Professeur de finance à HEC Paris, Stefano Lovo a reçu avec Yurii Handzjuk (D.25) le Prix Impact de la Faculté lors de la 48e cérémonie de remise des Prix de la Fondation HEC le 10 mars. L’étude primée s’appuie sur une expérimentation originale au self d’HEC qui démontre le rôle des incitations financières dans l’accompagnement des comportements vertueux pour la planète. 

Transformer le self d’HEC Paris en laboratoire d’étude des leviers d’une restauration plus responsable ? Il l’a fait ! Entre août 2021 et mi-juin 2023, Stefano Lovo a analysé les choix des 4000 usagers du restaurant universitaire de l’Ecole afin de déterminer la meilleure stratégie pour baisser l’empreinte carbone de leurs assiettes.  « Trois leviers peuvent influer sur le choix des clients du self : une tarification bonus-malus rendant « taxant » les plats carnés à faible forte empreinte carbone moins chers que ceux à fort empreinte carbone, la suppression pure et simple de ceux-ci ou l’affichage de l’empreinte carbone de chaque plat » explique Stefano. « D’après les résultats d’un questionnaire internet conçu en 2020 par une étudiante, informer les consommateurs suffisait à les faire choisir les plats bas carbone. J’ai voulu vérifier en conditions réelles. »  

« Je suis en premier lieu un théoricien » précise Stefano, spécialiste de l’économie de l’information et de la théorie des jeux, qui s’est intéressé à la finance durable après le Covid et a pris les rênes du HEC Center for Impact Finance Research en 2024. « L’étude au self d’HEC Paris était empirique. C’est pourquoi je l’ai réalisée avec Yurii Handzjuk (D.25) : j’avais besoin d’un expert en économétrie à mes côtés. » L’expérimentation a mobilisé de nombreuses parties prenantes du campus. Il a fallu obtenir l’aval de la direction et du responsable de la restauration, collecter avec le service informatique les données des utilisateurs du self tout en les anonymisant, embarquer les étudiants et démontrer aux syndicats du personnel que la hausse du prix des plats carnés ne lèserait personne : « Ils ont été rassurés lorsque nous leur avons démontré que 8 collaborateurs sur 10 y gagneraient. » Au final, tous ont joué le jeu. Des étudiants ambassadeurs de l’association ESP’R se sont même chargés d’expliquer la démarche au clients du self. 

Verdict de l’étude : l’affichage de l’empreinte carbone n’entraîne pas de modification significative des choix alimentaires. La suppression des plats carnés une fois par semaine réduit l’empreinte carbone de 10 %, mais diminue la fréquentation de la cantine. Le changement de prix fonctionne en revanche à plein. Si le plat vegan proposé coûte 50 centimes de moins que l’alternative steak frites, l’empreinte carbone baisse de 27 %. Cette réduction atteint 42 % lorsque le plat vegan est proposé à moins de 2 € et le steak frites à 8 €, et ce, sans baisse de la fréquentation du self. « Contrairement aux résultats de l’enquête déclarative en ligne, l’étude démontre qu’en situation, seule l’incitation financière est vraiment efficace. La théorie du consommateur, que nous enseignons aux étudiants, est pleinement confirmée… même si j’aurais aimé démontrer le contraire » sourit Stefano. Bonne nouvelle : dans un sondage post étude, 60% des clients du self ont approuvé l’adoption de la tarification bonus-malus pour réduire l’empreinte carbone : « Même les mangeurs de viande votent pour des politiques à impact. » 

« Modifier les prix a induit des changements de comportements dans un domaine, l’alimentation, auquel les Français sont attachés. Imaginez appliquer la même stratégie à des biens moins investis, l’électricité ou les transport par exemple : l’effet serait encore plus considérable. » Pour stimuler la demande en biens éco-responsables, il est nécessaire d’inciter financièrement les consommateurs : un enseignement à méditer, tant pour les pouvoirs publics que les entreprises.  

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