Dans le monde du conseil, où l’excellence et l’innovation sont des piliers, certaines personnalités se démarquent par leur parcours, leur vision, et leur capacité à influencer et à transformer. Clarisse Magnin-Mallez, directrice générale de McKinsey France, est cette figure de proue qui reflète à la fois la rigueur, l’audace et un engagement profond pour le changement positif. Des bancs d’HEC, jusqu’au sommet de l’une des firmes de conseil les plus puissantes au monde. Récit d’une femme inspirante.

Souvenirs de formation : une fondation riche et diversifiée

Janvier. Le vent glacial souffle sur les Champs-Élysées que nous remontons pour atteindre les bureaux de McKinsey France. Building anonyme, c’est dans les étages élevés que nous avons rendez-vous pour rencontrer Clarisse Magnin-Mallez, une femme au large sourire, presque solaire qui contraste avec cette journée d’hiver. Après 20 ans chez ce géant du consulting qui emploie 45 000 personnes sur les cinq continents, nous avons un peu de temps pour dérouler le parcours de celle qui a été nommée directrice générale France en 2021.

Café et macarons, l’ambiance est chaleureuse et très vite nous arrivons là où tout a commencé. « J’ai rencontré mon mari en prépa et on a intégré HEC ensemble. Et l’exploit c’est qu’on est resté ensemble ! », s’amuse Clarisse aussi mère de quatre enfants. Cette période marquée par l’adage d’HEC : « apprendre à oser ! », selon la dirigeante qui se souvient notamment de la tradition du saut en parachute, désormais révolue, mais initiée par Robert Papin, fondateur d’HEC Entrepreneur. « J’ai fait partie de la génération qui saute en parachute. C’était un rite de passage, l’intégration à la Majeure. », sourit-elle, nostalgique.

Si Clarisse n’a rien oublié de ses années HEC, un lieu, parti en fumée demeure vif dans son esprit. « Le souvenir que je partage avec mon mari Alexis, c’est celui des moments passés à l’amphi Blondeau. Il y avait un prof qui nous enseignait la géopolitique et ses cours étaient absolument passionnants ! Sa connaissance de la géopolitique ne trouvait pas de limites et il était capable de prédire les conflits à venir et avait toujours une longueur d’avance, des années avant que ces événements se produisent. », clame-t-elle, admirative.

En revanche, ce ne sont pas tant les cours qui l’ont mise sur la voie du conseil, mais plutôt les Carrefours HEC. « Lorsqu’on est étudiants à HEC, nous sommes bien accompagnés et les carrefours nous permettent d’être au contact des entreprises, d’entendre parler de domaines pour lesquels nous n’avions pas nécessairement d’affinités au départ. J’ai commencé à m’intéresser à la branche du consulting grâce à cet écosystème. », se souvient-telle reconnaissante.

Le parcours de Clarisse est jalonné de stages effectués lors de sa majeure. Après un stage ouvrier comme serveuse, Clarisse plie bagages et s’envole vers l’Inde pour un stage en léproserie de deux mois au Rajasthan. « C’était une expérience très marquante ! On mettait en place des mécanismes de micro-crédit et un projet de construction de logements. Ça a été une aventure incroyable mais on a décidé de quitter le navire au milieu et de partir pour travailler dans l’humanitaire dans les bidonvilles de Bombay. », se rappelle-t-elle.

S’ensuivent des stages plus conventionnels, comme l’Oréal, JP Morgan à Londres, puis Deloitte et enfin McKinsey. « Après mon stage dans l’entreprise, j’ai obtenu mon diplôme et j’ai refusé leur première offre pour rejoindre une start-up de e-commerce. C’était un échec alors j’ai rappelé McKinsey et ils ont accepté de me reprendre. C’est notamment grâce à cette expérience que je suis très compréhensive envers les jeunes et leurs aspirations. J’étais une Gen Z avant eux ! », s’amuse-t-elle.

