Nina Sesto (MBA.16) et Ines Knežević (MBA.18) ont créé un assistant médical dédié à la santé cardiovasculaire appelé MEGI. Cette solution évolutive pilotée par l’IA pourrait améliorer le parcours des patients et aider les médecins dans le suivi et le diagnostic. 

C’est un sujet qui leur tient à cœur. Nina Sesto (MBA.16), née en Croatie dans une famille de cardiologues, a étudié la biologie moléculaire et mené des recherches en génétiques. Ines Knežević (MBA.18), venue de Bosnie pour suivre des études en France, a perdu son père à 20 ans, des suites d’une maladie cardiaque chronique. Les deux jeunes femmes se sont associées pour créer MEGI Health, une solution digitale de suivi des patients atteints de troubles cardiovasculaires. 

Le parcours professionnel de Nina Sesto est intimement lié à son histoire personnelle. Dans les années 1990, sa famille a fondé la Clinique universitaire Magdalena, le premier hôpital spécialisé dans les maladies du cœur en Croatie. « Mon père, un chirurgien pionnier en cardiologie, a ouvert ce centre privé il y a près de trente ans », explique-t-elle.
Attirée par l’innovation et la recherche en médecine, Nina Sesto est diplômée en biologie moléculaire de l’Université de Zagreb et a obtenu un doctorat à l’Université Paris Cité en menant des recherches fondamentales à l’Institut Pasteur sur la régulation de l’expression des gènes par l’ARN et le CRISPR-Cas9. 

Mais elle se rend vite compte que l’exercice de la recherche scientifique présente des limites, et ne permet pas de développer des innovations. « Il y a un énorme écart entre ce qui se passe dans les laboratoires et ce qui se passe dans la vraie vie, souffle-t-elle. En tant que chercheur, vous publiez les résultats de vos recherches, et votre motivation, c’est que votre publication ait le plus d’impact possible. Ensuite, d’autres personnes se chargent d’appliquer, normaliser et réglementerles innovationspourlesmettre sur le marché. » Pour mettre ces personnes en relation, elle décide de s’inscrire en MBA. 

En 2015, HEC Paris et la Wharton School lance un programme conjoint. Ce sera pour elle l’occasion de se lancer dans un voyage mémorable : engagée par l’Institut de recherche sur le cancer Dana-Farber, Nina et une petite équipe d’étudiants sont envoyées en Afrique subsaharienne, au Sénégal et au Ghana, pour y développer des procédés innovants pour le traitement du cancer. « Mon rôle était de déterminer comment nous pouvions utiliser les technologies numériques pour aider ces pays », explique-t-elle. Elle se rend vite compte que les solutions digitales ne peuvent être ni rentables ni efficaces si elles ne sont pas relayées par des médecins disponibles sur place.
« J’ai donc pensé que nous pouvions utiliser l’IA pour répondre aux sollicitations simples et aux demandes d’informations, et nous appuyer sur des consultations de télémédecine, à distance, en développant un modèle facilement réplicable partout. » C’est à ce moment-là qu’elle décide de s’intéresser véritablement aux solutions de santé numérique.  

De retour en Croatie, Nina Sesto entreprend de transformer la clinique Magdalena en un laboratoire pour sa solution. Avec 25 000 patients et de nombreux médecins, l’établissement paraît tout à fait adapté à la réalisation du projet. « Pour développer une solution digitale, nous avons besoin de médecins, de patients, d’infirmières, de psychologues, d’informaticiens et d’experts en IA. Nous pouvons utiliser cet hôpital pour réunir tous les acteurs. » C’est ainsi que MEGI Health voit le jour en 2022, grâce à la réunion d’experts en technologie et de professionnels de santé. Le père de Nina, spécialiste reconnu en cardiologie, participe activement à l’élaboration du projet et utilise lui-même MEGI pour le suivi de ses patients. 

