Après cinq années passées à la banque d’investissement Goldman Sachs, Gina Farran (H.16) s’est lancée dans l’entrepreneuriat, avec un projet aux antipodes des produits financiers : des stickers en gel pour les ongles qui donnent l’illusion d’une manucure de salon. La fondatrice s’est entretenue avec « HEC Stories » depuis son usine à Londres. 

Avec sa « cure à la manucure », Gina Farran, promet « la qualité d’une manucure faite en salon, sans devoir se déplacer ou attendre que le vernis sèche. » Sur le site de Glaize, (déformation du mot anglais « glazed » qui signifie « vernis, lustré »), les clientes choisissent une couleur, un design, ou des motifs ongulaires, avant d’envoyer une photo de leurs mains

C’est là qu’un modèle de machine learning calcule automatiquement la taille des ongles à la courbe près et produit des stickers personnalisés. Une technologie encore à l’affinage et en cours de brevetage. Après réception du kit à domicile, il suffit de laver ses ongles et d’y coller les stickers en coupant éventuellement les débords. « Et il n’y a pas besoin d’acétone pour enlever du vernis », s’enorgueillit Gina.

Née à Beyrouth, l’entrepreneure a passé son enfance et suivi ses études au Liban avant de s’expatrier à Dubaï à ses 20 ans, puis d’être acceptée en master à HEC. En intégrant Goldman Sachs, elle a en tête de suivre une carrière corporate. « J’avais besoin d’un visa sponsorisé, et je n’avais pas envie de retourner dans mon pays. » Pendant ses années dans l’investissement londonien, cette coquette de nature n’a pas le temps d’aller au salon… et rencontre des problèmes cosmétiques d’ordre pratico-pratique. « Je rentrais tard du boulot. Et quand vous vous faites les ongles juste avant d’aller dormir, vous en mettez partout. » 

Un jour de 2020, elle se réveille, un matin, « fatiguée par le monde des finances ». « Je travaillais beaucoup mais je ne me voyais pas devenir directrice générale. Ça ne m’inspirait pas. » Suite à cette prise de conscience, le développement produit de Glaize durera trois ans. En dépi des pénuries de matières premières et les problèmes de chaîne d’approvisionnement causés par la pandémie et le Brexit, l’entrepreneure développe une formulation de gel nécessitant plus de 1 000 essais et construit tout le processus de fabrication en interne. Les stickers ont été officiellement lancés l’année dernière… sans que Gina ait besoin d’investir massivement en communication.

Un passage remarqué dans « Dragon’s Den »

En Grande-Bretagne, l’émission de BBC One « Dragon’s Den » est l’équivalent du « Qui veut être mon associé ? » français, ou encore de « Shark Tank » aux États-Unis. Le principe ? Un entrepreneur pitch sa société à des juges-investisseurs et sollicite une participation chiffrée en échange d’un pourcentage sur les ventes du business. 

Quand la production prend contact avec Gina, à travers le service clients, cette dernière croit d’abord à une arnaque. « Une femme prétendant être de la BBC m’a écrit de nulle part pour me conseiller de s’inscrire à l’émission. J’ai ignoré son premier message, puis son deuxième. Au bout du troisième, j’ai décidé de vérifier si c’était une vraie proposition. » Elle décide finalement de soumettre sa candidature, ce qui ne se révèle pas si simple. « Il faut remplir beaucoup de formulaires, être au téléphone quasi quotidiennement avec les enquêteurs du programme, car ils font énormément de vérifications pour s’assurer que la société convient et que les infos sont véridiques. » L’équipe se rend finalement à Manchester en février dernier pour plus de deux heures de tournage. Une séquence « raccourci à une quinzaine de minutes » lors du montage final.

 « Certaines questions étaient dures, mais tout le monde était relativement gentil », se rappelle Gina. Une juge en particulier, la business woman Sara Davies, se montre particulièrement enthousiaste à l’essai des stickers. « Si ton produit est aussi bien que tu le décris, tu vas bouleverser l’industrie ! », s’exclame l’investisseuse britannique. Des paroles qui ont poussé ses confrères masculins à enchérir à leur tour. Gina a récolté quatre offres sur un panel de cinq juges pour finalement accepter un investissement conjoint de la part de Sara Davies et Deborah Meaden.

« Le soir où l’épisode a été diffusé, on a été débordés de commandes, se souvient l’entrepreneure. Je m’attendais à ce que cela dure un jour ou deux. Mais ils ont partagé le pitch sur leurs réseaux sociaux et le flux de commandes a continué. » La vidéo du pitch a atteint 2,7 millions de vues sur TikTok et plus de 200 000 visiteurs ont atterri sur le site après l’émission. 

En tant qu’ancienne étudiante du Master en management spécialité développement durable, Gina Farran dit vouloir cheminer vers une composition plus responsable. La formulation actuelle est végétale à 30 %. « Ma vision est d’essayer de rendre le produit aussi durable que possible, et d’avancer en remplaçant progressivement les composantes plastiques. »

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