Administration de biens : apports et limites du digital
Visites virtuelles, contrats numérisés, assemblées générales en distanciel… Immo City entend tirer parti des innovations numériques pour faire évoluer son offre de services. Rencontre avec Patrick Frigaux (E.13), directeur général.
Pourquoi la digitalisation du secteur immobilier accuse-t-elle un retard ?
Patrick Frigaux : Dans un cabinet d’administration de biens, vous trouvez des murs de papiers derrière les bureaux des comptables… Ce sont des métiers de papier, mais aussi des métiers basés sur la relation humaine : l’activité principale d’un syndic est de traiter les demandes des copropriétaires, avec lesquels il est en contact. Ces domaines d’activité sont difficiles à digitaliser. D’ailleurs, de nombreuses start-up ont émergé dans ce secteur, mais peu ont réussi à percer… Bien sûr, la digitalisation de la communication, des annonces, a connu quelques belles success stories comme celle de Seloger.com, mais la chaîne de valeur des opérations restait difficile à digitaliser. Or nous sommes entrés dans une ère où cela devient possible. Les éditeurs de logiciels innovent et nous disposons désormais de nombreux outils pour digitaliser nos activités. Des offres alternatives voient le jour, sur certains pans de la relation client, et boostent les acteurs traditionnels. Il est par exemple possible aujourd’hui de visiter puis de louer, voire d’acheter, un appartement en suivant un parcours exclusivement digital. En la matière, il faut reconnaître que la crise sanitaire nous a fait gagner plusieurs années sur le plan de la transformation des usages et des méthodes !
Jusqu’à quel point avez-vous digitalisé la chaîne de valeur dans vos métiers ?
P.F. : La prise de rendez-vous pour les candidats à la location, tout comme la vérification des éléments de leurs dossiers, sont aujourd’hui totalement digitalisées chez nous. Nous pouvons également dématérialiser la signature d’un contrat de bail ou d’un compromis de vente. Nous venons d’ailleurs de le faire pour un acquéreur résidant à Singapour, avec lequel tout s’est effectué à distance. Pour nos activités de syndic, un métier de paperasse par excellence avec des milliers de factures à gérer, nous avons des logiciels qui scannent, numérisent, « océrisent » et précomptabilisent les factures. Cela permet d’alléger nos comptables de tâches fastidieuses et sans valeur ajoutée pour les recentrer sur des tâches plus intelligentes, comme le contrôle et l’analyse. Pour les visites d’immeuble, nos gestionnaires utilisent une application mobile qui génère automatiquement les comptes-rendus et les envoie aux clients. Nous permettons également aux copropriétaires d’accéder à la comptabilité de leur immeuble en ligne en toute transparence, ou de nous joindre par e-mail. Cette forme de communication digitale avec son syndic rejoint les nouvelles habitudes d’usage des services. Le gain de temps, de productivité et de satisfaction client est évident !
Quelle est votre plus-value face aux acteurs purement digitaux ?
P.F. : Des nouveaux entrants sur le marché de l’administration de biens prétendent que le toutnumérique est possible. Ce n’est pas notre avis. Le digital est incontournable et il permet d’offrir davantage de services, mais nous ne pourrons pas, malgré l’essor du numérique, faire l’économie d’une relation physique avec le client. Nous en avons fait l’expérience avec l’envoi dématérialisé de convocations aux AG par lettre recommandée électronique : de nombreux copropriétaires nous ont demandé de revenir à un envoi papier… Tout le monde n’est pas prêt à se rendre en AG avec une tablette ! D’où notre positionnement de syndic « phygital », disposé à utiliser le digital partout où il est gage d’efficacité accrue et permet de proposer de nouveaux services (par exemple un parcours client 100 % digital pour la location de logement aux étudiants), tout en conservant une relation physique là où nos clients en ont besoin : visite d’appartements à la vente, relation avec des propriétaires d’immeubles, etc.
Published by La rédaction