Cyrielle Callot nous explique où vont les déchets alimentaires
Il y a cinq ans, la jeune entrepreneure Cyrielle Callot (H.11) a développé une solution pour collecter et transformer les déchets alimentaires en compost. Aujourd’hui, sa vertueuse entreprise Les Alchimistes est devenue un réseau national florissant. Les alumni HEC viennent de récompenser son travail avec un prix Mercure.
Comment l’entrepreneuriat a-t-il commencé pour vous ?
J’ai commencé chez Groupon, lorsque le concept n’existait même pas encore en France. Nous avons commencé avec une entreprise appelée CityDeal et au moment des entretiens, la société n’avait même pas été créée. Lorsque j’ai rejoint BlaBlaCar, c’était encore covoiturage.fr et nous étions moins de 30 personnes, principalement actifs en France, avec seulement 1 million d’utilisateurs. J’étais responsable de la croissance.
Nous avons développé l’entreprise dans 20 pays, 60 millions de personnes l’ont utilisée et l’équipe comptait 500 personnes lorsque j’en suis partie. Donc, en réalité, il était tout à fait naturel pour moi de chercher ensuite un projet dans lequel je pouvais vraiment partir de zéro.
La passion du compost
Pourquoi le traitement des déchets alimentaires ?
Ce qui m’a amenée aux Alchimistes, c’était principalement le compostage. Je suis une grande adepte du compost, le résultat de la transformation des déchets organiques. Cela ressemble un peu à de la terre mais il est en fait gorgé de plein de matières organiques et plein de choses positives. Ce qui me passionne dans le compost, c’est qu’il est à la fois le début et la fin de la chaîne alimentaire. Il contient de nombreuses espèces vivantes et, avec les océans, c’est un énorme puits de carbone. C’est aussi ce qui permet d’éviter l’érosion… Le sol, c’est un sujet passionnant !
J’apprécie les sujets qui tournent autour du changement des habitudes. C’était déjà le cas dans le domaine du covoiturage. Et c’est un geste assez simple de mettre ses déchets organiques dans un bac séparé. Le concept de déchet tel que nous le connaissons existe depuis moins de 200 ans. Nous pouvons plutôt le considérer comme une ressource et créer une économie circulaire en utilisant cette ressource au quotidien.
Vous avez créé Les Alchimistes en 2018 dans un environnement très compétitif. Comment a-t-elle grandi?
Nous avons commencé par nous attaquer à une partie des déchets organiques qui n’étaient pas encore couverts, à savoir les déchets organiques des centres-villes très urbains. Nous les avons collectés auprès d’acteurs engagés à vélo. Ce n’est pas simple, mais c’est un peu plus facile que d’investir dans une flotte de véhicules plus puissants.
Une fois que nous avons effectué nos tests, appris et commencé à nous faire entendre, nous avons souhaité élargir notre portefeuille clients et devenir plus professionnels. Cela nous a permis de croître progressivement. Nous avons toujours adopté une approche très entrepreneuriale et su comment commencer petit.
Un marché compétitif
Ces activités sont des activités de volume. Il s’agit principalement d’infrastructures dans lesquelles il faut investir. Nous disposons de plates-formes de réception et de compostage et devons atteindre un certain volume pour les rentabiliser. Un travail toujours en cours puisque nous connaissons une forte croissance aujourd’hui.
Et vous avez la loi qui joue en votre faveur…
Nous savions qu’il existait un cadre juridique très favorable. Historiquement, il y a la loi AGEC qui impose progressivement à tous en France de trier leurs déchets alimentaires à la source pour en faire une ressource valorisable. Cette loi a d’abord commencé à s’appliquer aux gros producteurs de déchets, tels que l’agro-industrie, les hypermarchés, etc. Progressivement, elle s’est appliquée aux petites épiceries, aux écoles ou aux hôpitaux.
À partir du 1er janvier 2024, en théorie, tout le monde en France aura l’obligation légale d’avoir une solution à domicile pour trier les déchets. Les collectivités doivent mettre en place des solutions pour valoriser ces déchets alimentaires. De plus en plus, les marchés sur lesquels nous travaillons sont vraiment ceux des particuliers, des collectivités.
« Plus ils trient, moins ils paient »
Dans le langage des écoles de commerce, c’est un marché assez oligopolistique. Il y a toujours trois ou quatre acteurs sur chaque ville ou agglomération. Aujourd’hui, nous parvenons à travailler avec plusieurs acteurs historiques du secteur des déchets sur tous les territoires – Veolia, Suez et d’autres. Nous savons fournir une prestation de très haute qualité avec la capacité de collecter des déchets dans de nombreux petits endroits, et ils ont la capacité de collecter les dépôts des grands acteurs. Nous sommes donc une bonne combinaison d’acteurs.
Qu’est-ce qui vous distingue de la concurrence ?
Notre objectif est de faire participer tout le monde à l’impact du tri de leurs déchets. Nous proposons une formation à la sensibilisation pour chacun de nos clients. Nous leur montrons comment trier. Ensuite, nous les encourageons à maintenir la qualité de leur tri en adoptant une méthode de facturation évolutive : plus ils trient, moins ils paient. Cela fonctionne comme une incitation. C’est très apprécié.
Nous mesurons les kilos de déchets que nous collectons dans chaque établissement, ce qui leur permet d’adapter leurs actions pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Nous sommes également très appréciés pour notre service client exemplaire. Nous récupérons les bacs directement depuis la cuisine et nous optimisons nos tournées afin qu’ils paient exactement le prix juste.
Un parfait exemple d’économie circulaire
Mais surtout, nous offrons une solution de compostage. L’alternative au compostage est la méthanisation, c’est-à-dire l’utilisation du biogaz pour valoriser les déchets alimentaires. Notre production de compost est très appréciée par les clients car elle présente un aspect circulaire et ils peuvent voir comment leurs déchets alimentaires seront utilisés.
« Sauter dans l’inconnu »
Vous avez levé 10 millions en février dernier. Que prévoyez-vous d’en faire ?
L’objectif de cette levée de fonds est de continuer à se développer sur le territoire français. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 13 villes en France et notre objectif est d’être présent dans 30 zones urbaines et de collecter autant de déchets alimentaires que possible pour les transformer en compost.
Actuellement, nous valorisons environ 18 000 tonnes de déchets alimentaires par an. Notre objectif est de valoriser 300 000 tonnes, ce qui représenterait environ 10% du marché dans les villes françaises où notre activité pourrait être intéressante. Nous pensons que 10% est le seuil au-dessus duquel nous pouvons avoir un effet systémique.
Quelle est votre vision de l’entrepreneuriat ?
Pour moi, il était vital de m’engager dans ce en quoi je croyais. L’entrepreneuriat consiste à oser prendre un risque. Parce que chaque fois que j’ai sauté dans l’inconnu, j’ai eu l’impression d’être seule. Mais nous trouvons toujours des personnes qui pensent de la même manière, partagent les mêmes convictions et veulent avancer. Cela nous donne une énergie incroyable. Je vois l’entrepreneuriat comme la création d’un nouveau chemin.
Published by Estel Plagué