Experte en fiscalité et en gestion de patrimoine, Rebecca Walser (Trium EMBA.22) est aussi une star du petit écran. Commentatrice politique sur Fox Business, elle alerte sur le futur des retraités américains.

Derrière ses imposantes boucles blondes retombant en cascade sur une robe bleu électrique, Rebecca Walser manie les chiffres vite et bien. Ses yeux bleus brillent et sa voix s’anime lorsqu’elle parle d’impôts. «J’adore l’économie. Pour moi, c’est le mariage du business et des mathématiques ! » Conseillère en fiscalité et en gestion de patrimoine, elle a aussi la fibre télévisuelle. Lors de ses interventions sur les chaînes américaines, elle expose les failles du système de retraite et du marché financier américains. Des thèmes qui lui sont chers et sont même devenus sa marque de fabrique.

Son cabinet Walser Wealth Management, spécialisé dans la gestion des grandes fortunes, a pignon sur rue – ou plutôt sur marina – dans la baie de Tampa, en Floride. Les bureaux surplombent une place bordée de palmiers. Au mur, des affiches déclinent des mots-clefs tels que « réussite », « discipline » et « persévérance » en guise de mantras. Ici, la devise est pourtant de « Défier la sagesse de la convention ». Bienvenue dans le royaume d’une fiscaliste à « contre- courant ».

À première vue, Rebecca Walser a tout pour incarner le stéréotype de la femme américaine, mais son histoire personnelle a des ramifications au-delà des frontières. « Je suis fille de militaire », précise-t-elle avec un sourire. Elle a vu le jour sur la base navale de Sasebo, au Japon. Son père, officier dans la Marine, vivait sur un modeste salaire avec sa femme et ses quatre enfants. Rebecca garde un souvenir précis de sa première histoire d’argent. Un jour, alors qu’elle a quatre ans, elle se rend compte que la lumière de la salle de bains familiale de Virginia Beach ne fonctionne plus. « Je me souviens d’avoir levé et abaissé l’inter- rupteur encore et encore. Ma mère m’a pris par la main et m’a conduite vers mon père. Je pensais qu’ils allaient me punir pour avoir cassé la lumière. Mais ils m’ont fait asseoir et m’ont parlé de factures. » Malgré leurs origines aisées, ses parents étaient « des catastrophes financières ». Petite fille, elle se souvient avoir pensé : « Je vais tout faire pour comprendre comment marche cette chose qu’on appelle l’argent. »

 

En Floride, où sa famille s’est installée à la fin des années 1980, Rebecca est une étudiante assidue. Elle obtient son diplôme en finance de l’Université de Floride du Sud avec les plus hautes distinctions, et commence sa carrière dans le conseil financier chez Pricewaterhouse. Depuis les États-Unis, elle répond à un directeur associé des services financiers du siège londonien. «J’ai gardé une grande affection pour Londres, dit-elle. Les cinq premières années de ma carrière, je ne travaillais pratiquement qu’avec des Européens. »

Un conseil de mauvais augure

Poussée par une envie d’indépendance, elle renchérit avec un doctorat en sciences juridiques de l’Université de Floride et un diplôme de haut niveau en droit fiscal à l’Université de New York. Elle exerce à son retour en tant qu’avocate dans un petit cabinet de Tampa. « Je faisais beaucoup de révisions de contrats pour des familles fortunées dont les enfants étaient accros à toutes sortes de vices : drogue, jeu, etc., se souvient- elle. C’est assez fréquent dans les milieux très aisés. Il faut trouver un moyen de donner à ses enfants toutes les chances de réussir sans qu’ils se croient tout permis. »

 

Un jour, au cours d’un rendez-vous dans la salle de réunion d’un client, elle entend un gestionnaire financier prodiguer des conseils qu’elle juge ineptes. « Il évoquait un plan de retraite où l’on peut placer 2 millions de dollars par an avant impôts. Les entre- preneurs accumulent des millions sur ce genre de comptes en pensant qu’ils évitent le taux d’imposition le plus élevé, soit 37 % aux États-Unis, et qu’ils seront dans une tranche inférieure au moment de la retraite. » Or ces placements, ainsi que leurs intérêts, seront taxés comme un revenu ordinaire lors de leur retrait. Et dans un contexte où 99 % des baby-boomers américains seront à la retraite d’ici à 2028, il y a de grandes chances que la réglementation fiscale évolue : pour financer les allocations retraite garantie par la Social Security américaine, les taux d’imposition pourraient « atteindre 63 % pour la classe moyenne, selon une analyse du gouvernement fédéral. C’était un conseil stupide. Je me souviens avoir enfoncé mes talons dans la moquette. Mais je n’étais que l’avocate fiscaliste. »

 

401(k), la Fed et Wall Street

Suite à cet épisode, elle ouvre son propre cabinet en 2015 afin d’aborder à la fois la question des impôts et celle des ressources financières. « Nous avons rendu les gens dépendants au “payez-moi maintenant, je paierai le gouvernement plus tard” », déplore-t-elle. Un couperet fiscal qui, selon elle, pourrait déclasser certains Américains à la fin de leur vie.

Le système de retraite aux États-Unis repose sur des plans d’épargne défiscalisés très populaires appelés 401(k), sur lesquels les employés versent une part de leur salaire brut, à laquelle s’ajoute une participation proportionnelle de leur employeur. Par exemple, si un salarié met un dollar de côté, l’entreprise abonde de 50 centimes. De « l’argent gratuit », comme ils disent outre-Atlantique. Investi en portefeuille d’action, cet argent est déblocable aux 59 ans de l’épargnant et imposable à son retrait. « J’essaie de faire comprendre aux gens vers quoi nous nous dirigeons. Il faudra bien payer la facture démographique, comme en Europe. »

Des sujets d’alerte, Rebecca Walser en a beaucoup. Elle pointe le manque de rigueur du BLS (Bureau of Labor Statistics, l’équivalent américain de l’Insee), les rapports d’influences entre la Fed et Wall Street, ainsi que la confiance aveugle des Américains en la souveraineté du dollar. Craignant une crise imminente dans un pays surendetté et dispendieux, cette aficionada d’Adam Smith et de Milton Friedman passe les données au peigne fin et traque l’excès d’optimisme. Et les gens aiment ça.

