L’entrepreneure de la semaine : Mariko Magnan (H.03) met le bien-être au travail
Confier la recherche d’une nounou à un prestataire payé par son entreprise ? C’est la vision de Mariko Magnan (H.03), qui a fait le pari d’introduire un service de conciergerie à destination des salariés japonais. Sa société TPO veut rétablir l’équilibre entre vie perso et vie pro dans un pays où les employés, les femmes en particulier, manquent de temps pour tout gérer. Explications.
Le teint frais et rougi, Mariko Magnan se connecte avec HEC Stories pour un interview après un jogging impromptu, « j’avais une petite heure de libre, et je suis partie courir. » La panacée de l’entrepreneure ? En tout cas, être à la tête d’une entreprise est pour elle « un rêve d’enfant pour rendre le monde meilleur. » Après un parcours HEC Grande École et l’obtention de son diplôme en 2003, cette japonaise de 43 ans passe d’abord treize ans dans la finance. Société Générale, Goldman Sachs… Basée à Tokyo, elle enchaîne les postes à responsabilités dans des banques internationales. Son dernier poste, qui consiste à créer une filiale du groupe Guggenheim Partners dans la capitale nippone, achève de lui donner le goût de l’entrepreneuriat.
Elle puisera l’idée de sa future activité dans son quotidien. « Un jour, j’ai décidé que je ne pouvais pas rester dans la finance à plein temps tout en ayant deux enfants. » La jeune maman travail en effet de 7 h à 20 h avec des déplacements réguliers en voyage d’affaires. Un rythme difficilement soutenable qui l’a poussée à s’imaginer un avenir plus viable. « J’ai commencé à travailler sur mon business plan en parallèle. »
Double charge pour les femmes
Selon un rapport de la célèbre économiste et théoricienne du Womenomics Kathy Matsui, le taux d’emploi des femmes est en constante augmentation au Japon. Seulement, « elles continuent à s’occuper de la majorité des tâches ménagères », souligne Mariko. Je voulais changer cela pour que les femmes et les hommes puissent travailler de manière égale et s’épanouir professionnellement. »
Rétablir un semblant d’égalité entre les genres et bouleverser les attentes envers les femmes sur le marché du travail japonais fut sans aucun doute l’un des moteurs de Mariko. « Mon expérience de travail au Japon a été un facteur déterminant. Vous n’êtes pas seulement évaluée sur la qualité de votre travail, mais aussi sur votre rôle en tant que femme. Cela nous place dans une position défavorable », explique-t-elle. Son choix d’étudier en France et de travailler pour des entreprises « non japonaises » n’était d’ailleurs pas hasard. « C’était une façon pour moi d’échapper à l’environnement de travail japonais. »
Gérer les affaires privées
En 2016, Mariko Magnan fonde TPO, un sigle utilisé en japonais pour Time, Place, Occasion. Après deux ans à peaufiner le projet, elle lance officiellement ce service de conciergerie payé par l’entreprise pour que les employés puissent gérer plus facilement leur vie personnelle. Les travailleurs délèguent ainsi à TPO leurs recherches de baby-sitter pour leurs enfants ou de place en maison de retraite pour un parent âgé. Une trentaine de spécialistes en garde d’enfants, santé, éducation ou santé mentale conseillent et prennent en charge l’organisation et la planification de ces affaires familiales et privées.
Une dystopie ? Plutôt une nécessité pour tout un pays à la population vieillissante et à la natalité en berne, ce qui est notamment dû à la charge de travail assumée par les femmes. « Beaucoup de gens s’occupent à la fois de leurs enfants et de leurs parents, précise Mariko. Les deux grandes préoccupations des entreprises Japonaises d’aujourd’hui sont la pénurie de main-d’œuvre et l’urgente nécessité de fidéliser des talents et une plus grande productivité au travail. »
Sans agir, les entreprises « vont perdre des talents »
Si le concept décolle actuellement, les entreprises japonaises n’ont pas toujours été aussi réceptives. Le concept de bien-être en entreprise, très occidental, est « une idée qui fait encore son chemin ». Lorsque Mariko Magnan commence à pitcher son idée il y a sept ans, le mot « well being » était importé de la langue anglaise. « Améliorer le bonheur sur le lieu de travail était un concept venu de l’étranger, explique-t-elle. J’ai démarché des boîtes en parlant de bien-être des employés. Les RH ne voulaient pas en entendre parler. Aujourd’hui, les entreprises se rendent compte que si elles n’agissent pas, elles vont perdre des talents. » Depuis, l’expression, « well being » est passé dans le langage courant.
La diversité à l’embauche pour favoriser l’innovation, soutenir les start-ups, créer des écosystèmes : tout cela est en train d’arriver au Japon.
Avec TPO, les entreprises peuvent opter pour des services en ligne ou sur place, avec des membres du personnel de conciergerie dans les bureaux. Elle s’est aussi assurée des partenariats avec des promoteurs immobiliers afin d’assurer une présence stratégique dans certains bâtiments. Parmi ses clients, Mitsubishi ou NTT Data. « Les utilisateurs sont agréablement surpris de pouvoir obtenir de l’aide. Pouvoir parler à quelqu’un d’extérieur est une révélation pour eux », ajoute Mariko.
53 000 demandes liées à la vie personnelle
Mariko Magnan a élargi son offre et développe désormais un réseau à l’international pour les Japonais en voyage, ainsi qu’un service bilingue pour les étrangers travaillant au Japon. Ses services s’étendent aussi à des clubs privés désireux d’avoir un service de conciergerie VIP. Au-delà de la dimension sociale de son activité, TPO compte parmi les rares start-up lancées par des femmes au Japon. « La diversité à l’embauche pour favoriser l’innovation, soutenir les start-ups, créer des écosystèmes : tout cela est en train d’arriver au Japon », rappelle Mariko.
En sept ans, TPO a traité 53 000 demandes liées à la vie personnelle pour environ 10 000 employés au Japon. Des demandes qui, l’assure la fondatrice, restent confidentielles. Cette année, Mariko Magnan a été récompensée par un prix HEC Mercure, qui met à l’honneur les meilleurs entrepreneurs d’HEC. Le futur pour TPO ? Accélérer son développement en proposant plus de services en ligne de manière à atteindre davantage d’entreprises.
Published by Estel Plagué