Michael Schwartz (H.10), 37 ans, est un entrepreneur social spécialisé dans la création de tiers lieux. Après le succès de La Cordée, une entreprise de coworking en France, il est tombé amoureux de Montréal, où il a créé Les Affûtés, un projet visant à renouer avec les compétences manuelles. Il vient de remporter le prix Mercure de HEC pour sa vision.

Comment a commencé votre parcours entrepreneurial ? 

 Quand j’étais à HEC, mon rêve était de voyager. Après avoir obtenu mon diplôme en entrepreneuriat, je suis allé au Brésil pour créer une filiale pour une petite entreprise française. C’est là que j’ai découvert que j’avais un seuil éthique très élevé. Aujourd’hui, l’entrepreneuriat à impact est vraiment important, mais il y a dix ans, j’étais l’un des rares à en être obsédé. Quelles sont mes valeurs ? Quel impact avons-nous sur le monde ? Même en travaillant pour de petites entreprises, je ne me sentais pas toujours bien avec les décisions que les gens voulaient que je prenne. Je me suis dit : soit je reste ici et je deviens fou, soit je crée ma propre entreprise. 

J’ai parlé à Julie Pouliquen (H.11) et nous avons découvert que nous étions très complémentaires pour diriger un projet dans le domaine du coworking, car nous avons constaté que l’isolement et la solitude étaient un gros problème en France et en Europe à l’époque. J’avais 24 ans. La Cordée a été la première entreprise que j’ai créée. Et je n’ai jamais regardé en arrière car j’ai adoré ça. 

 Quelle est votre vision de l’entrepreneuriat ? 

 Certaines personnes sont vraiment douées pour créer une entreprise à grande échelle. Pour ma part, je m’épanouis dans l’incertitude, au début du projet lorsque l’on ne sait pas quelle direction prendre. C’est à ce moment-là que je me sens vivre. Quand j’étais à la tête de La Cordée, j’ai créé un studio de yoga inspiré de ce que j’ai vu à Montréal. J’ai réalisé que j’aimais vraiment avoir plusieurs entreprises en même temps. J’ai déménagé au Canada en 2018 et j’ai créé une première entreprise, puis une deuxième, et maintenant je suis sur le point d’en créer une troisième. Pouvoir passer constamment d’un projet à un autre me procure plus d’inspiration pour les autres, ça m’apporte beaucoup plus de bonnes idées.  

Avoir un impact sur le monde

Pour moi, un entrepreneur est quelqu’un qui est là pour donner de l’énergie aux autres et inspirer, mais inspirer signifie apporter tout le temps de nouvelles idées géniales. Et avant cela, l’entrepreneuriat est vraiment le meilleur moyen d’avoir un impact sur le monde. À mon avis, lorsque l’on fait HEC, on a le droit de voyager, de faire des choses intéressantes, de s’enrichir, mais on a aussi des devoirs. Si nous ne changeons pas les choses autour de nous, personne ne le fera. L’esprit d’entrepreneuriat consiste à pouvoir changer le monde de la manière la plus efficace possible. 

L’idée derrière Les Affûtés, votre entreprise d’ateliers DIY à Montréal, est-elle issue d’une expérience personnelle ? 

Les Affûtés porte sur la redécouverte des compétences manuelles. Pouvoir fabriquer et réparer des choses : menuiserie, vélo, couture… Il s’agit de lutter contre le consumérisme. Dans ma vision, vous vous attachez à ce que vous construisez et vous le gardez toute votre vie. Nous sommes une entreprise certifiée B Corp, nous évaluons l’impact que nous avons sur les personnes et nous constatons qu’elles changent leurs habitudes ! C’est incroyable de pouvoir faire cela. Quand j’étais à la tête de La Cordée et que je créais le studio de yoga en parallèle, je prenais chaque vendredi matin de congé pour apprendre la menuiserie car je voulais me sentir à nouveau débutant. Je n’aimais pas le rôle d’expert que j’avais à La Cordée. 

« Faire quelque chose avec vos mains donne confiance en vous »

 J’ai été tellement valorisé par l’expérience de construire des choses par moi-même. Je suis capable de construire des jouets pour ma fille. Nous sommes tout le temps avec nos smartphones et nos ordinateurs portables et nous nous sentons mal à l’aise car si notre t-shirt a un trou ou si notre table se casse, nous nous sentons mal, désemparés. Et cela engendre une sorte de désespoir. Si vous pouvez faire quelque chose avec vos mains, réparer votre vélo ou cultiver des plantes, cela vous donne confiance en vous. Je veux créer un espace où tout le monde se sent le bienvenu, même les débutants qui ne savent pas se servir d’une perceuse. 

La demande était là dès le début. Cela va bien au-delà de notre génération. Beaucoup de personnes âgées sont vraiment heureuses parce qu’elles se sentaient gênées de ne pas savoir fabriquer elles-mêmes des choses. 70% des personnes qui viennent sont des femmes. Nous avons des projets spécifiques avec des personnes sans-abri ou autistes. Nous travaillons avec des écoles, des bibliothèques et nous venons de faire un partenariat avec un musée pour organiser des ateliers en parallèle d’une exposition. C’est vraiment amusant. 

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