Un Matin HEC avec Olivier Blum, directeur général de Schneider Electric

En ce début du mois de juin, le temps d’un petit-déjeuner, les Matins HEC recevaient Olivier Blum, le nouveau directeur général du groupe Schneider Electric. Près de 150 alumni et membres de la communauté HEC sont venus l’écouter. Innovation, transition énergétique, IA ou encore internationalisation, le dirigeant qui a plus de 30 ans dans la maison écume les sujets avec aisance et sans langue de bois. Retour sur un temps d’échange éclairé.
À voir Schneider Electric poursuivre tranquillement son internationalisation, on pourrait presque croire que c’est un long fleuve tranquille… « Nous avons fait le choix, il y a vingt ans, d’être une entreprise innovante dans toutes les régions du monde. Pas seulement à Rueil ou à Boston », a expliqué Olivier Blum, directeur général du groupe depuis novembre 2024, lors des Matins HEC. Salle comble pour écouter le quinquagénaire. Celui qui avait été nommé DRH de l’année en 2019 (*) a eu une carrière « digne de Tintin le reporter », a indiqué Hortense de Roux (H.05), présidente de HEC Alumni, dans son introduction. En effet, cet infatigable père de 3 enfants a travaillé en Chine, en Inde et à Hong-Kong avant de s’installer à Dubaï. C’est de son bureau au Moyen-Orient qu’il dirige le géant aux 38 milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont le Comex compte sept nationalités.
A la tête d’un champion de la décarbonation dont 95 % de l’activité est réalisée hors de France, il défend un modèle résolument décentralisé. « Un quart des 500 postes les plus stratégiques sont en Amérique du Nord, un quart en Asie et au Moyen-Orient et en Amérique du nord, une moitié en Europe. Ce n’est pas depuis Paris qu’on mesure les implications d’une évolution technique en Chine », explique-t-il. A la différence d’un Apple qui conçoit des produits destinés au monde entier, Schneider doit adapter ses solutions aux « écosystèmes locaux, avec des standards propres ». Sur les 1.100 principaux managers du groupe, environ 25% sont de nationalité française.
Le passionné de randonnées en montagne hérite d’un lourd héritage. La transformation de la société s’est jouée en trois actes, chacun porté par une figure tutélaire : Didier Pineau-Valencienne (H.54) fut l’artisan de la transformation industrielle de Schneider ; Henri Lachmann (H.61), le promoteur de l’internationalisation et du capital humain. Jean-Pascal Tricoire, CEO emblématique de 2006 à 2024, a ensuite quadruplé la capitalisation boursière et positionné le groupe sur l’innovation et la transition énergétique.
Une entreprise au service de la transition
« Schneider Electric ne produit pas l’énergie, ne la consomme pas non plus, mais se situe au milieu, au cœur du système », rappelle Olivier Blum. Des disjoncteurs dans un pavillon de banlieue aux serveurs d’un data center en passant par l’automatisation industrielle, Schneider Electric se positionne comme gestionnaire d’énergie pour ses clients. Un rôle central quand on sait que 80 % des émissions de CO₂ sont liées à la production et à l’usage de l’énergie. « La seule issue, c’est de consommer moins et décarboné », souligne-t-il.
Le groupe pèse 126 milliards d’euros en Bourse. Il investit fortement dans les data centers et l’intelligence artificielle, qui préfigurent une explosion de la demande énergétique. « D’ici 2030, la consommation des centres de données pourrait égaler celle d’un pays comme le Japon », a évoqué Vincent Beaufils (H.75), directeur de la publication de Challenges, reprenant une estimation de l’Agence internationale de l’énergie. « 40 % des émissions viennent des bâtiments, dont plus de la moitié des logements individuels. Schneider veut y répondre par des solutions d’automatisation, de pilotage et de sobriété énergétique », lui a répondu Olivier Blum.
Gouvernance éclatée
Pour soutenir cette stratégie, Schneider a adopté un modèle « en hubs ». Cinq hubs managériaux prennent les décisions opérationnelles : Rueil-Malmaison/Grenoble, Boston, Hongkong, Bangalore et Dubai. Parmi les leaders globaux localisés sur ces hubs, de 65 à 80 % sont originaires de la région. « Dans un monde de plus en plus fragmenté, et ça ne va malheureusement pas s’arranger, il faut être local pour pouvoir croître », plaide Olivier Blum. Il dirige le groupe depuis Dubaï, devenu un hub prometteur. « C’est la meilleure position pour accélérer le développement en Inde, au Moyen-Orient, et dans un second temps, en Afrique. » L’industriel sait travailler sur le moyen terme : « entre les premières visites et la conclusion de l’accord, cela nous a pris 15 ans d’acquérir L&T Electrical, un acteur majeur en Inde », illustre-t-il.
Le dirigeant, qui a rejoint Schneider en 1993, a également insisté sur l’importance de constituer des équipes hétérogènes. « Au-delà de toute considération politique, la diversité fait partie de notre ADN ». L’égalité femmes-hommes a progressé mais par exemple « dans certains pays comme l’Inde ou la Chine, la mobilité internationale des femmes reste quasi impossible », faisant du modèle multi-hub un moyen efficace de bénéficier des talents du monde entier. La diversité génère, selon lui, une formidable capacité d’innovation : « s’il y a deux personnes dans une salle et qu’elles sont d’accord sur tout, on a un problème ».
Avec les blackouts en Espagne, au Portugal et à l’aéroport d’Heathrow, l’actualité a rappelé la fragilité des infrastructures. « L’énergie est au cœur de tout ce qui se passe, or les réseaux sont vieux, mal digitalisés. Le monde est passé d’un modèle énergétique linéaire à un système complexe. Il faut des outils numériques perfectionnés pour gérer cela », analyse Olivier Blum.
La France, où Schneider a récemment annoncé plus de 100 millions d’euros d’investissements lors du dernier Choose France, conserve une place stratégique. « L’hexagone est un paradis énergétique : on a de l’électricité décarbonée, relativement bon marché, et un écosystème qui se structure. » L’industriel y maintient un important centre de R&D à Grenoble, ville historique de l’ex-Merlin Gerin.
(*) Par Cadremploi, Morgan Phillips Hudson, Le Figaro Décideurs et Fyte
photos © stéphane lagoutte / Challenges

Published by Thomas Lestavel