Launchpad : comment naissent les start-ups HEC ?
Mercredi dernier, le concours de pitch du HEC Launchpad était organisé en grande pompe au Curzon Theater, dans le quartier de Soho, à Londres. Avec l’appui de la HEC UK House, la neuvième édition de cette Grande Pitch Night 2024 est l’une des étapes d’un programme qui encadre de futurs entrepreneurs, des cours de psychologie jusqu’à l’introduction aux investisseurs. Qui sont les futurs talents, quels sont leurs projets ? Plongée dans les coulisses d’un événement majeur de l’écosystème entrepreneurial HEC.
Les participants du HEC Paris Startup Launchpad ont débarqué à Londres le lundi 18 mars, mais ces 125 élèves sont bien aux fourneaux depuis janvier. Difficile de caser tout le monde dans le hall de la HEC UK House pour une photo de groupe. HEC stories se mêle à une foule de laquelle parvient toute sorte de langages. International, ce programme est effectivement en partenariat avec la NYU Stern et l’ESA Business School.
La promesse du Launchpad ? Lancer sa start-up en seulement onze semaines. Avec 144 participants au total pour l’année 2024, ce format accompagne depuis 2015 des apprentis entrepreneurs préalablement sélectionnés sur dossier et validés par un jury. Méthodologie, travail de terrain, accès à un réseau d’entrepreneurs et de mentors… Ces intenses semaines sont ponctuées par des concours de pitch très attendus.
Si tous n’en sont pas au stade de la sacro-sainte épreuve, six projets ont été sélectionnés pour une présentation lors d’une soirée dans un prestigieux cinéma du centre-ville londonien devant les venture capitalists – ou investisseur en capital-risque. Certains ont des clients déjà signés, une communauté en ligne ou l’ébauche d’un produit.
Psychologie, théâtre : une préparation de luxe
Durant cette expédition de quatre jours à l’étranger, les étudiants suivent une préparation à la HEC UK House, aux alentours de Covent Garden. Au programme : de nombreuses rencontres avec des entrepreneurs mais aussi cours de psychologie pour résoudre les problèmes entre associés avec le psychologue Nikita Mikhailov, coutumier des sessions avec les financiers de la City. Le groupe se presse autour d’un tapis frappé de mots clés désignant des traits de personnalités. « Un introverti est un extraverti qui a bon goût ! » plaisante leur tuteur. Les dirigistes, extravertis, durs ou démonstratifs ne semblent pas avoir la côte. « On se rend compte que les problèmes rencontrés par les fondateurs peuvent être liés à la personnalité, chuchotte Delphine Mourot (H.03), directrice du bureau UK de HEC Paris, qui a supervisé, avec son équipe, les activités du séjour. Mauvaise communication, conflits… Certains pourraient être préemptés s’ils se connaissaient ou connaissaient mieux leurs cofondateurs. »
Dans la salle d’à côté, des cours de storytelling à l’anglo-saxonne avec le charismatique Stewart Bewley, ancien acteur et expert en public speaking. Après la psychologie, place à l’émotion. « 90% des informations sont enregistrées sous forme d’image », répète le tribun à ses élèves, avant de les faire cogiter sur leur trajectoire personnelle dans un coin de la pièce, par terre, à genoux… Un atelier fort divertissant pour un œil spectateur et dont le but est d’apprendre à toucher et retenir l’attention du public avec confiance.
« On regarde s’ils se posent les bonnes questions »
Comment ont été choisi les start-ups qui pitchent ce soir ? Sur quoi portent leurs projets ? Cette année, la moitié ont recours à l’IA. La tendance du moment ? « L’IA est effectivement un buzzword. Cela veut tout et rien dire. C’est son application qui importe, indique le directeur du Launchpad et entrepreneur aux manettes de Lingueo, Guillaume Le Dieu de Ville (M.06). Les projets sont déterminés par des tendances liées à l’environnement des étudiants, des tendances techniques et les contextes macro-économiques actuels. »
Pour sélectionner les étudiants du programme, le jury éprouve avant tout leur connaissance d’un marché et des problématiques affiliées. « On regarde s’ils se posent les bonnes questions. Une fois dans le programme, ils vont sur le terrain, précise Guillaume Le Dieu de Ville. Nous leur donnons les outils pour valider ces hypothèses et analyser toute la chaîne de valeur. Nous les encourageons à définir leur environnement pour réussir plus facilement plutôt que de partir uniquement sur de l’intuition et de ramer pendant 6 ans, ce qui arrive régulièrement. »
Un problème, une solution. Et les projets de start-ups s’apprêtant à pitcher sont majoritairement des solutions destinées aux entreprises. « Nous avons plus de 50% de projets B2B. L’environnement de l’école, nos partenaires corporate et un accès certain aux entreprises favorisent cela », explique le directeur du programme. Depuis sa création, le programme a donné vie à plus de 300 start-ups, dont 125 existent toujours.