USA vs France : la dimension internationale du métier

Clarisse débute sa carrière au sein du cabinet dans les bureaux de Paris, au 79 de la plus belle avenue du monde, mais part rapidement s’installer aux États-Unis. « J’habitais à Manhattan et j’étais rattachée aux bureaux du New Jersey. Lorsque j’étais là-bas, je passais ma vie dans les airs, je ne dormais que rarement dans mon lit, je prenais l’avion tous les lundis matin et je revenais le jeudi soir. », déplore-t-elle. Clarisse se conforme à ces voyages d’affaires hebdomadaires, mais lorsqu’elle tombe enceinte de son premier enfant, la donne change ! « Ça a bien fonctionné pour moi, même pendant ma grossesse, mais après la naissance de ma fille, ce n’était plus du tout envisageable ! Cette mobilité constante n’était pas du tout compatible avec mon aspiration en tant que maman ! ». Clarisse a donc localisé son portefeuille client, ce qui lui a permis de rester sur le sol américain jusqu’à ce que sa fille souffle sa première bougie.

Retour dans l’hexagone, avec les différences sensibles que cela comporte. « En Amérique, « business is business » on peut aller straight to the point. Alors que dans la culture française, les formes sont importantes. La façon d’amener le sujet, à qui on l’amène, à quel moment, les signaux faibles, on est une culture complexe, subtile, intellectuelle. », explique-t-elle.

Une vision moderne du leadership

En 23 ans, cette femme est devenue associée, 10 ans seulement après son entrée au cabinet, puis directrice générale 10 ans plus tard. « Je dirais que j’ai fait une bonne progression, compte tenu du fait que j’ai quatre enfants et que je me suis donc arrêtée quatre fois pour mes congés maternité d’une période de six mois. J’ai eu la chance d’être en pleine forme jusqu’au dernier moment. Enceinte jusqu’au cou, j’emmenais ma mère et mon mari marcher et j’avais tellement la pêche qu’ils boitaient à la fin ! Je faisais quand même moins la maligne avec le temps, rit-elle. Mais j’avais besoin, physiquement et émotionnellement, de prendre ces six mois après les naissances. »

Pour Clarisse, la valeur la plus importante à avoir pour exercer ce métier est l’humain. « J’ai fait tellement de rencontres marquantes chez McKinsey ! C’est pour ça que je suis toujours là. Je pense que si on veut faire ce métier, il faut absolument avoir la volonté d’aider les gens. Il faut apprécier les gens qu’on accompagne. », exprime-t-elle avec conviction. À ses yeux, pour travailler dans le consulting il faut des facultés relationnelles, de l’empathie et de l’écoute, mais également de l’intégrité et du courage. « L’aspect humain est absolument indispensable. », assène-t-elle.

En sa qualité de directrice générale, Clarisse Magnin-Mallez ne craint pas de parler d’échec qu’elle considère même comme une composante inévitable du parcours professionnel. « Ce serait très prétentieux de se dire qu’on a toujours raison. Parfois on peut se planter, on est humain et il faut du courage pour l’avouer au client, mais il faut garder en tête que l’échec nous sert à ne plus commettre les mêmes erreurs ».

Une force d’esprit qui lui a permis de surmonter différents écueils. Après la polémique autour du Covid 19 et de la vaccination en France pour laquelle McKinsey n’avait pas fait de recommandation d’ordre stratégique mais avait apporté un soutien logistique, l’antenne américaine du cabinet s’est retrouvée confrontée à un livre à charge « Quand McKinsey arrive en ville », paru le 8 octobre dernier. La nouvelle directrice France désamorce : « C’est déjà derrière nous et je note que nous n’avons pas eu d’impact sur nos candidatures, on reste très attractif au recrutement, à HEC comme ailleurs, à raison de 15 000 candidatures par an. C’est très important pour nous car notre principal atout est bien sûr notre capital humain. Et sur le plan client, c’est la même chose, nous allons même changer de bureaux pour nous agrandir. ». Elle poursuit en expliquant que le livre ne rapporte que des éléments qui se sont déroulés il y a plusieurs années. Sans éléments nouveaux, la réputation du cabinet a encore de beaux jours devant elle.

Un engagement sans failles

En tant que femme à la direction d’un grand groupe, Clarisse veille au grain pour faire respecter l’égalité hommes/femmes et lutter contre le sexisme.

