Clémentine Piazza (H.08), la fondatrice lumineuse d’Inmemori : au service des vivants et des défunts
Dans un secteur encore bien trop souvent archaïque, Clémentine Piazza révolutionne le deuil et l’organisation des obsèques avec Inmemori. Présidente de la maison, elle conjugue empathie et modernité pour offrir un accompagnement unique aux familles en deuil. Rencontre avec une femme dont l’engagement éclaire un sujet souvent laissé dans l’ombre.
C’est au cœur d’un somptueux immeuble haussmannien du 16ᵉ arrondissement de Paris, que Clémentine nous donne rendez-vous. Situés au deuxième étage, les locaux d’Inmemori se dévoilent comme un véritable cocon, loin de l’austérité qu’on pourrait associer au métier de pompes funèbres. Dès l’entrée, on est accueilli dans un grand salon baigné de lumière naturelle, où les grandes baies vitrées laissent pénétrer les rayons du soleil, adoucissant encore l’espace. Ce lieu a été pensé pour que les familles puissent se retrouver autour d’une boisson chaude, appeler leurs proches, et prendre un moment de recul face à la violence de la perte. C’est ici, au 66 rue de la Pompe, que la femme d’affaires dévouée a choisi de bâtir un refuge pour ceux qui traversent l’une des pires épreuves de l’existence.
À 39 ans, cette mère de famille souriante dégage une douceur rare. Tout, chez elle, invite au calme et à la bienveillance : sa voix posée, son regard pétillant, et son sourire solaire semble infuser chacun de ses gestes, contrastant avec l’image clichée des professionnels de métiers autour de la mort, souvent perçus comme ternes et froids. « Nous soignons les deuils comme d’autres soignent les maladies, avec une même vocation de soin et de dévouement », confie-t-elle, résumant en quelques mots l’essence de sa mission.
Une vocation née d’un moment de vulnérabilité
Avant de se lancer dans l’aventure Inmemori, Clémentine avait emprunté un parcours plus classique, débutant sa carrière chez Unibail Rodamco Westfield en parcours linéaire de sa Majeure entrepreneurs sur les bancs d’HEC. « Intégrer ce parcours était une véritable chance. J’ai pu vivre, travailler, réfléchir et m’informer avec des entrepreneurs passionnants pendant un an. J’ai toujours aimé cette liberté et cette recherche d’impact, cette impatience qui les caractérise pour créer quelque chose d’utile », sourit-elle. Mais la vie lui avait prévu un tout autre destin. « Une amie très proche a perdu sa mère et je l’ai aidée à organiser les obsèques. Ce n’était pas mon propre deuil, mais j’étais profondément impliquée. J’ai découvert un secteur archaïque, particulièrement en matière de communication. Nous avons tout ce qu’il nous faut pour tous les événements de la vie, mais là on nous en avons le plus besoin, lorsqu’on est dans l’urgence, nous nous sentons démunis et pas du tout aidés. », se souvient-elle avec tristesse.
Elle évoque cette période comme un déclic. Confrontée à la dispersion des informations, à l’urgence émotionnelle et à l’absence d’outils adaptés, Clémentine entrevoit un besoin criant d’humanité et d’innovation dans ce domaine. C’est en 2016, forte de cette expérience et d’une vocation enfouie – celle de soigner à sa manière – qu’elle fonde Inmemori.
Cette maison de pompes funèbres unique se veut une réponse sensible et respectueuse à la solitude du deuil. Clémentine décrit l’entreprise comme un acteur du service à la personne, et non du commerce. Pour elle, chaque cérémonie est une création unique, pensée pour refléter la vie du défunt et apaiser les vivants. « Enterrer nos morts en dit long sur qui nous sommes. Il est essentiel de préserver et de réinventer ces rites, pour permettre aux familles de trouver du sens et du réconfort », explique-t-elle.
Ce qui démarque également Inmemori est leur grand sens du détail, dans leurs cérémonies rien n’est laissé au hasard. « Lors d’une cérémonie habituelle en église, les bouquets de fleurs sont posés à même le sol, les plastiques ne sont pas enlevés et lorsqu’on est assis, on ne les voit pas. Chez nous, nous prenons le temps d’agencer l’église, les fleurs sont positionnées sur des meubles dédiés à les rendre visibles de tous autour du cercueil. C’est notre dévouement qui marque notre différence », affirme-t-elle avec passion.
