Entre déplacements sur les camps de réfugiés et négociations politiques, Oumar Ndiaye (EM.22), directeur exécutif de l’organisation humanitaire africaine AIRD, partage sa trajectoire avec les alumni.  Son message ? Engagez-vous dans les métiers du développement.

Oumar Ndiaye décroche depuis Addis Abeba, en Éthiopie. C’est là que, depuis trois semaines, l’Union Africaine s’attelle à repenser les mécanismes de financement face aux crises humanitaires. Le désormais directeur exécutif d’African Initiative for Relief and Development (AIRD) est à la table des négociations, avec pour objectif, entre autres, de sortir de la dépendance aux fonds occidentaux. « Aujourd’hui, s’il y a des inondations, les gens ont tendance à crier : ‘USA ! Europe !’ Mais on peut avoir les moyens d’intervenir premier. »

Passionné de politique, ce natif du Mali diplômé en relations international et titulaire de l’Exécutive MSc en Innovation et Entrepreneuriat d’HEC a grandi à travers toute l’Afrique. Oumar Ndiaye tient les comptes, « 30 pays sur les 52 ». Enfant, il suit son père d’abord militaire puis diplomate. « Quand il était consul, je le voyais traverser des champs de mines pour aller secourir des gens. », se rappelle Oumar, qui dit tenir de là son sens du devoir.

Nations Unies, WaterAid, l’International Rescue Committee, International Nutrition… Voilà quinze ans qu’Oumar travaille au sein des plus grandes ONG sur les questions d’accès à l’eau, aux infrastructures sanitaires, à la sécurité alimentaire, ou l’accueil des réfugiés de guerre. En 2010, alors coordinateur, il fait partie de la première équipe à mettre en œuvre la réforme des Nations Unies visant à unifier le travail des 24 agences et fonds qui la composent.

Oumar Ndiaye et l’équipe d’AIRD en visite sur les travaux d’un système de collecte d’eau à la frontière du Soudan à Renk, Sud Soudan.

En rejoignant les rangs de AIRD en mai 2024, une organisation de 1700 employés présente dans 16 pays, il accepte de « baisser son package ». C’était « la chose à faire » pour faire grandir une structure humanitaire 100% basée en Afrique. En charge du développement stratégique, il compte dégoter des partenariats publics-privés et déployer AIRD à l’étranger au Yemen et en Afghanistan, s’appuyant sur une « expertise » toute particulière : celle de développer des infrastructures et des transports de réfugiés dans les zones gangrénées par les crises humanitaires. Son organisation est notamment un partenaire logistique de l’UNHCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés). « La plus grande base de réfugiés du Soudan, le camp de transit de Renk, a été construite par notre organisation. », explique Oumar.

« J’ai toujours voulu inspirer la jeunesse africaine. »

Quand il ne jongle pas des problématiques explosives, Oumar Ndiaye rejoint son domicile de Kampala, en Ouganda, pour passer du temps avec sa femme et ses enfants. Après notre interview, il doit d’ailleurs courir à l’aéroport afin de rattraper un fâcheux incident. « La semaine passée, c’était l’anniversaire de mon fils et je l’ai raté. » Il enchaîne effectivement les avions et les journées chargées. « Le matin je parle avec les chauffeurs qui sont sur le terrain. Au milieu de la journée, je suis en ligne avec un ministre, et le soir avec un président. » Son plus gros défi ? Devoir concilier trois mondes : terrain, business et politique. « Le challenge principal, c’est de pouvoir connecter ces trois réalités. Chacun vit un peu dans sa bulle. » Et d’invoquer les cours de human-centered design de son master MSIE HEC.

Un enjeu majeur « l’empêche de dormir la nuit » : l’avenir de la jeunesse africaine. Depuis son arrivée chez AIRD en mars dernier, il planche sur un ambitieux partenariat avec le groupe CFAO-Toyota pour créer un centre d’apprentissage des métiers de la logistique, du transport, de l’agriculture et de la « transformation verte ». Total de l’investissement : 1 million de dollars.

Oumar Ndiaye pendant le sommet Dakar 2 sur l’alimentation en Afrique aux côtés du Dr. Akinwumi A. Adesinadu, président de la Banque africaine de développement, janvier 2023.

La green revolution, ou révolution agricole durable en Afrique, est un autre sujet prioritaire pour le spécialiste du développement. « La révolution verte en Afrique se passera forcément à travers les petits paysans », assure Oumar Ndiaye. Sur un continent où l’agriculture familiale prédomine, ce sont en effet 33 millions d’exploitations de moins de 2 hectares qui constituent 80% de l’ensemble des exploitations agricoles. Reculées, ces terres sont souvent éloignées des usines de transformation, et leurs exploitants se retrouvent moyens logistiques pour stocker leurs fruits et légumes, travaillent sans technologies ou accès à l’information climatique, la pluie notamment. Résultat ? En moyenne « 40% des récoltes périssent » chaque année. « Si vous voulez travailler avec tout ce monde, il vous faut une grande force de coordination. »

Mais Oumar Ndiaye reste positif. Il tient à partager son parcours pour inspirer les futurs diplômés à la conduite du changement. « J’ai toujours voulu inspirer la jeunesse africaine, confie-t-il. Même s’il a mis un pied dans l’entrepreneuriat en 2022 en créant, avec un ami, sa firme Food Systems Transformation Solutions, et travaille en tant que consultant avec des institutions comme la Banque Africaine de développement, il souhaite voir « davantage de compétences HEC mobilisées dans le monde du développement, et pas seulement dans les start-up. Les start-up, c’est excellent. Mais ce n’est pas tout, il y a un autre monde d’ailleurs. »

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