Championne de boxe anglaise, Jennifer Timani (H.28) est la première étudiante à décrocher la bourse Stan Schwab pour l’excellence et le mérite sportif. Rencontre hors du ring.

Le souffle court, la sueur perlant sous la lumière blanche du gymnase, Jennifer Timani enchaîne les crochets, le regard rivé sur son coach. « Attention à ta garde ! », lui jette Stéphane Nemi, alias Gwadoss. Elle pivote, esquive, repart. Ses gants claquent comme des rafales.

Née à Kyiv en 2003 d’un père d’origine libanaise et d’une mère ukrainienne, Jennifer y a grandi entre les clubs sportifs, l’école de musique et les traditions du pays. « J’admire l’humour, l’optimisme et la force de caractère des Ukrainiens. Leur attachement à la liberté m’inspire, confie-t-elle. Mais je me sens très proche aussi de la culture française. J’avais 3 ans quand j’ai eu mes premiers cours en français ! ».

Élève en double diplôme à Télécom Paris et HEC, cette jeune femme souriante et énergique a la rigueur des matheux et la rage tranquille des combattantes. « Jennifer est vraiment une élève modèle : assidue, ponctuelle, bosseuse, rigoureuse… Elle a soif d’apprendre. Elle est constamment à la recherche de l’excellence », confie son coach Gwadoss, dont le club est basé aux Ulis. « La première fois que j’ai rencontré Gwadoss, ce qui m’a impressionnée, c’est qu’il a su lire tous mes défauts rien qu’en observant ma garde ! », se souvient l’étudiante, avec un respect palpable.

Si la guerre a contraint une partie de sa famille à quitter le pays, la plupart de ses proches vivent toujours à Kyiv. « Je n’y suis pas retournée depuis un moment », souffle-t-elle. Sa mère a perdu sa meilleure amie dans un bombardement. « C’était difficile de la voir souffrir. »

En France, elle a intégré la prépa scientifique Louis-le-Grand (« deux ans sans pratiquer de sport »), puis Télécom Paris. Elle y montre qu’on peut être aussi brillante qu’engagée. Son quotidien d’étudiante à HEC Paris : quatre à six heures de boxe par jour, des trajets constants entre Nanterre, où elle habite avec son frère, Les Ulis et désormais Jouy-en-Josas, où elle participe aux associations étudiantes Start’HEC et Fight Club. Et quelques sacrifices à la cantine. « Je dois maintenir mon poids de forme, sinon je me retrouve propulsée dans la catégorie du dessus ! », lâche-t-elle dans un rire.

Consécration d’une battante

Admise à HEC, elle est la première lauréate de la bourse Stan Schwab pour l’excellence et le mérite sportif, créée en hommage à un HEC 2009, très sportif, mort trop jeune (voir encadré). Une cérémonie bouleversante : les proches de Stan sont dans la salle, émus aux larmes. « C’était un immense honneur de recevoir cette bourse. Elle porte un sens profond, un hommage », confie Jennifer. Elle fait sa rentrée sur le campus au mois d’août. Une consécration pour celle qui veut devenir entrepreneuse. « Mon rêve serait d’innover à l’intersection de la data science, de l’intelligence artificielle et du cloud, en alliant la technique acquise à Télécom Paris et l’approche stratégique et managériale d’HEC », expose-t-elle. Son inspiration ? Yassine Hargane (H.24), cofondateur de la start-up Umiros (formation et conseil en IA) et investisseur en start-up, passé par la même prépa et la même école d’ingénieurs. « Il m’a fait découvrir le double diplôme avec HEC qu’il a lui-même suivi. Son exemple me rappelle une chose précieuse : tout est possible. »

Initialement, elle pensait candidater pour la bourse HEC Imagine Fellows pour les étudiants issus de pays en guerre. Voyant son parcours sportif, la Fondation HEC l’a orientée vers la bourse Stan Schwab. Pour constituer son dossier, Jennifer a appelé son grand-père et demandé qu’il prenne en photos ses médailles. Elle en a des dizaines. Forcément, elle a fait 5 ans d’escrime, 7 ans de natation, 5 ans de gymnastique rythmique, 11 ans de MMA japonais ou « ultimate MMA ».

Arrivée en France, elle décide de se concentrer sur la boxe anglaise, une des composantes du MMA. Quand elle se met à parler de cette discipline, son regard s’illumine : « c’est un sport super intellectuel ». Qu’entend-t-elle par-là ? « C’est comme un jeu d’échecs. Il faut garder plusieurs pas d’avance, amener l’adversaire là où l’on veut. C’est une danse, un échange. À la fin d’un combat, on a vécu tant de choses qu’on se serre dans les bras, reconnaissants d’avoir partagé ce moment. » Elle admire le champion mondial de boxe Oleksandr Usyk, qui lève des fonds pour son pays, l’Ukraine. « Il incarne la résilience du peuple ukrainien », estime-t-elle.

Malgré son parcours exceptionnel, Jennifer ne prend pas la grosse tête. « En boxe, il ne faut pas penser victoire ou défaite, il faut juste profiter. Et respecter l’adversaire, car on trouve toujours plus fort que soi ». Excellence, humilité, sincérité : les maîtres-mots d’une trajectoire exemplaire.

 

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