Selon une étude réalisée en octobre par l’Ifop, 73% des Français considèrent que la lutte contre l’inflation menée par les pouvoirs publics est une priorité. On observe également un décalage entre la réalité des chiffres et le ressenti. Marc Vanhuele nous apprend que peu de consommateurs perçoivent clairement l’inflation en raison d’une faible connaissance des prix.

Parmi vos études sur la connaissance que les consommateurs ont du prix des produits qu’ils achètent fréquemment, quelles ont été vos observations ?

Pour percevoir correctement une inflation, il faut avoir vu et retenu le prix d’un produit. Sinon, vous serez incapables de faire la comparaison. Or très peu de gens mémorisent les prix. J’ai mené différentes enquêtes en magasin : à la question « Combien ça coûte ? », seuls 2 % ont donné le prix au centime près et 20 % ont répondu avec une marge d’erreur de 5 %. En rayon, nous avons demandé aux consommateurs le prix d’un produit qu’ils venaient de prendre, sans regarder l’étiquette. Avec une marge d’erreur de 5 %, 30 % ont répondu. Donc 70 % n’ont même pas regardé le prix. Nous avons demandé aux consommateurs quittant la caisse le prix de cinq produits choisis aléatoirement dans leur chariot. Seuls 10 % étaient capables de le redonner au centime près. Et si on leur laisse une marge d’erreur de 5 %, ils ne sont que 26 % à donner une bonne estimation. Même pour les produits qu’ils achètent régulièrement, ils ne connaissent pas les vrais prix. Très peu sont donc capables de mesurer l’inflation sur la base de leurs propres achats.

Par quoi la perception de l’inflation est-elle influencée ?

Il y a inflation, car les médias disent qu’il y a inflation. Or une part importante de la population ne la perçoit pas dans ses propres achats. Certains vont baser leur perception sur ce que les médias disent et adapter ensuite leurs comportements. Au-delà, cette perception biaisée est due aux rumeurs et aux expériences marquantes. Lorsqu’on paie sa facture pour l’énergie, vu les montants, on va regarder ce qu’on a payé l’année précédente. Et comparer. Mais ce n’est pas représentatif. Et il ne faut pas oublier le contexte marqué par la réforme des retraites et la guerre en Ukraine. Les gens pensent à leur avenir, à leur pouvoir d’achat. Tout cela alimente une forte inquiétude.

Vous parlez d’adapter son comportement. Comment ?

L’institut Kantar a demandé comment les gens envisageaient de gérer l’inflation. Limiter les gaspillages alimentaires est sorti en premier (46%). Privilégier le « fait maison » arrive en deuxième position (44 %). Dans les achats effectifs, 37 % des Français sont allés vers des marques de distributeurs ; 35 % vers les surfaces discount. On manque de données pour affirmer à quel pourcentage le déclaratif s’accorde avec les vrais comportements.

Consumer Behavior. Applications in Marketing, de Robert East, Jaywant Singh, Malcolm Wright et Marc Vanhuele, éditions Sage, 2022 (4e édition), 55 €.

 

Marc Vanhuele

Professeur en marketing à HEC Paris, il enseigne le marketing et la gestion du prix. Ses recherches se concentrent sur le traitement du prix comme information par les clients et l’utilisation de mesures quantitatives des prédispositions du client à l’achat. Il travaille aussi comme consultant en recherche du marché et comme expert-témoin dans les litiges.

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