De son côté, Ines Knežević (MBA.18) a quitté la Bosnie-Herzégovine dévastée par la guerre à l’âge de 18 ans. Elle passe un diplôme en statistiques et en économétrie à l’Université de Ljubljana, en Slovénie, avant de s’installer en France, à Paris, où elle vit depuis douze ans. Nina et Ines se sont rencontrés sur les bancs d’HEC, lors de leur MBA, puis se sont perdues de vue. Ines a mené une brillante carrière : responsable marketing de L’Oréal, éducatrice spécialisée pour l’armée française, puis professeur de marketing, de communication et de gestion de marques à l’école de commerce Neoma. Elle fait ses premiers pas le secteur de la santé en 2021, chez Soter Analytics, une start-up qui utilise l’IA pour prévenir les blessures musculosquelettiques, dirigée par un camarade de promotion. Lorsqu’elle recroise le chemin de Nina, elle se sent aussitôt concernée par son projet pour le personnes souffrant de problèmes cardiovasculaires. Au regard de sa propre histoire familiale, « rejoindre ce projet relevait de l’évidence. » 

À l’âge de 20 ans, alors qu’elle est encore étudiante, elle accompagne son père, qui souffre des douleurs thoraciques sévères dues à une maladie cardiaque chronique à l’hôpital de Sarajevo. « Cela a marqué le début d’une série d’hospitalisations, avec son corollaire de traitements divers, de périodes de dépressions post-hospitalisation… Après trois crises cardiaques, il est finalement décédé de cette maladie, explique Ines. Cette expérience a soulevé pour moi des questions profondes sur la qualité de vie et le suivi des personnes atteintes de pathologie chronique. » 

« Ce que nous pouvons faire à l’hôpital représente 1% de ce que le patient va vivre, renchérit Nina Sesto. Dans le cas des maladies chroniques, les patients sont seuls 99% du temps. Il devient dès lors difficile de garantir une cohérence et une traçabilité dans le parcours de soins. » Leur ambition : améliorer le parcours du patient et faciliter les échanges d’informations avec l’hôpital.  

MEGI, le bot conversationnel qu’elles ont mis au point, utilise l’intelligence artificielle pour surveiller l’état de santé des patients et anticiper les périodes de crise. Le dialogue entre les malades et MEGI se fait grâce à Infobip, une technologie permettant de communiquer sur tous les canaux disponibles, de Messenger à l’e-mail. Une écrasante majorité des utilisateurs se connectent à MEGI en passant par WhatsApp. 

Une fois qu’ils ont communiqué à MEGI leurs données médicales (résultats d’examens, âge, poids, etc.), l’intelligence artificielle se charge de les analyser pour prodiguer des conseils aux patients. L’IA est capable de mener de nombreuses conversations sur la santé cardiovasculaire dans une optique de prévention et de pédagogie, en expliquant la signification des diagnostics. MEGI permet également aux utilisateurs de rester en contact avec leur médecin et leur clinique 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. « Vous allez enregistrer votre tension artérielle quotidiennement. MEGI va ensuite vous fournir un graphique avec tous les résultats chaque fois que vous avez un rendez-vous avec le médecin », explique Ines. 

Depuis sa création, la solution MEGI Health a été testée par plus de 5 000 patients et elle est déployée dans cinq autres établissements de santé en Croatie. « Les patients utilisent l’IA 27 jours par mois, déclare Nina, se félicitant de chiffres très encourageants. Nous travaillons avec les pharmacies comme canal de distribution et nous collaborons avec plusieurs entreprises pharmaceutiques. » 

Selon la start-up, plus de 10 millions de nouveaux cas de maladies cardiovasculaires sont diagnostiqués chaque année en Europe. Malgré un contexte difficile pour la finance internationale et « d’énormes préjugés » envers les entrepreneures féminines, Nina et Ines ont bon espoir de lever des fonds pour développer la solution MEGI dans l’Union européenne, où le coût des maladies cardiovasculaires avoisine les 200 milliards d’euros. 

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