Paris, cœur du monde culinaire, n’est plus seulement la capitale des chefs étoilés et des bistrots traditionnels. Depuis quelques années, une nouvelle génération de restaurateurs redéfinit les codes, portés par une vision moderne et parfois engagé de l’alimentation. Alice Tuyet en fait partie. Cette franco-vietnamienne a su allier ses racines et son expertise stratégique pour révolutionner le paysage gastronomique parisien avec ses restaurants végétaliens. Avec Daimant Collective, elle est devenue en quelques années l’une des figures montantes du mouvement végétalien dans la capitale. 

Un parcours entre tradition et modernité 

Alice Tuyet n’a pas toujours été sur le devant de la scène culinaire. Enfant, elle vit dans un appartement haussmannien avec ses parents, ses frères et la circulation des patients de son père, l’acupuncteur que tout Paris connaît. Elle vogue avec discipline entre l’école et l’Opéra de Paris où elle est petit rat moyennant une discipline de fer. Brillante et portée par l’envie d’excellence qui prône autour d’elle, elle intègre plus tard HEC dont elle garde des éléments très constructeurs. « J’ai fait la majeure entrepreneure qui était dirigée par Alain Bloch. J’ai vraiment aimé cette dernière année car on sentait qu’on était déjà un peu dans la vie active », confie-t-elle. C’est aussi cette année qu’Alice rencontre Christian Störi (H.17), aujourd’hui son mari et associé. 

Si son parcours à la grande école lui a conféré les outils pour réfléchir à la gestion d’une entreprise, son amour pour la cuisine, lui, est hérité de sa culture vietnamienne et notamment de l’Auberge du Bonheur, le restaurant de sa grand-mère où elle passe des heures en périphérie de Paris. 

Les années passent, les événements heureux succèdent aux épreuves de la vie et Alice délaisse un premier job dans le marketing chez Dufry pour monter ce qui deviendra Daimant Collective, son concept de restaurants pionniers de la cuisine végétarienne, vegan et plant-based, avec Christian. Un duo professionnel qu’elle analyse ainsi : “ Je suis assertive, conquérante et masculine : je suis très yang. Tandis que Christian aime suivre et être numéro 2. Moi je m’amuse créativement sur les salles ou en cuisine, pendant qu’il gère l’administratif, la comptabilité, le juridique … nous sommes très complémentaires”, réalise-t-elle souriante et sereine. 

En 2021, Alice et Christian ouvrent Plan D. « C’est 19m² dans le Xème arrondissement. On fait essentiellement de la vente à emporter, mais il y a une micro-terrasse et une micro-place au comptoir et ça marche ». Puis, Alice a rapidement décidé de multiplier les adresses à Paris. Son objectif : offrir à chacun la possibilité de découvrir une cuisine végétalienne de qualité, accessible et surtout, savoureuse. Ce premier établissement a été une révélation : non seulement l’authenticité et la qualité de la cuisine végétalienne y étaient au cœur, mais aussi l’idée de bousculer les attentes des Parisiens, souvent réticents face à ce type de cuisine. S’ensuivent Drinks&Co, un lieu de 80 couverts opérés pour Pernod Ricard, dans leur siège à Paris et bien sûr Faubourg Daimant, leur vraie première adresse de la du Faubourg Poissonnière. Après les sandwichs végétaux, gourmands et rassasiants du Plan D de la rue des Vinaigriers, les Parisiens du Xème arrondissement en quête de plus sont allés essayer ses millefeuilles de pomme de terre ou son carpaccio de radis, un délice absolu. 

La philosophie de la cuisine végétalienne : un engagement personnel et social 

Chou-fleur rôti, brochettes laquées de pleurotes et shitakés, croquettes cochonnes à la pâte de soja ou encore l’indétrônable mousse au chocolat. C’est Daimant Saint-Honoré, la quatrième adresse qui a ouvert en avril dernier. Ici vous pouvez croquer, savourer, plonger dans vos mets sans renoncer au plaisir ni à l’éthique végétalienne : vous ne trouverez pas la moindre trace d’ingrédients d’origine animale. « Pour moi, la cuisine végétalienne est bien plus qu’une mode, explique Alice. Déjà la cause animale me tient à cœur et plus largement, c’est une conviction profonde, née de mes racines et de mes expériences personnelles. Elle est une réponse à des enjeux écologiques, sociaux et éthiques. » Une vision claire, qui se nourrit à la fois de son héritage asiatique et de son engagement moderne pour la planète.  

Loin de se contenter d’établir menu végétalien, Alice Tuyet a choisi d’offrir à ses clients une véritable expérience gastronomique. En intégrant des produits locaux, bio et de saison, elle garantit des plats frais et respectueux de l’environnement. Tout en mettant un point d’honneur à préserver les saveurs uniques de sa culture vietnamienne, infusant ses recettes végétaliennes de cette touche d’exotisme qui fait toute la différence. « C’est une cuisine de partage, une cuisine qui réunit », ajoute-t-elle, fière de l’accueil chaleureux réservé à ses restaurants. 

Des restaurants végétaliens qui redéfinissent la ville 

Aujourd’hui Daimant Collective, c’est une équipe de 57 personnes qui sert quasiment 1000 repas par jour. Leur succès repose non seulement sur la qualité des menus qui changent tous les trois mois, mais aussi sur l’ambiance qu’Alice parvient à créer. Ses lieux sont des espaces conviviaux au design étudié. Moderne, plutôt épuré, mais chaleureux. Chez Daimant Saint-Honoré, sur la place du marché du même nom, dans le 1er arrondissement de Paris, on peut déjeuner à l’étage dans le Salon Riviera qui reprend les couleurs de la Côte d’Azur. L’accueil que nous réserve l’équipe en salle, au bar et j’imagine en cuisine est tout aussi solaire. Tout, de la décoration au choix des ingrédients, semble avoir été soigneusement pensé pour offrir une véritable parenthèse de calme et de plaisir en plein cœur de Paris.  

Une cuisine qui ouvre l’appétit à l’avenir 

Alice Tuyet est porteuse de changement. « Je veux faire évoluer les mentalités, faire en sorte que la cuisine végétalienne ne soit plus perçue comme un choix radical, mais comme une alternative savoureuse, durable et accessible à tous. » Son parcours est un modèle de réussite, fondé sur une parfaite compréhension des enjeux économiques et écologiques, tout en restant fidèle à ses convictions profondes. Et alors que de plus en plus de Parisiens se tournent vers une alimentation végétalienne, Alice continue d’innover et de surprendre. 

Ses restaurants ne se contentent plus d’être de simples lieux où l’on mange, mais des points de convergence. Elle est convaincue que la cuisine peut changer le monde, à sa manière, en transformant notre rapport à la nourriture et à la planète. Un engagement qu’elle poursuit avec passion et détermination, et qui semble, aujourd’hui, parfaitement répondre aux attentes d’une société de plus en plus consciente des enjeux environnementaux et sociaux. 

Avec quatre lieux en quatre ans, l’avenir d’Alice Tuyet et de son Daimant Collective semble tout tracé. “Sur les différents restaurants, on sert quasiment 1000 repas végan par jour. Mon rêve c’est d’en servir des dizaines de milliers et de garder cette exigence de qualité, de constance”. À la question : “ Le végan est-il l’avenir ?”, Alice a répondu sans hésiter “ Carrément, on a un océan devant nous”. Cet océan serait-il l’Atlantique ? À suivre. 

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