En avril 2020, HEC Stories a proposé aux alumni de partager leur expérience du confinement. Voici le témoignage envoyé par Mireille.

Le télétravail progressait avec peine dans l’Hexagone, tellement les freins traditionnels avaient la vie dure. Il est subitement devenu un mode de travail normalisé et massivement employé.Dans de nombreux secteurs, les circonstances ont rendu le passage au télétravail obligatoire. L’avantage ? On arrête de minauder. Et de relever, le cas, toujours le même, où l’expérience s’est soldée par un échec, de brandir les contraintes administratives ou les difficultés à trouver un consensus. Du jour au lendemain, ça devient possible et on pare le télétravail de toutes les vertus, conscient qu’il s’agit de conserver un minimum d’activité pour le salut de tous.On n’échappera pas au retour d’expérience. Les entreprises qui traînaient des pieds hier n’auront plus tout à fait les mêmes excuses demain pour limiter le télétravail. On peut espérer que l’expérience aura apporté quelques enseignements positifs aux directions générales, DRH et managers. Le télétravail apparaît aujourd’hui comme un moyen de protection. Il l’était déjà par le passé, supprimant des heures de transport éreintantes, le bruit des collègues… mais là, il est le bouclier qui nous soustrait aux flammes du dragon pandémie. Pour autant, exercer son activité professionnelle dans son espace de vie privée présente quelques difficultés.

Le télétravail ne peut pas se considérer, seul sans tenir compte de la relation de chacun au travail et au chez-soi. En effet, dans l’ancien monde, on avait choisi ou du moins anticipé ce mode d’activité. On s’était donc organisé : son coin bureau, des horaires compatibles avec les autres activités et occupants de la maisonnée, la continuité des interactions avec l’extérieur. On livrait ce que l’on voulait de son intimité. Aujourd’hui le télétravail est le fruit d’un enfermement implacable, qui balaie toutes les autres considérations.Dans ces conditions, comment concilier isolement et partage ? Sans tomber dans la frénésie des « visio conf » et autres « conf call », garder le lien avec son entourage professionnel est important, d’autant que la représentation des bienfaits de la vie en entreprise évolue : le café en petit comité, les tablées au déjeuner et les réunions assis côte à côte ne font plus rêver. La distanciation sociale risque de ne pas être si provisoire.Mais l’expérience du confinement questionne la notion de frontière plus ou moins perméable entre notre vie professionnelle et notre vie personnelle.

Comment se sentir à l’aise alors que toute la famille est là et peut, à tout moment, jeter un œil par-dessus notre épaule ou capter ce que l’on vient de dire ? « S’échapper » dans le travail, comme certains se plaisaient à la faire, devient plus compliqué aujourd’hui, surtout si on a le désir de préserver les relations au sein du foyer.Pour s’en sortir, on doit inventer des modes de coopération avec le conjoint, avec le voisin. On partage, avec des collègues ou des clients, des bouts de vie que l’on n’aurait pas spontanément évoqués avant… un enfant passe sa tête devant l’écran ou on l’entend crier derrière ? Oui, ça arrive. On apprend une certaine forme de tolérance, et chacun accepte d’être authentique, de livrer un peu plus sur soi. Bref, les semaines passant, on se dit qu’à la prochaine crise, on sera plus aguerri. Reste, en attendant, à aborder pour le déconfinement, qu’il ne suffira pas de décréter, mais qu’il faudra s’approprier collectivement et individuellement.

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