La réponse de Zoubir Benleulmi (E.11)

les étudiants algériens, qui sont 2 millions dans le pays; répartis dans une centaine d’universités; sont à l’avant-garde du mouvement de contestation politique actuel, le Hirak, qui a débuté le 22 février 2019. Ils tiennent régulièrement des assemblées où ils débattent et décident de manière démocratique des actions à mener (manifestations, grèves, etc.). Ils recourent massivement aux réseaux sociaux et ils cherchent, en dialoguant avec des enseignants; à mieux comprendre le fonctionnement de l’État et les réformes nécessaires. Ces étudiants portent l’aspiration de tout un peuple. Ils veulent changer le système actuel; en finir avec le despotisme, la mainmise d’une oligarchie et la gestion désastreuse du pays. Ils veulent un État de droit et réaffirment que l’Algérie est une république et non une monarchie.

Ces jeunes aspirent aussi à une vie décente dans cette nouvelle Algérie, avec des débouchés professionnels, l’obtention d’un logement… Par la mobilisation générale de la population et les aspirations au changement; on peut comparer le Hirak à un mai 68 plus pacifique.

Le pays souffre de la fuite des cerveaux (particulièrement vers la France et le Canada). Certains diplômés veulent poursuivre des études complémentaires dans des universités internationales; alors que d’autres sont à la recherche d’un travail et d’un meilleur cadre de vie. Conséquence : un manque cruel de compétences pour gérer le pays et faire tourner l’économie. Ce qui contribue au cercle vicieux de la médiocrité. Comme me l’a récemment confié un haut responsable :  » Ce sont les meilleurs et les plus dynamiques qui quittent le pays « . En partie parce que les pays de destination favorisent une immigration qualifiée.

D’après une étude du Cread (Centre de recherche en économie appliquée au développement, Algérie), 10 000 médecins algériens exercent en France. Parmi ceux qui ont émigré, très peu reviennent. Il est probable qu’il y ait plus de retours en cas de changement politique majeur, mais l’expérience montre qu’il est difficile pour ceux qui ont fondé des familles dans des pays occidentaux de revenir. Je connais un scientifique algérien qui est revenu des États-Unis pour s’installer en Algérie avec ses enfants. Au bout de deux ans, il est reparti.

En Algérie, le salaire minimum est de l’ordre de 135 euros par mois. Cela signifie que beaucoup d’Algériens peinent à subvenir à leurs besoins, surtout s’ils ont des enfants. Pour faire face à cette situation, les produits de base comme le pain, le lait, la semoule, l’huile, l’électricité et le gaz sont subventionnés. Il y a aussi des mesures de protection sociale, comme la gratuité des soins dans l’hôpital public, une carte de santé pour les médicaments (carte Chiffa), la gratuité des études jusqu’à l’enseignement supérieur, les logements sociaux, etc.

Ces mesures ont un coût élevé pour le budget de l’État. Un coût difficile à supporter actuellement avec la chute des prix du pétrole, d’autant que la population augmente d’environ un million d’individus chaque année. Pour libérer le potentiel de l’Algérie, il faut favoriser l’instauration d’un État de droit, fondé sur les principes d’équité et de solidarité avec en point de mire le développement du capital humain. Pour y parvenir, il faut des hommes intègres et compétents, qui donnent l’exemple, fédèrent et mobilisent l’intelligence collective autour de réformes pour améliorer le système éducatif, instaurer un meilleur climat des affaires, moderniser l’administration et diversifier l’économie.

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