Projet nouveau campus : “Une structure qui favorise les interactions”
« Si notre environnement physique peut nous changer psychologiquement, alors une meilleure architecture doit être capable d’améliorer la société », déclarait-il au magazine Le Temps en 2020. Depuis trente-cinq ans, Kjetil Trædal Thorsen codirige le bureau Snøhetta, auquel on doit notamment la bibliothèque d’Alexandrie, l’opéra d’Oslo ou encore le siège du quotidien Le Monde à Paris. Pour le campus de Jouy-en-Josas, l’architecte norvégien a imaginé un nouveau centre, qui irrigue l’ensemble du site et favorise le lien entre les étudiants.
Le projet de rénovation du campus repose sur la création d’un bâtiment central. Comment avez-vous envisagé cet élément architectural ?
Notre mission principale était de concevoir un élément central qui fonctionne comme un véritable connecteur, un peu à l’image d’une main ou d’une pieuvre. Ce bâtiment ne se limite donc pas à son seul usage, il est pensé pour relier entre eux tous les éléments du campus : les bâtiments historiques, la nature environnante, mais aussi les différentes communautés qui y évoluent – étudiants, enseignants, chercheurs. Chaque aile ou partie du bâtiment établit un lien physique et symbolique, qui invite à la circulation, aux rencontres et aux échanges. L’idée était de créer un point de convergence, un lieu où les interactions puissent se faire naturellement, afin de favoriser le dialogue entre les disciplines, les nationalités et les générations. Ce bâtiment agit comme un catalyseur d’interactions, un lieu vivant qui symbolise à la fois l’histoire et l’avenir d’HEC, où les espaces intérieurs et extérieurs se mêlent grâce à des grandes baies vitrées qui offrent une relation visuelle constante avec la nature, créant ainsi un dialogue entre architecture et environnement.
Justement, comment avez-vous appréhendé l’intégration des espaces naturels dans le cœur de campus ?
Notre ambition est de faire entrer la nature à l’intérieur du bâtiment. Bien sûr, on ne peut pas réellement « mettre la forêt » à l’intérieur, mais grâce à de grandes ouvertures et des vues panoramiques, on crée un lien fort entre le dedans et le dehors, une continuité visuelle et physique entre les espaces bâtis et le paysage naturel. Les espaces verts sont d’ailleurs omniprésents avec des patios et des jardins qui permettent aux usagers d’être constamment en contact avec la nature. Ce dialogue entre architecture et environnement est au cœur du projet, car c’est un élément essentiel au bien-être et à la qualité de vie sur le campus.
Ce nouveau bâtiment intègre-t-il une part de modularité ?
Oui, la flexibilité est un volet très important, surtout pour un campus qui doit évoluer sur plusieurs décennies. Nous avons conçu les espaces principalement sur deux niveaux, ce qui facilite la reconfiguration des salles et des fonctions. Les cloisons peuvent être déplacées, ce qui permet d’adapter les espaces aux besoins pédagogiques qui sont eux-mêmes changeants. On anticipe un mode d’apprentissage qui ne se limite plus aux salles de cours traditionnelles, mais peut se faire en extérieur, dans des espaces informels, ou même en marchant dans le parc. Le bâtiment doit pouvoir accompagner ces nouvelles façons d’apprendre, en offrant des espaces modulables et ouverts, tout en restant connecté à la nature et à la communauté.
Le cœur de campus comprend aussi un grand auditorium…
Oui, tout à fait. Le grand auditorium est directement relié à l’espace central du bâtiment, mais il peut s’ouvrir ou se fermer selon les besoins. Cette modularité permet d’agrandir la salle pour de grands événements, comme des rassemblements ou des fêtes de fin de semestre, ou au contraire de la diviser en espaces plus petits pour des conférences ou des cours. C’est un espace vivant, qui s’adapte aux différentes situations et aux multiples usages du campus.

Le campus est l’espace où les cours sont prodigués, mais c’est aussi le cadre de vie des étudiants. Comment avez-vous intégré cette dimension au projet ?
Nous ne voulons pas seulement créer des espaces consacrés à l’apprentissage, mais surtout des lieux où les étudiants peuvent se sentir connectés, inspirés et engagés. Le bâtiment central, avec ses grandes ouvertures sur la nature et ses espaces communs fluides, invite à la rencontre, à la collaboration et à la réflexion. La nature n’est pas un simple décor, elle fait partie intégrante de l’expérience quotidienne. En intégrant ces éléments naturels au sein même du bâti, nous favorisons un environnement serein pour se ressourcer, travailler et penser.
Le cahier des charges incluait-il des exigences particulières en matière de construction durable ?
Le respect de l’environnement fait partie intégrante de la rénovation du campus. Sur le plan architectural, nous privilégions des matériaux naturels, comme le bois et la pierre, qui allient faible empreinte écologique et grande longévité. Ces matériaux permettent d’intégrer le bâtiment à son environnement naturel, tout en assurant des performances énergétiques optimales grâce à la ventilation naturelle et à la production locale d’énergie. Sur le plan pédagogique, le bâtiment devient ainsi un outil d’apprentissage en soi. Il montre comment conjuguer innovation, respect de l’environnement et qualité de vie, et sensibilise les futurs leaders aux enjeux écologiques.
Photographs : © Ciprian Olteanu / Waverline
Illustration : © SORA
Published by Daphné Segretain