Personnalisation des obsèques : « Ces détails qui peuvent tout changer »
Ce travail passe par une personnalisation minutieuse des commémorations. Comme Clémentine nous le rappelle habilement, il est important de comprendre que les besoins en termes de personnalisation ont grandement évolué depuis 75 ans : « Nous connaissons parfaitement les rites de toutes les communautés, qu’elles soient religieuses ou laïques et nous prenons soin d’expliquer chaque pratique aux familles pour trouver la cérémonie qui leur conviendra le mieux. »
De nos jours, les cérémonies laïques sont en grande expansion et représentent aujourd’hui la moitié de la demande en France. Mais ces rites sont moins définis et souvent méconnus par les agences de pompes funèbres, car il n’y a pas réellement d’historique sur ces pratiques. « Dans les maisons de pompes funèbres classiques, ce sont souvent des freelances qui s’en occupent avec un texte à trou qu’ils demandent à remplir. Ce n’est pas possible sur un sujet si délicat, il faut savoir de quoi on parle pour savoir comment venir en aide aux endeuillés, fulmine-t-elle. Nous coconstruisons la cérémonie avec les familles à la suite de trois heures d’entretien. C’est notre casquette événementielle, on se donne les moyens de savoir tout faire. Si des familles veulent 300 fleurs en origamis ou un cercueil recouvert de verdure, on trouvera une solution pour réaliser leurs souhaits. »
La maison se divise en deux fonctions distinctes : son métier et sa mission d’entreprise. « Notre métier est celui de pompes funèbres, nous prenons soin du défunt et de l’amener à sa demeure éternelle, mais aussi de prendre soin de ses proches. Notre mission est de casser le tabou de la mort et du deuil », ajoute-t-elle. Inmemori se charge des obsèques dans leur globalité : du transport du défunt à sa toilette mortuaire, jusqu’à l’inhumation et les hommages rendus. « Nous écrivons, orchestrons, et parfois même rêvons avec les familles pour transformer un adieu en un moment de grâce. »
Changer les standards, une cérémonie à la fois
Clémentine insiste sur l’importance de ses équipes, 70 employés, majoritairement féminins, qui incarnent les valeurs d’Inmemori. « Nous imaginons souvent des croque-morts austères. Mais chez nous, nos accompagnants funéraires sont des jeunes engagés, à l’écoute, pleins d’énergie et d’empathie. »
Ce choix d’entourer les familles de profils variés et bienveillants est une pierre angulaire de la différence d’Inmemori. « Les femmes ont souvent été invisibilisées dans les rites funéraires. Chez nous, elles sont au centre de tout, et cela change tout », affirme-t-elle.
Avec Inmemori, Clémentine Piazza ne se contente pas de réinventer les obsèques, elle s’attaque aussi au tabou de la mort. À travers des actions de sensibilisation, telle que l’exposition « Les passeurs » organisée à Paris et Bordeaux pour rassurer la population et mettre en avant les métiers de la fin de vie, mais également leur guide de formation à destination des EHPAD. Leur posture engagée invite la société à renouer avec ses rites : « Les cérémonies funéraires sont un puissant moteur de résilience. Elles nous aident à survivre à la perte, à trouver un sens et à nous reconstruire. »
Avec ses 10 agences en France, Inmemori n’a pas encore vocation à s’exporter à l’étranger. Pour l’heure, Clémentine se concentre sur le marché français et notamment sur la capitale.
Nous commençons à avoir une certaine notoriété à Paris, mais ma ville d’adoption est dans une situation d’oligopole avec le PFG et Roc Eclerc qui détiennent 100% du marché. Nous voulons changer les standards des obsèques parce que nous estimons que les Français méritent mieux. 80% de la population se dit marquée par la perte d’un être cher. C’est la société toute entière qui est en deuil ! C’est pourquoi, on ne peut pas continuer à voir des obsèques bâclées, c’est trop important pour les familles. Nous avons le devoir de se soutenir et de créer un moment parfait pour ceux qui restent.
Loin des modèles industriels des grandes enseignes, Clémentine rêve d’un monde où chaque famille puisse se sentir écoutée, accompagnée et soutenue. « Ce n’est pas une quête hégémonique, mais une ambition de redonner à chacun ce à quoi il a droit : des adieux empreints d’humanité. »
Published by Loane Gilbert