À Marseille, « Oh faon ! » est une expression familière qui exprime la surprise. C’est aussi le nom d’une pâtisserie végan et originale. En cuisine, Kevin Yau et Jérôme Rafaelli concoctent d’étonnantes recettes sucrées, avec des produits de saison. Le fruit d’une savoureuse rencontre. 

 « Jérôme et moi avons toujours aimé faire des gâteaux, explique Kevin. Il se trouve que l’on vient tous les deux de familles qui adorent la cuisine et la nourriture : on est bercé depuis l’enfance par le monde de la gastronomie ». Et c’est pourtant sur un plateau de cinéma que les deux garçons se sont rencontrés pour la première fois. « À l’époque, je travaillais dans l’audiovisuel et lui était à la mise en scène. Plus tard, j’ai rejoint le conseil. Mais quand il a décidé de créer une pâtisserie, j’ai quitté mon job pour le rejoindre. Mon rêve d’enfant a toujours été d’ouvrir un restaurant. Aujourd’hui, on tient la boutique ensemble. »  

Tout plaquer par passion 

C’est ainsi que Kevin abandonne Paris pour rejoindre la cité phocéenne. L’histoire d’Oh Faon est donc celle d’une double reconversion : Jérôme, assistant réalisateur, et Kevin, consultant en marketing digital, se lancent en tandem derrière les fourneaux.  

Ce changement de vie, Kevin ne le regrette pas une seconde. « Le conseil est un métier que j’ai adoré, j’ai rencontré plein de personnes différentes et le monde de l’entreprise me passionne, mais j’ai aussi une attache importante avec le terrain : j’aime faire des choses de mes mains. Avec mon penchant pour la gastronomie, cette reconversion m’est apparue comme une évidence ! » Ce n’est pas en école de commerce qu’on apprend à peaufiner une recette de cuisine ou à tourer une pâte feuilletée. Kevin a dû se retrousser les manches et « mettre la main à la pâte pour apprendre sur le tas ».  
Mais pâtissier, c’est aussi un métier de commerçant. « Quand nous avons ouvert Oh Faon !, j’étais seul à la vente. Ça m’a beaucoup plu, parce que j’avais besoin d’être en contact avec les clients. C’est une expérience enrichissante, qu’on n’a hélas que rarement dans les métiers classiques du tertiaire… », confie-t-il. De sa formation à HEC, il a gardé une discipline et un sens de l’organisation qui lui sont d’une grande aide pour faire tourner la boutique.  

Douceurs éthiques 

Si leurs pâtisseries d’Oh Faon sont exclusivement composées d’ingrédients végétaux et bio, la boutique ne communique pas particulièrement sur son caractère végan 

« Le terme “vegan” n’est affiché nulle part dans la boutique, assure Kevin. Il y a juste écrit “Pâtisserie végétale” sur la porte, mais personne n’y prête attention. On est parti du principe que les végans savent qu’on existe donc ils viennent nous voir. Mais notre objectif est de surprendre, de faire des gâteaux qui vont plaire autant aux végans qu’aux autres. »  

Concernant la provenance de ses ingrédients, la boutique fait preuve de transparence : des produits issus d’un circuit court et local et des fruits cultivés dans un rayon de moins de 100 km. « C’est un vrai luxe, puisque les fruits sont cueillis à pleine maturité, ils ne sont pas importés. Il est ainsi possible de réduire la teneur en sucre de nos préparations », explique le pâtissier engagé.  

Consommer local, oui, mais de saison aussi ! Même si, pour certains clients, ne pas trouver de tarte à la framboise en plein hiver est dur à avaler, le couple pâtissier est intransigeant sur ce principe ! « En cuisine, l’idée de la saisonnalité s’est imposée assez facilement, tout le monde comprend qu’on ne mange pas de tomates en décembre. Dans le domaine de la pâtisserie, c’est plus compliqué, les clients ont plus de mal à l’accepter… C’est pourtant primordial de respecter les saisons, ne serait-ce qu’en termes de coûts, mais aussi de goût ! Le vrai luxe, c’est de manger des fruits qui ont mûri dans les champs, ce n’est pas d’avoir des fraises en hiver… », déplore-t-il. Un engagement pour l’environnement qui permet aussi aux pâtissiers de renouveler leur carte au gré des saisons.  

« Plutôt que de parler de végan, on préfère parler d’éthique. » Et ce sens de l’éthique est un vrai sacerdoce : pour imaginer des recettes sans aucune substance d’origine animale, les deux marmitons ont bûché pendant longtemps. « On y a passé un an et demi. Remplacer le beurre, le lait, les œufs ou encore la gélatine par des ingrédients d’origine végétale a été un énorme travail de R&D ! Lorsqu’on a ouvert, en 2017, la pâtisserie végétale était balbutiante. Il n’y avait ni recettes, ni formation. Mais nous savions où nous voulions aller : nous voulions créer des recettes originales, aux textures et aux saveurs uniques ! »  

Jeunes et célèbres 

Un pari exquis, et largement réussi, puisqu’en septembre dernier, ce labeur sans beurre a été reçu le Prix mondial de la pâtisserie de la responsabilité éthique et environnementale ! « Être nommés a été un choc ! On ne met pas souvent la province en lumière et encore moins dans le domaine de la pâtisserie végétale. En plus, on est encore des bébés dans le monde la pâtisserie : on a eu notre CAP il n’y a pas si longtemps… Mais le bouche-à-oreille et le soutien de nos pairs pâtissiers, dont Pierre Hermé, nous ont beaucoup aidés à nous faire connaître, confie Kevin avec fierté. Cette distinction a été pour nous un honneur et une grosse caisse de résonance au sein des communautés végan ou bio… » 

Et l’avenir d’Oh Faon réserve encore quelques surprises, puisque les deux pâtissiers sont actuellement en train de reconstituer des recettes historiques pour les besoins d’une série culinaire actuellement en tournage. À suivre… 

Deux pâtisseries phares d’Oh Faon ! 

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