D’un café à l’autre, on parle femme, enfant et clichés sur ces questions qu’on ne pose qu’aux femmes. Très vite, la vidéo faite par le collectif SISTA, qui avait fait le buzz il y a deux ans, revient à nos souvenirs. Aux questions sur la morning routine, le syndrome de l’imposteur et la gestion de la charge mentale, on est face à François-Henri Pinault incrédule, un Xavier Niel désarçonné, un Frédéric Mazzela inconfortable. « J’ai trouvé cette vidéo très authentique et très amusante. Les hommes interviewés n’avaient jamais eu à répondre à ce genre de questions et ils étaient complètement désemparés. Et je trouve la démonstration utile :le fait que des hommes, qui peuvent être des hommes très bien, réalisent via cette séquence humoristique les questions qui sont posées aux femmes met la lumière sur une part de sexisme inconscient qui perdure dans la société. On ne demande jamais à un homme comment ça se passe avec ses enfants » !

À Clarisse, on pose cette question sans relâche. « Ça doit être dur. Comment vous y arrivez ? Vous vous occupez bien de vos enfants ? Vous êtes présente pour eux ? Il y eu des moments où ça n’allait pas pour eux, vous avez réussi à voir les signaux ? ». Elle répond à cet acharnement par le fait que « Toute mère est sans cesse culpabilisée par ces questions. C’est impossible d’être une mère parfaite, on peut être plus ou moins imparfaite, mais c’est très insécurisant quand on nous pose ce genre de questions continuellement. », se défend-t-elle.

Au sujet de la parentalité, Clarisse veut faire bouger les lignes : « Être parent concerne aussi les hommes. Ceux qui veulent faire les choses différemment de leur père ou de leur grand-père et qui veulent s’investir, c’est beau, c’est un réel progrès social. C’est pour ces hommes que nous avons fait les congés soldés de trois mois et de six mois pour les femmes », déclare-t-elle.

Aussi, comme bon nombre de ses consœurs, elle a pu être sujette à des micro-agressions quotidiennes : le fait de se faire couper la parole, de se voir reformuler une phrase pourtant claire, de se voir expliquer des choses dans son propre domaine d’expertise, d’être moins fréquemment invitée à prendre la parole qu’un homme … A ces comportements non acceptables, la directrice générale répond et lutte activement, par exemple en encourageant ses collaboratrices à monter sur scène lors de grands événements. En effet, pour la dirigeante de 47 ans, ces sujets qui polluent la vie professionnelle des femmes constituent un combat à mener, avec diligence et intelligence collective. « Il y a énormément d’hommes qui veulent s’engager sur ces sujets et qui veulent bouger les lignes. Il faut avancer main dans la main ! »

Entière et impliquée dans plusieurs domaines, Clarisse entend améliorer l’inclusion et la méritocratie, avec des campagnes de recrutements auprès de la communauté LGBTQIA+, ou pour la diversité ethnique chez McKinsey. Son bureau, qui compte 800 consultants, ne ménage pas ses clients dans les domaines environnementaux. « On applique ces principes dans l’activité qu’on a auprès de nos clients, on leur propose des projets de stratégie en lien avec l’environnement. Ça peut aller de la réduction des emballages et du gaspillage, à la réduction de l’usage de l’eau, ou encore à des transformations amenant à la décarbonisation ».

On pourrait croire qu’à force de conseiller ses clients, elle préférerait ne plus avoir à faire de choix dans l’intimité de son foyer. Au contraire. « Je n’en ai jamais assez qu’on me demande mon avis, c’est un honneur pour moi, le signe qu’on me valorise et qu’on me fait confiance ! En réalité, je n’ai pas l’impression de passer ma vie à donner des conseils. », explique-t-elle, un sourire aux lèvres.

À travers le parcours inspirant de Clarisse Magnin-Mallez, se dessine le portrait d’une leader moderne, profondément humaine et engagée, qui a su naviguer dans les méandres du conseil avec brio, tout en restant fidèle à ses valeurs et convictions.

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