De l’Huile Absolue aux rayons du Golfe : l’odyssée entrepreneuriale de Patyka

C’est dans les presque célèbres bureaux parisiens du groupe Finoli, père de Patyka, que nous avons rencontré Pierre Juhen (H.08), l’un des cofondateurs de la marque de cosmétiques bio et haut-de-gamme. Entre leur institut, leur labo et leurs écoles, quatre étages sont ciglés Patyka. En costume élégant, ce tout jeune grand dirigeant revient pour HEC Stories là où tout a commencé. Rencontre.
Une rencontre sur le campus
Tout commence sur les pelouses d’HEC, au détour d’un match de rugby. Pierre Juhen et Grégory Declercq (H.08), tous deux fils de militaires, se découvrent des parcours parallèles et une ambition commune : bâtir un groupe industriel français. « C’est avant tout une rencontre, insiste Pierre Juhen. Un coup de cœur de valeurs. Nous venions de familles modestes mais nous avions en tête l’idée de créer un groupe sur le long terme, sans encore savoir comment. »
Le duo s’essaie d’abord à l’entrepreneuriat étudiant avec Megopack, une start-up qui créa les premiers cendriers écologiques. Puis, au sortir de l’école, ils lancent un projet de croissance externe dans l’éducation, en reprenant l’école d’esthétique Sylvia Terrade, à Lyon. Le groupe passera de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires à 20m€ d’Ebitda avant d’être revendu en 2020. Mais au même moment, une autre aventure se dessine : celle de Patyka.
La reprise d’un pionnier du bio
Créée en 2002 à Paris, Patyka est la première marque française de cosmétiques certifiée bio. Lorsqu’elle est rachetée en 2013 par Finoli — le groupe fondé par Pierre et Grégory, rejoints peu après par Alexandre Benamran — elle ne pèse que 500 000 euros de chiffre d’affaires et reste cantonnée aux circuits spécialisés (Biocoop, Naturalia et consorts). « Il y avait des formules iconiques et surtout une idée forte : prouver qu’on pouvait faire du bio haut de gamme, explique Pierre Juhen. À l’époque, la clean beauty n’existait pas encore. Nous étions quasiment les seuls à proposer des produits certifiés, avec des contraintes bien supérieures à celles du simple “naturel”. »
La certification impose des formules composées à 95 % d’ingrédients naturels et à 20 % issus de l’agriculture biologique — des seuils largement dépassés par Patyka, avec 99 % et 40 % en moyenne. Dès l’origine, la marque pousse aussi plus loin l’écoconception, avec des packagings entièrement recyclés et recyclables.
Des soins techniques et made in France
La vraie bascule survient avec la refonte totale des formules. Patyka se positionne dans le segment du soin technique, notamment l’anti-âge, un terrain alors dominé par la cosmétique conventionnelle. « Nous ne voulions pas que les femmes aient à choisir entre efficacité et naturalité, martèle ce dirigeant. Notre pari a été de prouver que le bio pouvait rivaliser avec les meilleurs standards du marché. »
En 2015, le Sérum Repulpant Fondamental et le Masque Lift Pro-Collagène s’imposent en pharmacie, chacun devenant numéro un de sa catégorie. Aujourd’hui, le catalogue compte plus de soixante formules complexes, développées dans le laboratoire interne créé à Paris il y a cinq ans. Le choix du “made in France” est revendiqué : la moitié des ingrédients provient de l’Hexagone (abricot, amande…), tout comme les articles de conditionnement. « C’est un choix coûteux, mais il fait partie de l’identité de la marque », soulignet-il.
Une distribution sélective
Patyka a aussi construit son succès sur des choix de distribution exigeants. La marque est présente dans 1 200 pharmacies françaises — parmi les 1 500 plus grandes du pays — ainsi que dans les grands magasins et chaînes sélectives comme Oh My Cream, Monoprix ou Marionnaud. « À chaque fois, nous faisons des choix qui requièrent des investissements lourds et coûteux, mais assumés. C’est grâce au groupe Finoli que nous avons pu financer cette croissance sans lever de fonds. Nous sommes restés 100 % indépendants », insiste Pierre sereinement.
Croissance et diversification
En douze ans, le pari est réussi : Patyka affiche aujourd’hui 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre moins de 500 000 euros lors de son rachat. La croissance moyenne depuis 2013 atteint 40 % par an. Le groupe Finoli ne se limite pas aux cosmétiques. Outre ses débuts dans l’éducation, il a développé School of Arts, qui regroupe plusieurs écoles créatives et musicales (3 000 élèves, 25 M€ de chiffre d’affaires). Il a aussi fait une incursion réussie dans les compléments alimentaires, avec Nutrimuscle, marque revendue en 2022 après avoir multiplié son chiffre d’affaires par huit.
Une ambition internationale
Si 60 % des ventes de Patyka restent réalisées en France, l’international prend de l’ampleur. 25 % passent par les filiales en Italie, Espagne, Suisse ou Belgique. Le reste provient de joint ventures et de distributeurs locaux. Dernière avancée stratégique : une coentreprise avec le groupe Chalhoub pour déployer la marque dans les pays du Golfe. « Nous venons de lancer Patyka en Arabie saoudite, dans la plus grande chaîne de pharmacies, Al Nahdi. C’est un tournant majeur », explique cet alumni au réseau international.
Cap sur la neutralité carbone
Engagée dès l’origine, la marque a renforcé sa politique RSE. Entre certifications bio, label B Corp et statut d’entreprise à mission depuis 2022, Patyka affiche un objectif clair : la neutralité carbone d’ici 2030. Cela passe par une électrification de la flotte commerciale, un sourcing toujours plus local et des analyses de cycle de vie produit. « C’est central pour nous. Faire une belle formule ne suffit pas si l’emballage ou la chaîne d’approvisionnement trahit vos engagements », résume le cofondateur d’une marque qu’on n’a pas fini d’appliquer.
Et après ?
Forte d’une croissance régulière et d’un positionnement unique entre efficacité et naturalité, Patyka vise désormais à consolider son statut de marque française indépendante du soin premium. L’extension dans le Golfe, couplée aux marchés européens stratégiques, ouvre une nouvelle phase de développement.
« Nous restons des développeurs d’entreprises, plus que des créateurs de marques, conclut Pierre Juhen. Patyka montre par son histoire qu’avec de la cohérence et du temps long, on peut faire émerger une marque française forte à l’international. »

Published by Daphné Segretain