LLM, RH, CRM…
Les tendances techniques se portent clairement sur la simplification des tâches et des processus fastidieux auxquels font face les travailleurs. Trois projets sélectionnés mettent l’IA au cœur de leur solution et ciblent un secteur et une problématique très spécifiques. Amon AI s’appuie sur un LLM – un modèle de langage pouvant assimiler et utiliser de grands volumes de données afin de générer du contenu – pour structurer les données et simplifier les démarches internes dans le milieu très traditionnel du BTP. Bluco met au point un système de chatbot sur messageries instantanées et d’automatisation dans la sélection des CVs pour aider les entreprises à recruter dans des domaines de terrain en tension comme celui de la santé. Eledone œuvre à simplifier les logiciels d’entreprises complexes comme Sage, via un LLM et une IA symbolique.
Unique projet sur l’économie circulaire, Rebalance se propose de faire le lien entre les entreprises et les associations pour écouler leurs stocks d’invendus sous forme de don, abattement fiscal à la clé. Seul Brightly s’adresse au grand public et veut lutter, via son application, contre l’addiction aux réseaux sociaux chez les enfants via un système de limitation et de compromis : deux heures de contenus éducatif contre cinq minutes de TikTok. Niveau marketing, Uzu propose aux pharmaciens et leurs marques partenaires d’accéder aux données consommateurs à travers un programme de fidélité sur appli et une communauté en ligne. Comment négocieront-ils leur pitch ?
Un show à la Qui veut être mon associé
À 18h30, la nuit s’abat sur Londres et le Curzon cinema détonne dans la pénombre avec son néon rose clair. À l’affiche : Dune, deuxième partie… Au deuxième sous-sol, la soirée du Launchpad commence et les élèves, un peu stressés, articulent une dernière fois leur pitch en anglais sur scène. La salle se remplie lentement au son des teasers de présentation vidéo tournés par les participants et diffusés sur grand écran. On invite les spectateurs à voter en ligne pour leur favori, comme à l’Eurovision. L’évènement est d’ailleurs retransmis en direct sur Youtube. Delphine Mourot ouvre le bal aux côtés de Guillaume Le Dieu de Ville et Inge Kerkloh-Devif, directrice de l’Institut Innovation & Entrepreneurship, qui chapote, entre autres, le Launchpad et l’incubateur HEC de Station F.
Les six équipent se succèdent sur scène, rivalisant de chiffres, mots clés, slogans, et tentent de mettre autant de dynamisme que possible dans leurs présentations. Au premier rang, le jury est composé de l’entrepreneur Adrien Cohen (H. 08) et des VCs Gabriele Papievyte de chez XTX Markets, Maryline Kulawik (H.94), de Spice Capital, et Ramzi Rafih (H. 09), créateur de No Label Ventures. Ils se prêtent à l’exercice d’une critique honnête. « – Quel est votre avantage dans un marché si concurrentiel ? », lance Ramzi. « – Faites davantage l’expérience de la vie réelle. Il me semble cibler une incohérence », tonne Adrien. Après une rapide délibération dans une petite salle adjacente, Amon IA est annoncé gagnant du prix du jury. L’équipe de Bluco, elle, remporte le prix du public. Comme le résume Adrien Cohen : Une IA verticale au sein d’une vertical ‘peu sexy’, c’est comme ça qu’il faut faire ! »
La bonne ambiance entre les membres du projet, un aspect qui compte plus que jamais pour ce jury, dithyrambique sur les gagnants. « Quelle charmante équipe ! », s’exclame Gabriele Papievyte. « On regarde la complémentarité des talents. Ma préférée était la deeptech Eledone mais en termes d’équipe, c’était Amon AI. », glisse Maryline Kulawik pendant le cocktail. Il y a quand même eu une discussion autour du fait qu’être dans un marché de niche permettait aussi d’augmenter les marges et d’avoir moins d’intensité concurrentielle. » L’investisseur Ramzi Rafih confirme que le jury a convergé de concert vers cette solution permettant d’obtenir n’importe quelle données clés d’un chantier en demandant à une IA. « Un marché un peu moins surpeuplé est à haut potentiel. »
Membre d’Amon IA, Naima Tijani (M.24), élève du master X-HEC Entrepreneur se dit « hyper contente que l’idée plaise. C’est vraiment un sujet qui me tient à cœur. » Elle a pu visiter, pendant les premières semaines du Launchpad, le site de construction de la piscine des Jeux Olymiques à Saint-Denis (93). Son profil en particulier a emmené son équipe vers la victoire puisqu’elle a commencé sa carrière dans le milieu de la construction. « J’ai fait l’ESCT (École Supérieure de Conduite de Travaux), puis j’ai travaillé trois ans aux US. J’en ai un peu eu marre du BTP, c’était dur ! » Son projet de start-up s’attaquerait à un marché de « 12 trilliards de dollars.» Elle compte peaufiner son produit tech auprès des conducteurs de travaux avant de passer à la « méthode blitzkrieg » pour inonder le marché.
Du côté de Bluco, les gagnants du prix du public, déjà testés par deux entreprises, assurent avoir travaillé « quatorze heures par jour, sept jours par semaine. Nous comptons créer le statut de l’entreprise et lancer les ventes dans quelques semaines », assure Francisco Shirazide Latour (M.24), avec son binome Nicolò Magnante (M.24). Leur produit sera live d’ici quelques jours. Sur la rampe de lancement.
Pour revivre la soirée et écouter les pitches des participants, c’est par ici :
Published by Estel Plagué