Flore Vasseur (H.97) au service de la jeunesse militante
Après avoir vécu à New York, où elle s’est lancée dans l’entrepreneuriat, et déjà auteur de plusieurs romans, Flore Vasseur (H.97) signe un documentaire choc sur la jeunesse militante, coproduit par Marion Cotillard. Entretien avec une femme de conviction.
En partant sur les traces de six jeunes engagés pour le climat, la liberté d’expression, la justice sociale ou l’accès à l’éducation, Flore Vasseur dresse le portrait d’une jeunesse combative, à l’image de Melati, 20 ans, qui milite ardemment pour interdire le plastique sur son île d’Indonésie. Bigger Than Us dresse aussi le constat amer d’un combat inégal, qui oppose les rêves d’une génération aux intérêts impérieux de l’économie, de l’industrie et du pouvoir politique.
HEC STORIES : Vous avez étudié la géopolitique avant d’intégrer HEC Paris. Quelle était votre motivation ?
Flore Vasseur : J’ai toujours voulu découvrir le monde et avoir un rôle dans son déploiement. Je voulais vivre à l’étranger, explorer et comprendre. Avec HEC, j’ai pris conscience que c’était possible. L’école m’a apporté la sécurité nécessaire pour oser entreprendre. J’ai changé plusieurs fois de carrières. Si avec un diplôme pareil, vous n’allez pas au bout de vos rêves, c’est indécent. Alors, j’ai créé une première société à 24 ans, je me suis installée à New York au moment de la première bulle internet. Puis, après le 11-Septembre, j’ai décidé de renoncer à cette vie et j’ai commencé à explorer le monde, et j’ai écrit un premier roman, Une fille dans la ville.
HEC STORIES : Dans vos livres comme dans vos précédents films, on retrouve souvent des personnages qui se battent contre plus forts qu’eux… Pourquoi ?
Flore Vasseur : C’est avant tout un désir d’aller à la rencontre de personnes courageuses. Toutes ces personnes qui doutent, qui dénoncent et qui agissent me rassurent. Elles m’aident à vivre. Mon travail aujourd’hui consiste à relayer leurs combats. J’espère intimement que les gens seront touchés à leur tour et que les choses changeront. En filmant Edward Snowden à Moscou, au-delà du cadeau de ses mots et du miracle de cette rencontre, j’avais l’impression d’aller au bout de ce que je pouvais faire, comme l’histoire ultime. Et cela n’a strictement rien changé. J’ai eu le sentiment de me heurter à un mur d’indifférence.
HEC STORIES : Bigger Than Us a été tourné aux quatre coins de la planète : au Liban, au Malawi, aux États-Unis, au Brésil, en Ouganda… Quelle personnalité ou expérience vous a particulièrement marquée lors du tournage ?
Flore Vasseur : Toutes sont exemplaires ! Mais je dois dire que j’ai été très touchée par le travail de Mary, cette jeune Britannique de 22 ans qui a entrepris de secourir les migrants en mer, au large de l’île grecque de Lesbos. Elle est emblématique de cette jeunesse européenne qui, par idéal, a décidé de sauver des vies plutôt que de prendre un café et manger du poulpe en terrasse, en faisant semblant d’ignorer ce qui se passe dans la crique d’à côté. Chaque année, son organisation accueille pléthore de jeunes. Et souvent, la grande question pour ces jeunes, c’est : « Comment je retourne dans la vraie vie après avoir vécu ce que j’ai vécu ici ? » C’est l’un des aspects passionnants révélés au cours du tournage : cette sorte de décalage troublant entre une jeunesse occidentale qu’on pourrait qualifier de « désactivée », et cette jeunesse-là, totalement engagée.
HEC STORIES : Pourquoi avoir choisi de faire la lumière sur ces jeunes combattants ? Ils représentent l’avenir pour vous ?
Flore Vasseur : Je ne sais pas de quoi est fait l’avenir. Mais ils sont le présent. Ils ont une conscience aiguë de l’injustice du monde comme de l’urgence climatique. Une étude publiée par The Lancet Planetary Health révèle que 58% des jeunes pensent que l’on ne s’en sortira pas. Pour eux, l’activisme n’est pas un choix : c’est une question de survie. La moindre des choses, c’est de faire connaître leur action. Mais, encore une fois, je ne pense pas avoir un grand pouvoir d’influence. Lorsque j’ai réalisé le documentaire sur Edward Snowden pour Arte, j’espérais donner envie aux gens de se révolter, de suivre son exemple. Ça n’a pas marché.
HEC STORIES : Qu’avez-vous envie de dire à la communauté HEC ?
Flore Vasseur : Qu’on a une responsabilité vis-à-vis de la jeunesse d’aujourd’hui, qu’on doit les aider à traverser cette période. Aujourd’hui, les dogmes du business tels que nous les connaissons ne fonctionnent plus. Il faut accepter de se remettre en question, de s’interroger sur notre utilité, en tant que parent, dirigeant ou citoyen. Ce film est aussi une interrogation sur notre jeunesse, celle qu’on a vécue, les rêves que l’on en a gardés.
Published by Daphné Segretain