Léa Baroudi (H.04) : l’art de reconstruire la paix au cœur des fractures libanaises
Marquée par son enfance au cœur de la guerre civile libanaise, Léa Baroudi transforme les cicatrices de son pays en moteur d’espoir. Fondatrice de MarchLebanon, elle utilise l’art, la culture et la reconstruction pour réconcilier ennemis d’hier et bâtir un avenir commun.
Cette quadragénaire libanaise a grandi avec la guerre civile qui a ravagé son pays quand elle était enfant. Obligée de fuir son pays natal, avec sa famille, elle passe quelques années à Montréal. Là-bas, elle dévore Agatha Christie et Hercule Poirot : “J’ai toujours été fascinée par la nature humaine. Je voulais comprendre pourquoi certaines personnes font des choses males”, indiquent celle qui a choisi une option psycho à l’université américaine de Beyrouth.
Avec l’envie de quitter le pays à nouveau et très attachée à Paris qu’elle connaissait bien, Léa rejoint la grande école et le campus où elle a adoré la vie cosmopolite. Elle est de retour au Liban, après plusieurs années très formatrices chez Deloitte. “ Dans ma famille, on ne parlait pas vraiment politique, mes parents ont des amis de toutes confessions. Quand je suis allée à la fac, j’ai eu un choc et j’ai réalisé que la guerre n’était pas finie et qu’il y a des séquelles que l’on va transmettre de génération en génération”. Alors, avec quelques amis, Léa organise des groupes de discussion, auprès de la jeunesse. Cette initiative isolée devient un phénomène.
Les médias s’en empare, Léa récolte des fonds et MarchLebanon nait en 2012. “March, c’est le printemps, le renouveau, une second chance”, lance-t-elle. Déterminée, Léa se rend à Tripoli, au nord du pays, où un conflit latent continue à décimer les habitants. “Je crois beaucoup en l’art et en a culture comme outil de médiation”, explique celle qui a réussi à mettre sur pied “Guerre et amour sur le toit”, une pièce de théâtre qui met sur les planches 16 combattants devenus une troupe. Une fois les ennemis amis, ils ouvrent un café rue de Syrie à Tripoli, qui fait office de ligne de front. Souvent attaqué, le lieu résiste et en 2016 Léa et MarchLebanon y lancent un programme de reconstruction. “Le but était d’y réunir des femmes qui n’ont aucun rôle dans cette zone du pays, elles sont confinées à la maison et des anciens combattants. Aux unes, on apprend le graphique design. Aux autres, les métiers du bâtiment. » À cela, s’est ajouté ensuite un programme de déradicalisation et de résolution des conflits. Ici, les alaouites côtoient les sunnites. Ils ont vécu toute leur vie dans la haine de l’autre, plus maintenant.
Aujourd’hui Léa a reçu de nombreux prix, son association a vu passer plus de 500 anciens combattants, afghans, syriens et irakiens. Théâtre, rénovations ou tournois de foot, on ne compte déjà plus les initiatives abouties grâce à la détermination et à la bravoure de cette alumni.
Published by Daphné Segretain