Gustave Emmanuel Roy, l’homme derrière HEC

Chères alumnies, chers alumnis, connaissez-vous l’existence même de Gustave Emmanuel Roy ? Eh bien voici une piqure de rappel sur celui qui a dessiné la grande école.
Né en 1823 dans une famille protestante de négociants rémois, Gustave Emmanuel Roy s’impose très tôt comme une figure incontournable du commerce et de l’industrie. À la tête de « Roy frères », il gravit les échelons d’un monde patronal encore fermé et devient l’un des plus ardents défenseurs du libre-échange. Sa réussite lui permet de rejoindre les cercles parisiens où se discutent les grandes orientations économiques de son temps.
Son véritable tremplin reste la Chambre de commerce de Paris, où il est élu en 1878. Dans ses Souvenirs publiés en 1906, il revient sur cette période avec une fierté assumée : « La chambre de commerce, réveillée de sa torpeur, s’était mise au travail ; j’étais aidé par des collègues énergiques et capables. » Dès son entrée, Roy imprime sa marque. Il s’oppose avec vigueur à l’instauration d’un impôt sur les matières premières, plaide pour la promotion de l’étalon-or et milite pour une refonte des tarifs ferroviaires. Sa voix porte. Il le rappelle lui-même : « Je fus à la chambre de commerce le défenseur des idées libérales ; j’étais appuyé par Lebaudy, Henri Fould, Carlhian et Pierson, et, pendant tout le temps que j’y ai siégé, ce souffle n’a cessé de m’animer. »
Le père d’HEC Paris
C’est dans ce cadre qu’émerge son projet le plus ambitieux : fonder une grande école de commerce à Paris. Dans ses mémoires, il l’écrit sans détour : « Je proposai d’en créer une troisième à Paris, supérieure comme études aux deux écoles existant déjà (Fondation de l’École supérieure de commerce de Paris, devenue l’ESCP qui est la plus ancienne école de commerce encore en activité et la Fondation de l’École supérieure de commerce de Rouen, devenue Neoma Business School en 2013) et qui devint l’’École des hautes études commerciales.’ » Avec l’énergie d’un bâtisseur, il suit chaque étape : l’acquisition du terrain de 12 000m² au 108 boulevard Malesherbes, l’élaboration des programmes qui mêlent droit, économie politique, chimie et comptabilité, le recrutement des meilleurs professeurs, mais aussi des voyages d’étude à Lyon et à Marseille pour s’inspirer des modèles existants.
Le 3 décembre 1881, c’est Gustave Emmanuel Roy, alors président de la Chambre de commerce, qui inaugure solennellement l’école dans le grand amphithéâtre, en présence du ministre du Commerce, M. Rouvier et du président du Sénat, M. Léon Say. Dans son discours, il tente de rassembler les divergences et note : « Je tâchai de ramener les dissidents et de rassembler mes troupes par un discours d’ouverture qui fut bien accueilli. » L’événement marque un tournant. L’École des hautes études commerciales de Paris s’impose dès ses débuts comme un symbole de modernité et d’excellence.
Cette consécration n’efface pas l’intensité du travail fourni. Roy lui-même en témoigne : « Je ne m’étais pas ménagé, j’avais besoin de repos ; dans ces deux années, outre les obligations de ma présidence, le travail tout le jour et le soir visites officielles, dîners qu’il me fallait accepter, discours que je devais préparer. » Mais son engagement est reconnu. Lorsqu’il reçoit la croix de commandeur de la Légion d’honneur, il dédie cette distinction à l’institution qu’il a servie : « Ce n’est pas moi que vous voulez récompenser par le grand honneur qui m’est fait, c’est la chambre de commerce tout entière. »

Inhumé au Père-Lachaise en 1912, Gustave Emmanuel Roy laisse derrière lui une institution qui, plus de 100 ans plus tard, continue d’incarner son ambition.
Published by Loane Gilbert