à ma question. Comment avez-vous évolué dans votre leadership pendant ces vingt-cinq ans ? Et comment avez-vous continué à vous développer en tant que leader et personne, dans l’entreprise et en dehors ? J’imagine que vos responsabilités paraissent parfois écrasantes…
H.P.-L. : Ces vingt-cinq années ont été un voyage passionnant. Le destin d’Alstom a été mouvementé, avec beaucoup de hauts et de bas, et parfois des défis complexes et difficiles. J’ai beaucoup appris durant cette période, tant sur le plan technique que sur le plan humain. Ma vie personnelle et familiale m’enseigne aussi beaucoup de choses. Cela me permet de rester ancré dans la vraie vie, avec là aussi des hauts et des bas. Le danger numéro un pour un PDG, c’est d’être déconnecté.
Shailja : Comment est-ce qu’on s’en rend compte ?
H.P.-L. : Si vous commencez à croire que vous avez tout compris et que vous n’avez plus rien à apprendre, vous risquez de passer à côté des signaux faibles et de feedbacks précieux. J’essaie au contraire de progresser, jour après jour.
Eliott : Avez-vous dû mettre de côté certains aspects de votre vie personnelle pour arriver à ce poste ?
H.P.-L. : Chacun doit trouver sa manière de gérer l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Je ne me plaindrai jamais des responsabilités que j’exerce. J’ai un travail difficile, avec beaucoup de pression, mais c’est largement compensé par tout l’enthousiasme que j’en retire. Mes collègues d’Alstom me procurent beaucoup de force. Lorsque je voyage, par exemple, je vois très souvent de jeunes salariés débordants d’énergie. Ils sont avides de nouveaux projets et de responsabilités.
Shailja : Que pensez-vous des patrons « militants » qui prennent des positions assumées sur des sujets comme le climat ou l’inclusion des minorités ?
H.P.-L. : Je suis toujours prêt à m’engager pour les causes qui concernent Alstom : le transport, le développement durable, le changement climatique, l’innovation et l’inclusion. Mais ce n’est pas mon rôle de m’exprimer sur des problématiques qui vont au-delà. Je peux m’y engager en tant que citoyen, mais pas comme PDG.
Eliott : Si vous deviez tirer un enseignement de votre parcours, quel serait-il ?
H.P.-L. : L’importance d’être résilient. Nous croisons tous des obstacles et des difficultés. Mais il ne faut pas changer de direction à chaque fois que nous rencontrons des vents contraires. Bien sûr, il faut rester pragmatique dans la manière de manager les personnes et les projets. Mais si vous voulez un conseil, le voici : ne faites jamais de compromis avec vos valeurs.
Henri Poupart-Large
1969 Naissance à Nancy
1992 Intègre la Banque mondiale, à Washington
1994 Revient en France, au ministère de l’Économie et des Finances
1998 Rejoint Alstom en tant que responsable des relations investisseurs et chargé du contrôle de gestion
2000 Directeur financier du secteur Transmission & Distribution
2003 Entrée de l’État français au capital d’Alstom
2004 Directeur financier du groupe
2010 Président du secteur Grid
2011 Président du secteur Transport
2014 Rachat de la branche Énergie par l’américain GE
2016 PDG d’Alstom
2019 Projet de fusion Alstom-Siemens
2021 Acquisition du Canadien Bombardier Transport
2022 Le carnet de commandes du groupe à 86 milliards d’euros, un record
Paul Berlemont (H.24)
Passionné de géopolitique, Paul fait partie de l’association KIP qui édite le journal étudiant de HEC. Vice-président et responsable radio, il tient une rubrique associant podcasts et articles : Le Meilleur des mondes. Il a été président du club de handball HEC.
2020
Échange Erasmus en actuariat à l’université technique de Munich.
2021
Mission pour la start-up publique DossierFacile, portée par Beta.gouv.
2022
Stage de six mois en conseil en stratégie chez Corporate Value Associates.
Shailja GOEL (MBA.23)
Shailja a grandi et fait ses études d’ingénieure en Inde. Elle a travaillé cinq ans chez Alstom avant son MBA à HEC.
2017
Premier emploi chez Alstom, dans une usine indienne de fabrication de métro.
2019
Participe à des appels d’offres pour des projets de matériel roulant dans le monde entier. Effectue une mission à La Rochelle. Mène le développement d’un laboratoire de tests virtuels pour métros à Bangalore.
2022
Débute son MBA à HEC. Consultante au BCG à Dubaï, elle travaille pour un fonds souverain du Golfe sur un projet dans les énergies renouvelables.
Eliott Perrot (H.25)
Fan de basket, Eliott est intéressé par l’actualité, les questions environnementales et de société.
2017
Arbitre officiel diplômé de la fédération française de basket-ball.
2021
Tuteur pour le programme Genius de Fleur de Bitume, la plus grande association à vocation humanitaire d’HEC. Rédacteur pour KIP, le journal des étudiants d’HEC.
2022
Bras droit du PDG d’Holis, dont la solution simplifie le calcul des impacts environnementaux pour les produits de consommation. Voyage de quatre mois en Écosse entre Édimbourg et les Highlands.
Published by Thomas Lestavel