Leader de la distribution bio, et plus vieille enseigne en France après La Vie Claire, la coopérative agricole Biocoop est un projet de société… devenu succès commercial.

Dans les années 1970, l’agriculture intensive a beau être décriée, les consommateurs ont du mal à s’approvisionner en produits biologiques. Certains décident donc de s’allier à des producteurs au sein de coopératives… sans savoir qu’ils sèment les graines du futur leader de la distribution bio. Près de Rennes, Avignon et Agen, trois petites centrales d’achat voient le jour, avec un système coopératif de ramassage chez le producteur et plusieurs points de vente. « La centrale achète au producteur et vend au magasin », résume Éric Tardy, certificat HEC, directeur administratif et financier de l’enseigne. En 1986, les « coops » s’unissent et créent Biocoop, une association loi 1901 à l’échelle nationale. Le réseau compte 40 magasins.

Mode de production, transport, emballage… le cahier des charges est exigeant.

1970-85
Des consommateurs engagés s’associent pour s’approvisionner en produits biologiques directement auprès des producteurs. Issues de ces groupements d’achats, des entreprises commerciales ayant le statut de coopératives commencent à se créer.
1986
Les groupements Intercoop et Biopaïs (fondés au début des années 1980, dans l’Ouest et dans le Sud de la France) s’unissent pour créer Biocoop, une association de loi 1901, lors du Congrès d’Annecy. Une charte fondatrice est établie.
1997
Biocoop compte 200 magasins, qui ont alors tous des noms différents. Ce n’est qu’en 2010 qu’ils auront l’obligation d’inscrire l’appellation « Biocoop » sur leur devanture, en plus de leur nom originel.
2000
Biocoop signe une convention avec la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab). Le réseau développe une politique de partenariats et se lance dans une démarche de construction de filières.
2002
L’enseigne se dote de nouveaux statuts et devient une société anonyme coopérative. Des représentants des magasins, des producteurs, des salariés et des consommateurs siègent au conseil d’administration.
2003
Biocoop adhère à la Plateforme pour le commerce équitable (devenue Commerce Équitable France). Chaque année, le réseau soutient la Quinzaine du commerce équitable, qui avait pour thème en 2018 l’égalité hommes-femmes

Aujourd’hui, il en a plus de 600. « Les premiers magasins Biocoop ont relevé un défi : faire leur trou sur un marché embryonnaire », raconte Gilles Baucher (H.85), directeur du développement et des services magasins. En 2007, le premier Grenelle de l’environnement place le bio sous le feu des projecteurs. La même année, Éric Tardy est recruté par un chasseur de têtes, qui lui vante une structure « atypique » gérée par des « écolos à l’ancienne ». « Au début, je ne comprenais rien », avoue-t-il. On l’envoie alors en magasin, où il découvre la farine de marron et une sélection des fournisseurs élaborée selon un cahier des charges exigeant (100 % bio, respect de la saisonnalité, pas de transport par avion, travail sur les emballages et le vrac…). « J’ai appris à travailler avec des banques mutualistes et je me suis rendu compte que l’argent avait une odeur. »

2005
L’enseigne optimise son fonctionnement en fusionnant plusieurs entrepôts. Parallèlement, elle crée la société Biocoop Restauration et cofonde la coopérative Enercoop, fournisseur d’électricité renouvelable.
2006
La Société de Transports Biocoop (STB), nouvellement créée, assure l’approvisionnement des magasins. Elle compte aujourd’hui une vingtaine de camions roulant au biogaz et pratique le ferroutage.

2010, les années disettes

Vers la fin des années 2000, les magasins semblent pousser comme des champignons – de fait, les sociétaires décident de tous les nommer Biocoop, alors qu’ils portaient jusque-là des noms variés. Puis l’histoire a bien failli s’arrêter là… En décembre 2009, la croissance des magasins chute soudain à 0 %, puis à – 2 % (contre + 10 voire + 25 % précédemment). En cause : le contrecoup de la crise économique, couplé à l’apparition de rayons bio dans les grandes surfaces. « Les sociétaires nous ont accusés de ne pas avoir anticipé, d’avoir trop investi et trop recruté », se souvient Éric Tardy.

2010
Biocoop quitte Cavaillon pour s’installer à Sorgues, dans le Vaucluse. Les plateformes Grand-Ouest, Sud-Ouest, Centre-Nord-Est et Sud-Est totalisent plus de 40 000 mètres carrés d’entrepôts.

L’enseigne tente alors de renouveler son offre, en misant sur les produits ultra-frais, dont le fromage. Elle cherche aussi à renforcer son positionnement en adoptant un ton plus ouvertement militant, et réduit certains de ses prix pour toucher un plus large public. La France ne compte pas assez de brebis pour remplir les rayons de Roquefort bio ? Qu’à cela ne tienne, l’enseigne recrée une filière tricolore ! Le travail sur les chaînes de valeur fait partie de son ADN. La recette fait miracle : dès 2011, la coopérative renoue avec une croissance à deux chiffres. « Biocoop considère que le maillon principal, c’est la terre », rappelle Éric Tardy. Aussi, le jour où un producteur lui demande de lui acheter d’avance ses 50 000 euros de melons de l’année prochaine – il n’en a pas produit pas cette année-là, à cause de la grêle –, le directeur administratif lui octroie illico un prêt sans garantie, rédigé sur un coin de table. Même prise de risque sur du miel ou des amandes.

Biologiquement humain

« Biocoop est un projet commercial mais surtout sociétal, rappelle Gilles Baucher. Notre cahier des charges plafonne la marge des magasins à 31,5 % mais, en pratique, ils sont au-dessous. » Concilier la juste rémunération des paysans (la gamme Ensemble leur assure des prix plancher) et l’accessibilité du bio passe parfois par des conflits (constructifs) entresociétaires.

2014
Dix ans après l’adhésion de Biocoop à la Plateforme pour le commerce équitable, la part des ventes de produits biologiques issus du commerce équitable représente près d’un quart des ventes du réseau.
2017
Pour lutter contre la pollution causée par les emballages plastiques, Biocoop annonce l’arrêt de la commercialisation d’eau en bouteille, bien qu’elle représente les meilleures ventes de la plupart de ses magasins.

Lors des réunions comme au sein du conseil d’administration, qui réunit représentants de producteurs, de magasins et de consommateurs et de salariés, « il y a bien sûr eu des querelles, se souvient Éric Tardy. Jusqu’au logo : il comportait au début une planète incluant l’Amérique du Nord, ce qui ne plaisait pas à tout le monde. »Et demain ? Grâce à son fonds Défi Bio, Biocoop continue de financer le développement de ses partenaires, depuis le champ jusqu’aux magasins. L’enseigne teste le « click and collect » et envisage de s’implanter dans des pays voisins (il y a déjà un magasin à Andorre…). Avis aux entrepreneurs militants : le réseau, qui ouvre 70 magasins par an, recherche toujours de nouveaux porteurs de projets.

2019
Biocoop ADN, premier magasin bio « anti- déchets » (réutilisation des contenants, consigne, vrac…), ouvre à Paris, dans le 20e arrondissement. L’enseigne compte plus de 600 magasins et le chiffre d’affaires du réseau s’élève à 1,37 milliard d’euros.

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