Avec son franc-parler, Rebecca, mère de quatre enfants, est très populaire auprès du public. Invitée récurrente sur la chaîne de télé locale, elle écrit sa philosophie dans un livre baptisé Wealth Unbroken, paru en 2018. Un succès, classé numéro un des ventes sur Kindle dès le premier jour, épuisé sur Amazon après une semaine. Poussée par sa maison d’édition, Atlantic Publishing, elle se lance dans une tournée promotionnelle à travers le pays. Un road trip durant lequel elle promeut son livre en direct sur Cheddar, une chaîne spécialisée en business et streamée en live depuis le Stock Exchange de New York. Son inter- vention est diffusée sur les écrans des salles d’attente des aéroports new-yorkais. C’est là que sa future attachée de presse la repère, entre deux avions. « Rebecca a-t-elle déjà fait de la télévision ?, demande- t-elle à son cabinet. Je peux la faire passer sur une chaîne nationale. »

Après des débuts sur Yahoo Finance, Rebecca Walser a fait plus d’émissions en six ans qu’elle ne peut s’en rappeler. L’experte fiscale commente actuellement les primaires américaines sur la chaîne d’actualités conservatrice Fox Business et partage désormais son temps entre Tampa et New York. Multicanale, elle anime aussi un podcast à succès appelé « Crashes and Taxes », et revendique plus de 747 000 abonnés sur Instagram. Son équipe a même commencé à publier du contenu fiscal éducatif sur TikTok ! D’où vient cet engouement ? « Les gens sont à la recherche de personnalités qui parlent des faits de manière concise, sans filtres et sans détour », analyse-t-elle.

S’ouvrir au monde avec un Trium EMBA

Maquillage toujours impeccable lorsque la caméra tourne, Rebecca Walser met un point d’honneur à soigner son apparence. Elle note cependant qu’une femme aux cils extra-longs qui parle de finance, cela fait encore lever les yeux au ciel. « Je vois souvent des couvertures de magazines avec un homme en costume, assis à son bureau, look poivre et sel très sophistiqué. En tant que femme, je me fais une beauté avant de prendre une photo à mon bureau et je reçois des commentaires du style : “Pourquoi essaie-t-elle de se rendre attirante ?” Mais j’essaie juste d’être moi- même ! Les voix des femmes sont importantes. Nos perspectives sont différentes de celles des hommes et nous avons besoin qu’elles soient entendues. » Par le passé, elle a consacré de nombreuses heures à aider les victimes de violences domestiques à titre bénévole. Un sujet qui lui tient à cœur. « J’ai fait l’expérience d’une relation abusive, confie-t-elle. J’ai pu me sortir de cette situation, mais je vois des femmes qui sont économiquement désemparées et n’ont pas les ressources pour partir. »

Préoccupée par les « évolutions macro-économiques mondiales », la fiscaliste décide en 2020 de s’inscrire au Trium EMBA, un prestigieux programme conjoint à HEC Paris, l’Université de New York, et la London School of Economics. « Je faisais déjà partie des anciens de NYU, j’adore Londres, et je me suis rendu compte du poids de HEC Paris dans le monde des affaires en faisant des recherches. Ce fut une évidence.» L’expérience lui a permis de rencontrer l’une de ses meilleures amies, l’entrepreneuse Courtney Spaeth, et de se mettre à la page en géopolitique et en technologies émergentes. « À elles seules, les sessions sur l’IA valaient le diplôme », estime-t-elle.

Cette éternellement étudiante pourrait à l’avenir se laisser tenter par un doctorat en économie. « C’est une idée qui m’attire. Mais aujourd’hui, j’apprends le côté trading des opérations, afin de maximiser les profits pour nos investisseurs. » Classée parmi les 10 meilleurs conseillers financiers américains par Investopedia en 2023, Rebecca trouve pourtant difficile d’inculquer la valeur de l’argent à ses enfants. « Un véritable défi. »

Les USA, prêts pour l’ESG ?

L’État de Floride a retiré 2 milliards de dollars d’investissements des mains de BlackRock en 2022. Son gouverneur, Ron DeSantis, a interdit la vente d’obligations ESG en juin dernier. Résidant en Floride, Rebecca Walser est une libertarienne qui se déclare sceptique vis-à-vis de l’ESG. « Bien sûr, je veux protéger l’environnement et vivre sur une planète saine pour les générations à venir. Mais regardez les résultats du portefeuille ESG de BlackRock aux États-Unis: ils sont inférieurs à ceux d’autres fonds ETF. Cela complique les choses pour des gens comme moi, qui cherchent à maximiser les rendements. Si je choisis le véhicule ESG, mon client sera mécontent parce que son voisin aura gagné plus d’argent. » En tant qu’avocate, elle souligne qu’une transition vers des produits ESG est difficile pour des raisons d’ordre juridique. « Aux États-Unis, Les conseils d’administration ont l’obligation légale de maximiser la valeur pour les actionnaires. Jusqu’à ce que nous désignions la Terre comme actionnaire de chaque entreprise, l’ESG posera donc problème », explique-t-elle.

©Photos : Rebecca Walser / Walser Wealth Management

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